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    Alors que Paris devient lieu de débauche pour l'Occupant et que la France est livrée au pillage généralisé des troupes allemandes, des chansons joyeuses percent malgré tout le paysage. Certaines sont innocentes comme "Ah ! le petit vin blanc", créée en 1943 par Lina Margy.

    D'autres relèvent de la propagande comme le fameux "Maréchal, nous voilà !" Mais d'autres encore versent dans l'insouciance ("ça sent si bon la France" de Chevalier, "La Tour Eiffel est toujours en place", de Mistinguett) ou frisent carrément la bêtise et l'obscénité :

    "ça va beaucoup mieux" après le franchissement par l'ennemi de la ligne de démarcation.

    Un irresponsable écrit même "alors, ça gaze ? 

     

    La courageuse Joséphine Baker s'engage dans la Résistance active dès 1940. Mais elle représente une exception ; la plupart des artistes sont plutôt dans l'attentisme ou l'insouciance. Rares sont cependant ceux qui fricotent réellement avec les Allemands. Les artistes veulent que le spectacle continue et que l'on continue de chanter.

    Tout comme les gens en général. Comme eux, ils sont plus attentistes que fanatiques. D'où les pressions importantes sur les artistes de la part des deux bords et les reproches, souvent malveillants venant de ces deux bords. Le rôle plus que trouble d'Arletty est cependant à souligner.

     

    Joséphine Baker, la Résistante

     

    oséphine Baker, la Résistante

    Dès le début de la Guerre, Joséphine Baker est agent du contre-espionnage. Profitant de ses relations dans la haute société parisienne, elle agit pour la Croix-Rouge. Puis, elle s'engage le 24 novembre 1940 dans les services secrets de la France libre : en France métropolitaine et ensuite en Afrique du Nord. Elle ne fait pas de la figuration ; elle joue un rôle important. C'est ainsi qu'elle code ses partitions musicales pour faire passer des messages. C'est comme engagée volontaire qu'elle débarquera à Marseille en octobre 1944. Elle fait partie des forces féminines de l'armée de l'air.

    À la Libération, elle chante pour les soldats et les résistants près de la ligne de front. Joséphine Baker sera décorée de la croix de guerre, de la Médaille de la résistance puis de la Légion d'honneur des mains du Général de Gaulle. L'ensemble de son action en tant que résistante au service de la France libre est détaillé dans un ouvrage intitulé Joséphine Baker contre Hitler.

    Arletty "pas très résistante"

    (ci contre : Hans Jürgen Soehring, l'officier allemand compagnon d'Arletty) A l'opposé de Joséphine Baker, l'actrice et chanteuse Arletty fera comme les "saucisses", ces femmes qui flirtent avec les soldats allemands, qui se livrent à une forme de "collaboration horizontale". Arletty s'afficha avec un officier allemand sans aucun complexe. Elle en tombera même enceinte et avortera. Et, quand on lui demandait "Alors, comment ça va ?", elle répondait : "Pas très résistante..." En effet !

    Quand Tristan Bernard (qui est juif) est arrêté, c'est quand même Arletty qui le fait libérer en utilisant ses relations avec l'Occupant. Guitry, qui jouera un rôle plus secondaire dans cette bonne action, s'en attribuera tout le mérite.

    A la Libération, Arletty ne subit pas le sort des "saucisses". Elle n'est pas tondue. Elle subira néanmoins des nuits d'interrogatoire et de cachot à la Conciergerie. Elle sera également internée à Drancy. Mais on ne l'y laissera croupir que quelques semaines. Elle est alors assignée à résidence, avec interdiction de tourner (elle n'avait pourtant fait aucun film avec la société allemande La Continentale). Elle s'en tire avec un "blâme".

    Finalement, Arletty résume en une phrase peu élégante sa conduite durant les années d'Occupation : "Mon coeur est français, mais mon cul est international !"

    André Dassary chante "Maréchal, nous voilà !"

    Il chantera successivement "Maréchal nous voilà !", "Le temps des cerises", et la chanson-titre du film "Le Jour le plus long". Son meilleur succès : Ramuntcho (1944), une chanson de Vincent Scotto pour la musique et Jean Rodor pour les paroles. "Les Allumettes", de Prévert et Kosma. Il commence véritablement sa carrière au sein des Collégiens de Ray Ventura. Captif en Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale, il est libéré et atteint véritablement la notoriété sous l'Occupation, notamment avec l'opérette "L'Auberge qui chante" (1941) et une chanson tout à la gloire de Pétain, "Maréchal, nous voilà !", devenue emblématique du régime de Vichy — et qui, après guerre, lui attire quelques critiques. Son succès n'aura toutefois pas à en souffrir. 

    L'humour résiste

    En 1942, Fernandel joue les simplets, comme on le voit sur cette vidéo de la délicieuse scène où il chante dans un arbre. Jusqu'ici, il ne s'était affublé que de prénoms ridicules comme "Ignace" (voir extrait chanté du film) ou "Barnabé", qui donnèrent lieu à deux films du même nom avant la guerre. A présent, c'est officiel, il se déclare simplet, donc innocent en ces temps de graves irresponsables perpètrent des crimes. Fernandel fait l'idiot mais faire l'idiot ne veut pas dire qu'il n'est pas conscient de ce qui se passe autour de lui.

     

    C'est en reprenant "Ignace" de Fernandel que Bourvil remporta un radio-crochet de Radio-Cité en 1938 et endossa à son tour le costume du chanteur idiot, stéréotype déjà lancé à la Belle Epoque, lancé par Dranem et Fortugé.

    Dans les années 1940, Jacques Pills (par ailleurs mari de la grande chanteuse Lucienne Boyer), qui n'était jamais en reste pour plaisanter, sans tomber cependant dans l'idiotie de Fernandel ou de Bourvil, devient peu à peu sérieux. Comme si son humour en avait pris un coup. Lui qui avait tourné dans toute l'Europe en duo avec son acolyte Georges Tabet, et qui avait repris notamment à Mireille et à Jean Nohain des chansons comme "Couchés dans le foin", voilà qu'il se met à évoquer la soltude de la femme du soldat avec "Seul dans la nuit" (1945), une reprise de la chanson de Léo Marjane. Ayant pris comme impresario Bruno Coquatrix, il continuera dans la voie sérieuse en collaborant plus tard avec Coquatrix pour la conception de spectacles à l'Olympia. Ses chansons de l'Occupation gardent quand même encore une bonne teinte d'humour : : "Avec son ukulélé", 1941, "Elle était swing , 1941, "Cheveux dans le vent", 1943

    Jacques Pills avait pris Gilbert Bécaud comme pianiste pour l'accompagner pour une tournée en Amérique. Suzy Solidor, elle, a pour pianiste le père (russe) de Michel Polnareff :il s'appelle Leib Polnareff mais son nom d'artiste, c'est Léo-Poll.

    1945, le temps des comptes

    Charles Trenet et son ex-complice duettiste Johnny Hess furent inquiétés à la Libération (voir "Chansons de la Douce France"). D'autres artistes le furent aussi.

    - Suzy Solidor chante chaque jour la version française de Lily Marlene dans son cabaret rempli d'Allemands. Elle participa à des galas politiques et elle eut une liaison avec un haut dignitaire nazi. A la Libération, on lui réclame des comptes.

    Piaf chante beaucoup de nouvelles chansons pendant l'Occupation. En 1940 : "y'en a un de trop", "L'accordéoniste", "on danse sur ma chanson". En 1941 : c'était un jour de fête", "j'ai dansé avec l'amour". En 1942 : "c'était une histoire d'amour". En 1943 : "de l'autre côté de la rue", "tu es partout". Etc. Certains ont prétendu que "tu es partout" était un acte de résistance par référence à "je suis partout" mais il n'en est rien. L'analyse du texte montre qu'il s'agit d'une simple chanson d'amour. Piaf a maille à partir avec la commission d'épuration. Elle s'en sort facilement et même avec les félicitations de ses juges. En effet, sa secrétaire était une résistante qui aida les clandestins et prisonniers avec l'aide passive de la chanteuse.

    Lys Gauty. À la Libération on lui reproche ses interventions sur Radio Paris et une tournée avec Fréhel et Raymond Souplex organisée par l'association Kraft durch Freude (la Force par la Joie) en Allemagne pendant laquelle elle chante devant les ouvriers du S.T.O et les prisonniers des Stalags en 1942. Elle ne reviendra jamais sur le devant de la scène. Son plus grand succès restera la valse "Le chaland qui passe" (1933), version française de la chanson italienne Parlami d'amore Mariu, chantée par Vittorio de Sica. 

    - Léo Marjane. Née en 1912, elle vient d'avoir 101 ans le 27 aout 2013. À la Libération, elle fut poursuivie par les Comités d’épuration pour avoir chanté dans des établissements fréquentés par des officiers allemands « Je ne pouvais pas empêcher les Allemands d’entrer..." Elle est arrêtée et jugée, puis finalement acquittée, mais pour elle le mal est fait et son image s'en ressentira durablement. Son premier grand succès "La Chapelle au clair de lune" - traduit de l'anglais - l'avait propulsée en 1937 au devant de la scène. En 1942, elle remporte un immense succès avec la chanson "Seule ce soir", dans laquelle se reconnaissent les centaines de milliers de femmes françaises dont le mari est prisonnier de guerre en Allemagne ("Je suis seule ce soir / Avec mes rêves / Je suis seule ce soir/ Sans ton amour"). Cette chanson la rend célèbre. Elle sera reprise par Chevalier ainsi que par Jacques Pills.

    - Danielle Darrieux est contrainte de se produire en Allemagne pour faire libérer son mari. Puis le couple s'efface par prudence.

    - Tino Rossi grossit. Tino Rossi gagne des cachets astronomiques. Ou plutôt gastronomiques devrait-on dire car il grossit alors que tout le monde vit de privations. Il profère des propos inquiétants mais qui semblent plus liés à un délire passager (grisé par son succès ou grisé tout court ?) que par une adhésion aux thèses de Vichy.

    D'autres chansons et interprètes inoubliables de ces années-là

    La chanson française n'a pas connu d'exode.

    Elle est restée. Apolitique, elle se fait pourtant l'écho des préoccupations du moment  : "Elle a un stock" (Georgius), "Les jours sans" (Fernandel), "la symphonie de semelles en bois" (Chevalier), "la marché rose" (Jacques Pills), par exemple, en témoignent. Les Allemands financent les spectacles de divertissement pour assurer le "gai Paris". Paris est devenue la principale vedette Paris et Francis Lemarque en fait son sujet de prédilection. Le public se presse pour aller aux spectacles, à la fois pour oublier les soucis mais aussi parce que les chanteurs de rue ont disparu (interdiction des attroupements sur la voie publique). C'est un Français, Pierre Laval, qui va censurer les ondes à partir de 1942.

    - Lucienne Delyle : "Mon amant de Saint-Jean" C'est une chanson qu tout le monde connaît, sans savoir pour autant que Lucienne Delyle en est la créatrice sur la scène. Et pendant qu'Arletty aurait pu chanter "mon amant allemand", Lucienne Delyle chante "mon amant de Saint-Jean". C'est tout de même mieux...Cette chanson sera le grand succès de 1942. "Mon amant de Saint-Jean", une chanson tellement symbolique de son époque que Truffaut en fera la bande-son du Dernier métro. Sa carrière décline à la fin des années 1950, en raison d'une leucémie qui finira par l'emporter.. A écouter aussi : "Nuages", 1942 sur la musique de Django.

    - Lina Margy : "Ah ! le petit vin blanc". Son nom est associé à la chanson qu’elle crée en 1943 : "Ah ! le petit vin blanc", paroles de Jean Dréjac et musique de Charles Borel-Clerc. On lui doit aussi d’avoir popularisé "Voulez-vous danser grand-mère ?" (reprise ensuite par Chantal Goya), paroles de Jean Lenoir sur une musique de Raymond Baltel et Alex Padou.

    - Mâchez danois avec Ulmer ! Sa chanson "J'ai changé ma voiture contre une jeep "devient la chanson fétiche de la 2ème DB de Leclerc. Il écrit aussi "Pigalle" qui devient un succès. "Un monsieur attendait" est typique de son humour. L'accent danois de George Ulmer passe bien en période d'américanophilie. Son ami Pierre Dudan perce également avec Clopin-clopant","Le café au lait au lit", "la tête à l'ombre et les pieds au grand soleil".

    - L’américanisme est mal toléré mais Yves Montand aime l'Amérique et il chante grimé en cow boy.En octobre 1944, Edith Piaf lui a donné sa chance et il passe justement en..."vedette américaine" ! 

    Raymond Legrand fait office de remplaçant de Ray Ventura parti s'aérer en Amérique du Sud en attendant que la guerre passe. Il fait de la musique brillante et joyeuse.

    - Un chant circule dans l'ombre : le Chant de la libération dont le titre sera très tôt changé en "Chant des partisans". Une chanson écrite par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon sur une mélodie d'Anne Marly qui devait au départ servir d'indicatif à Radio Londres.Germaine Sablon (soeur aînée de Jean Sablon et résistante) la crée.

    Juliette Greco est plus litéraire. Elle a comme premier paroliers Queneau (Si tu t'imagines"), Sartre (Rue des blancs-manteaux), Mauriac...

    Georges Guétary

    Cet athlète égyptien venu en France étudier la comptabilité et la gestion, sera vite célèbre grâce au compositeur Francis Lopez qui lui écrira, entre autres, "Robin des bois", "Caballero", "Chic à Chiquito". Spécialisé dans l'opérette et le film musical comme "La Route fleurie", Guétary joue aux côtés de Gene Kelly dans "Un Américain à Paris" de Vicente Minelli. Il est aussi célèbre pour son tube "Le pt'it bal du samedi soir".

    Radio-Paris ment, Radio-Londres parodie La propagande joue à plein. Radio-Paris est la radio du Maréchal. Y viennent chanter Chevalier et Fernandel. A Radio-Londres, Pierre Dac parodient des chansons pour s'en prendre à des vedettes, ainsi "tout ça fait d'excellents Français" est détournée par ses soins.

    Marie-José connut un certain succès pendant et après la Seconde Guerre mondiale. "Le bar de l'escadrille" fut gravé en 1942.

    Plutôt que coller des liens partout, j'ai confectionné cette playliste de plus de 70 vidéos musicales sur YouTube :

    PLAYLISTE DES CHANSONS DES ANNEES 1940 - 1944


     

     

     

     

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  • LOUIS VUITTON, UN SILENCE ORDINAIRE

     
     
     
     
    Louis Vuitton, c'est une histoire ordinaire.  
     
    Faite de lâcheté, de travail acharné, de sacrifices, de silence, de mépris, de haine.
    Haine entre un fils et son père, haine entre les Vuitton et Bernard Arnault qui prit le contrôle de l'entreprise en 1989 "en y entrant avec l'air d'un premier communiant",
    comme le dira avec amertume Henri Racamier (alors propriétaire de LVMH). 
     
    Je croyais tout savoir de Vuitton jusqu'à la lecture de "Louis Vuitton, une saga française".  
     
    L'auteur, Stéphanie Bonvicini, est journaliste.
     
    Elle a rassemblé une somme incroyable de témoignages, compulsé les archives de la Maison, fouillé dans  les bibliothèques municipales et les registres des mairies, remontant le fil de la famille Vuitton depuis 1821 jusqu'à son rachat par Bernard Arnault.
     
    En 1989, celui-ci en fit la pierre angulaire du géant LVMH que l'on connaît tous.

     
    Louis Vuitton
     
    Ce livre raconte d'abord Louis Vuitton. L'exposition De Louis Vuitton à Marc Jacobs présentée aux Arts Décoratifs mettait en avant les évolutions de la toile et les innovations du fondateur mais pas du tout sa personnalité. Ici l'auteur parle de l'homme, de ses enfants, de la façon dont une famille ordinaire s'est inscrite dans l'histoire de son pays jusqu'à en devenir un symbole.

    Qui est Louis Vuitton ?
     
    Un travailleur acharné, parti de rien. Arrivé à Paris à l'âge de 16 ans, après avoir parcouru des centaines de kilomètres à pied, Louis Vuitton se place comme apprenti chez Monsieur Maréchal, layetier-emballeur.
     
    Au XIX° siècle, ces artisans confectionnent des caisses en bois blanc sur mesure, dans lesquelles les élégantes emmènent leur garde-robe, voire leur maison! Manteaux, brosses, chapeaux, robes à tournures, carafe de parfum, chaque objet a son écrin pour voyager de Paris à Deauville, de Lyon à Moscou. Soigneux, discret, Vuitton devient l'emballeur favori de l'impératrice Eugénie. 

     
     
    En 1854, encouragé par sa femme Emilie, il monte sa propre maison. Auréolé du prestigieux titre "d'emballeur impérial", Louis Vuitton a la confiance d'une clientèle choisie.
     
    Son idée de génie est de passer de la caisse à la malle et de transformer un objet laid et jetable (une caisse de bois) en objet durable, pratique et élégant. Jamais il n'a sacrifié la technique ou l'esthétique. Il voulait allier les deux.

    Sa formation de menuisier lui a permis de trouver des bois plus légers, des structures plus résistantes aux intempéries et aux chocs. 

    La plus grande partie de l'ouvrage remet en perspective avec l'époque les perfectionnements apportés par Louis Vuitton aux malles et bagages : de 1850 à 1900, la vision du fondateur est inspirée par l'énergie économique du Second Empire, l'avènement du tourisme, le changement des modes de consommation (l'arrivée des grands magasins) et les nouveaux moyens de locomotion : automobiles, transatlantiques, trains express.
     
    Chaque modèle est adapté à un besoin émergeant : les dessus plats permettent d'entasser les malles, les sacs souples de transporter le linge sale ou les affaires de nuit, etc.

     
    L'auteur relie aussi le destin de Louis Vuitton à celui de Worth et Goyard.
     
    Louis Vuitton seul n'aurait pas été grand chose.
     
    C'est grâce au soutien de Worth et à l'émulation avec d'autres concurrents qu'il a pu se démarquer en innovant constamment. 
     
    Dès qu'un autre maletier proposait un nouveau modèle, Vuitton renchérissait.
     
    On peut dire qu'il a placé la Recherche et le Développement au coeur de l'entreprise.

    Malheureusement, Louis Vuitton pense toute sa vie vers un but qui devient presque obsessionnel : assoir sa suprématie ou plus exactement, celle de son nom, puisque lorsqu'il vend (sic!) son entreprise à son fils, il exige que celui-ci garde comme nom commercial "Louis Vuitton".
     
    Pas Vuitton, ni Vuitton et Fils, mais Louis Vuitton.

    Et là, l'histoire devient triste. Obnubilé par son objectif, Louis Vuitton n'a vu ses enfants qu'à travers l'entreprise.
     
    Son fils Georges mènera toute sa vie une guerre larvée pour exister, lui aussi, et partager sa vision personnelle.
     
    Les générations suivantes conserveront cette ambition du nom au-dessus de tout.
     
    L'omniprésence du logo chez Vuitton n'est pas dicté que par le marketing : il découle aussi de cette propension à vouloir exister.
     
    Ils ont le souci extrême de satisfaire leurs clients mais pas par empathie : par fierté, pour qu'on ne disent pas qu'ils ont manqué

    C'est ce terrible manque d'amour qui m'est resté dans la bouche quand j'ai refermé le livre.
     
    L'écriture de Stéphanie n'y est pour rien : à aucun moment, elle ne prend parti et on la sent plutôt admirative de cette saga industrielle. Même lorsqu'elle évoque le Vuitton des années noires, elle reste extrêmement neutre. 

    Et nous voilà face au vilain petit secret de la maison. J'ai toujours été intriguée par le silence sur les années 1935 à 1945 chez Vuitton : jamais la Maison ne parle des années 40 ni ne présente aucun modèle de cette époque.
     
    Etonnant trou noir, pour une entreprise qui vante son indéfectible innovation.
     
    Elle aurait donc stagné pendant 10 ans ? 

    Au contraire, elle s'est diversifiée. S'installant à Vichy, les Vuitton travaillent pour Pétain. Toujours accrochés à leur nom, ils sont prêts à tout pour garder le haut du pavé pendant la Guerre. Ils y parviennent si bien que Henry Vuitton est décoré de la francisque en 1942.  


    L'histoire pourrait s'arrêter là car les entreprises ayant collaboré de près ou de loin avec le régime de Vichy et / ou les Nazis ne se comptent plus, mais peu d'entre elles mettent autant d'énergie à le cacher. 

    En 2011, Médiapart et Arrêt sur Image dévoilent que LVMH a fait pression via la régie publicitaire du groupe Prisma sur les journalistes de ...
     
    Géo Histoire pour censurer un dossier de 5 pages consacré à la collaboration économique. Extrait :
    "Lorsque Philippe Pétain installe son gouvernement dans les murs de l'hôtel du parc, à Vichy, toutes les enseignes de luxe qui, comme les joailliers Van Cleef & Arpels, y tiennent boutique, en sont chassées.
    Toutes, sauf une : le bagagiste Vuitton. La maison, fondée en 1854 par Louis Vuitton et mise à la mode par l'impératrice Eugénie (l'épouse de Napoléon III), est, en 1940, dirigée son petit-fils Gaston.
    Ce dernier demande à son frère aîné Henry d'afficher de façon claire sa fidélité au nouveau régime afin d'assurer la pérennité de la marque. La maison Vuitton va ainsi fabriquer, dans des ateliers expressément constitués à cette fin, des objets à la gloire du maréchal Pétain et notamment 2500 bustes officiels. Henry Vuitton entretient par ailleurs de fortes amitiés avec les officiers de la Gestapo. 
    Il est même l'un des rares industriels à être décoré par les nazis, en remerciement de sa loyauté. Une cérémonie durant laquelle les officiers de la SS et de la Wehrmacht arborent des uniformes dessinés par un tailleur de Metzingen, un certain Hugo Boss, et confectionnés par des déportés et des travailleurs du STO".
    OK. Ca fait un peu désordre. 

    Dans une interview à The Guardian, Stéphanie Bonicini explique qu'elle a d'abord reçu la pleine coopération de la firme quand elle leur a présenté le projet de son livre, LVMH lui proposant même de la soutenir pour une diffusion en anglais et en japonais. 
     
    Mais lorsqu'elle approche des activités durant la guerre, le ton change ; on lui dit que les documents de la société pour les années 1930 à 1945
    ont été détruits dans un incendie.
     

    Louis Vuitton a établi une véritable chape de plomb sur son histoire. 
     
    Publié par Fayard en 2004, Louis Vuitton une saga française a subi en France un boycott total de la presse (excepté le Canard Enchaîné).
     
    L'auto-censure est telle que Michel Zaoui, alors porte-parole du CRIF, n'apprend l'existence de l'ouvrage que par la presse étrangère.
     
    Avec un peu d'amertume, il dit que ce qui le choque le plus, ce ne sont pas les faits rapportés mais le silence des médias hexagonaux.
     
    Et conclut, désabusé : "que voulez-vous, c'est la presse française".
     
    Bien qu'il soit certainement l'un des plus exhaustifs sur l'histoire de Vuitton (et sans doute à cause de cette exhaustivité), le livre de Stéphanie a également été censuré en 2010 de la librairie du Musée Carnavalet lors de l'exposition "Voyage en Capitale", organisée entièrement par Vuitton, ne présentant que des objets Vuitton... 
     
    La chose a fait grincer certaines dents, l'utilisation d'un musée public à des fins de communication gênant un peu les puristes.

     
     

    Comme le précisent avec beaucoup de bon sens Stéphanie et Michel Zaoui, le passé de Vuitton n'a plus aucun rapport avec la maison actuelle. 
     
     
    Personne ne pense à organiser un boycott et le craindre, c'est faire peu de cas de l'intelligence des clients ; 
     
    c'est même douter du pouvoir d'attraction de ses produits.
     
    Personne ne boycotte Chanel, Hugo Boss, Renault ou Wolkswagen. L'attitude de LVMH manque cruellement d'élégance. Si Louis Vuitton a des choses à se reprocher, il serait plus sain d'assumer son passé et de s'en excuser en créant, par exemple, une fondation pour les victimes du nazisme. 

     
    Bizarrement, cette histoire n'est pas remontée à la surface lors du scandale Galliano mais elle explique peut-être certaines choses.
     
    Les journalistes s'étaient alors fait un plaisir de racler les fonds de tiroirs pour ressortir tous les collabos de service : de la nièce de Christian Dior (aucun rapport avec la choucroute, Christian Dior n'étant pas sa nièce) à Hugo Boss en passant par Coco Chanel (dont la Maison Chanel ne nie pas l'antisémitisme viscéral, puisque les propriétaires en ont été les premières victimes). Mais de Gaston et Henry Vuitton, collaborateur actifs et décorés, nenni.
     
    Ou comment on gratte le fond des tiroirs pour éviter d'ouvrir les placards...

     
    Sources : 
    Censure dans la presse - Arrêt sur Image
    The Guardian
    Scandale Vuitton au musée Carnavalet Louvre pour Tous

    Louis Vuitton, une saga française - de
    Stéphanie Bonvicini. 364 pages, 22,30 € - 
     
     
    http://stelda.blogspot.fr/2013/09/les-secrets-de-louis-vuitton.html
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     Le déroulement de la tonte ... 

     

     

    A la libération, il va exister trois sortes de collaboration à sanctionner :

    • Politique : lorsque les nanas (ou des hommes) filent des infos politico-militaro-stratégiques, ou liées à la résistance.

    • Financière : lorsque les femmes ont accepté de travailler pour les occupants (les lingères, cuisinières…)

    • Personnelle ou Horizontale : lorsqu’il se crée de vrais liens avec les ennemis.

      La première des sanctions est la tonte. A peine les Allemands ont-il quitté le village que les premiers règlements de compte se mettent en place.

     
     

     



     

    Très variable, également, le déroulement même de la cérémonie, où se donne libre cours une troublante imagination populaire: à demi dévêtue, parfois nue, le front, les joues (les seins) couverts de croix gammées peintes au goudron, une pancarte autour du cou, hissée sur une estrade où elle subit une parodie de jugement, plongée dans une fontaine, affligée d'un bonnet d'âne ou d'un collier de chien, exposée, photographiée, astreinte à une « conduite de Grenoble » en tous les points stratégiques de la localité, parfois battue, voire lynchée, toujours cruellement moquée, la tondue fait l'objet d'un rite de dégradation, de ridiculisation aux variantes infinies   
        L'épuration la tonte des femmes



    Plus les recherches avancent plus les bouches s'ouvrent, plus les crampes mémorielles se dénouent, avec le temps, et mieux nous savons l'ampleur du phénomène des tontes à la Libération: des milliers de femmes, des dizaines de milliers peut-être, sont passées à la coupe zéro, au coin des rues des grandes villes comme sur les places des bourgades, dans les régions qui avaient fortement souffert de l'occupation allemande comme dans celles qui avaient été relativement épargnées,là où le maquis délogea la Wehrmacht au prix de durs combats comme là où la Libération intervint sans combats, des confins pyrénéens à ces marches de l'Est que l'on a longtemps cru, à tort, préservées, de par leur spécificité culturelle. 

    Le déroulement de la tonte ... 


    Très variable, également, le déroulement même de la cérémonie, où se donne libre cours une troublante imagination populaire: à demi dévêtue, parfois nue, le front, les joues (les seins) couverts de croix gammées peintes au goudron, une pancarte autour du cou, hissée sur une estrade où elle subit une parodie de jugement, plongée dans une fontaine, affligée d'un bonnet d'âne ou d'un collier de chien, exposée, photographiée, astreinte à une « conduite de Grenoble » en tous les points stratégiques de la localité, parfois battue, voire lynchée, toujours cruellement moquée, la tondue fait l'objet d'un rite de dégradation, de ridiculisation aux variantes infinies.


    Partout, les tontes se présentent comme une fête sauvage, une cérémonie, un carnaval ou un charivari destinés à canaliser et purger les passions populaires, à conjurer le spectre de la guerre civile franco-française et à hâter le rétablissement de l’ordre légitime.  
    51 CPA COMPERTRIX PRES CHALONS SUR MARNE CARTE PHOTO GUERRE 39/45 LIBERATION DEFILE FEMME NUE TONDUE RARE ROGIER ARTHUR

    Afficher l'image d'origine Aussi trouve-t-on dans la plupart des cas des éléments de scénographie qui les situent au carrefour des fêtes populaires et des grandes scènes de persécution d’antan : cortèges bruyants traversant ville ou village, travestissement de la tondue dont le front s’orne de croix gammées, inscriptions vengeresses inscrites au goudron ou à la peinture sur différentes parties du corps des pécheresses  ( a fait fusiller son mari, a couché avec les Boches, collabo…),  exécution de la sentence sur une estrade située devant un bâtiment public. Mélange inextricable de rires et de violence. 


    La tondue ... 


    Nous pouvons comprendre, bien sûr, la mécanique selon laquelle la tondue est élue dans le rôle du bouc émissaire: elle est, le plus souvent, une femme sans pouvoir ni prestige (une bonniche, pas une Arletty), désocialisée (une réfugiée, fréquemment), une humble, une sans voix, n'entendant rien à ces histoires-là (la politique) et ayant, comme la plupart, tâché de survivre durant les quatre années de privations.

    L'inépuisable diversité des tontes ...


    Les tontes se caractérisent à la fois par leur inépuisable diversité et par une homogénéité fondamentale.  On tond en effet des femmes de différentes conditions (des hommes, parfois, plus rarement) pour les raisons les plus disparates et dans les circonstances les plus diverses.  Ici, une jeune fille est simplement accusée d'avoir entretenu une peu patriotique liaison avec un militaire allemand, et là une femme mûre d'être une indicatrice de la Gestapo. 

    Ailleurs, on reproche à telle de s'être exhibée avec des notables de la collaboration ou des profiteurs du marché noir; en d'autres lieux, tout simplement, d'être épouse ou fille de milicien notoire, tenancière d'un café où l'on servait les occupants. De même, si la tonte est bien parfois, telle qu'on la décrit habituellement (et un peu facilement) le fait de la foule en délire, des résistants de la vingt-cinquième heure, voire l'heure des cons, il arrive aussi, plus troublant, qu'elle ne soit pas tout entière spontanéité et débordement   

     

    http://www.histoire-en-questions.fr/deuxieme%20guerre%20mondiale/Epuration%20tonte%20accueil.html

     

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  • Ces Français qui ont choisi Hitler

     

    ces_fran_ais

     

    genre: documentaire
    année: 2010
    durée: 1h50

    L'histoire: Cette enquête lève le voile sur les collaborateurs les plus zélés de l'occupant nazi en France.

    Les Français qui, par goût de l'argent ou par appétit du pouvoir, ont choisi de servir Hitler.

    La critique de Eelsoliver:

    L'émission Droit D'Inventaire, diffusée sur France 2, s'attaque à un sujet difficile: ces français qui ont choisi Hitler.

    Il s'agit évidemment des collaborateurs qui ont choisi le nazisme, soit par conviction ou soit par appât du gain et du pouvoir.

    Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler le contexte.
     

    Nous sommes en juin 1940 et Pétain décide de signer un Armistice avec les allemands, déjà présents dans la ville de Paris.


    Le Maréchal Pétain dirige alors les débats et s'en prend aux communistes, aux résistants, aux gaullistes, mais surtout aux juifs.

     

    Peu à peu, la propagande se met en place et des dizaines de milliers de français y adhèrent.

     

    A partir de là, de nombreux mouvements d'extrêmes droite se forment, avec de nouveaux leaders et autant d'apprentis Führer.

     


    Darnand fonde alors sa propre armée, essentiellement composée des soldats les plus durs, et fiers de défendre le Maréchal Pétain et la cause nationale. 

    darnand

     

    Joseph Darnand

    De nombreux français vont décider de servir les nazis.

    La défaite de la France face à l'Allemagne d'Hitler est une aubaine pour certains truands.


    C'est le cas d'Henri Lafont, qui passe d'un escroc sans envergure à un parrain sans scrupule.

    Henri Lafont et ses sbires vont piller la capitale de la France.


    Toutefois, tous les français ne collaborent pas avec les nazis.

     

    La Résistance constitue peu à peu ses réseaux tandis que les nazis multiplient les arrestations.


    La chasse aux juifs devient un enjeu majeur de la collaboration franco-allemande en 1942.

    Henri Lafont organise alors la Gestapo française.


    Cela se traduira notamment par le démantèlement du Mouvement de Défense pour la France, un parti dans lequel se trouve la nièce du Général De Gaulle, déportée ensuite dans le camp de Ravensbrück.

    La Gestapo parisienne pratique la torture et emprisonne tous ceux qui apparaissent comme suspects. 


    Mais Henri Lafont aime aussi les jolies filles et invite de nombreuses comtesses et des starlettes du cinéma dans des réceptions.

     

    henri_lafont


    Henri Lafont

    Autre figure de la collaboration franco-allemande:
    Violette Morris, une ancienne championne sportive, qui se sent bafouée et trahie par la France.

    Elle devient une auxiliaire au service des renseignements SS.
     
    Elle met en place un réseau d'informateurs et d'indicateurs pour débusquer les résistants.

    En résumé, dès 1943, la Résitance doit affronter Lafont, Morris et la milice de Darnand.
     
    D'ailleurs, ce dernier est nommé lieutenant SS en été 1943.
    Autre figure:
     
    Pierre-Marie Paoli, qui devient sergent-chef SS
    et un collaborateur zélé.
     
    Paoli procède à de nombreuses arrestations, et qui plus est, dans son propre village.

    Il transforme Le Berry en un territoire de chasse contre les résistants et les juifs.
     
    Fin 1943, Darnand devient Secrétaire Général du maintien de l'ordre.

    Le but est de pratiquer une justice expéditive.
     
    Des cours martiales sont organisées et des condamnations à mort sont prononcées.

     

    Paoli_en_SS_84e57

    Pierre-Marie Paoli

    Darnand veut écraser les résistants qu'il décrit comme des terroristes.
     
    Darnand fait régner la terreur et il est aidé par Henri Lafont.
     
    Ce dernier forme alors la milice nord-africaine et commet de nombreux assassinats.
     
    Toutefois, la Résistance ne se décourage pas et décide de tuer Violette Morris, responsable de nombreuses arrestations.
     
    En 1944, la Résistance organise une véritable opération militaire.
    Violette Morris sera finalement fusillée dans sa voiture.

     

    Violette_Morris_1913__02_

     

    Violette Morris

    Le 25 août 1944, Paris est libéré.

    La Morris200

    Darnand se réfugie alors en Allemagne et

    fonde la Formation Charlemagne.

     

    Les chefs de la Gestapo française, Bony et Lafont, sont arrêtés et se retrouvent dans le box des accusés.

     

    Bony et Lafont sont condamnés à mort et fusillés fin décembre 1944.
     

    En avril 45, Hitler se suicide.

     

    Les membres de la Formation Charlemagne sont arrêtés et exécutés en mai 1945.

     

    Pierre-Marie Paoli est arrêté dans les mêmes temps.

     

    Il est livré en juin 1946 aux autorités françaises et exécuté en juillet.

     

    Le 25 juin, c'est au tour de Darnand d'être arrêté en Italie.
    Il est condamné à mort, puis fusillé en octobre 1945.
     

     

    Voilà les trajectoires de ces personnalités peu recommandables durant la Seconde Guerre Mondiale.

    Ils ont trahi, torturé, dénoncé et assassiné de nombreuses personnes.


    Un documentaire passionnant qui permet d'évoquer de bien tristes figures qui ont pactisé avec le "Diable".

     

     

    SOURCES : 

    Ces Français qui ont choisi Hitler

    Publié le 04 février 2011 par Eelsoliver


    En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/4122645/ces-francais-qui-ont-choisi-hitler/#8suyCW25M7pY5MKB.99

     

     http://www.paperblog.fr/4122645/ces-francais-qui-ont-choisi-hitler/

     

     

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