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    Qu'est-ce qu'un "collaborateur" ? 

    Pourqui faire l'Autruche et ramasser ce que l'on peut ?

     

    Qu'est qu'un COLLABORATEUR ?

    Manipulation = soumission = processus DICTATURE

     

    La stratification sociale est l'un des dispositifs les plus favorables au transfert de responsabilité (et donc de "l'obéissance").

    RECOMPENSE si tu te soumets, PUNI si tu refuse ! donc tu acceptes ?

    = PRINCIPE de la DICTATURE

    (exemple la PUBLICITE incite fortement les femmes et les hommes à se procurer

    absolument de nouveaux produits, sinon "ils" vont être traités de looser ! )

     

    Le déterminisme psychologique et la soumission à l'autorité

     

    On parlera de déterminisme psychologique pour qualifier les mécanismes par lesquels l'homme se trouve déterminé dans son comportement par des forces ou des mécanismes psychologiques qui échappent au contrôle de sa raison et de sa conscience. 

     

    Nous avons choisi de l'illustrer à travers une expérience qui met en lumière la présence en l'homme de forces qui échappent au contrôle de sa raison et de sa conscience pour la bonne et simple raison qu'ils sont inconscients :

     

    l'expérience de Milgram.

     

    Pour que des mécanismes inconscients soient mis en lumière, il fallait :

     

        a) que les individus soient conduits à adopter un comportement directement opposé à leurs principes de justification conscients

        b) que l’impératif régissant ce comportement échappe à la conscience des individus, qu’ils ne le mobilisent donc ni dans les prévisions qu'ils effectueraient concernant leur comportement à venir, ni dans les tentatives de " rationalisation ",d'explication  qu’ils peuvent effectuer de leur comportement passé.

     

    L'expérience de Milgram prend sens dans l'espace de recherche ouvert après la seconde guerre mondiale, espace au sein duquel les scientifiques du monde occidental cherchent à mettre en lumière des mécanismes psychologiques susceptibles d'expliquer de façon rationnelle les processus d'obéissance collectiveque le régime nazi (mais pas seulement) a cruellement révélés. 

     

    Comment construire un modèle rationnel du fonctionnement psychologique de l'homme qui permette de comprendre le renoncement collectif à des valeurs fondamentales au profit d'une obéissance aveugle ?

     

     

    - je te donne de l'argent...je te le prête.. tu n'en as plus ? je t'en reprete... si tu n'acceptes pas... je te PUNI ? 

    non je t'en reprete pour que tu soumette dans le GROUPE  ( U.E. )

     

    Un système stratifié permet à l'écrasante majorité des individus de se considérer comme des chaînons intermédiaires ; 

     

    et c'est cette innocence  qu'ils tâcheront de préserver en se tenant à la plus grande distance possible desconséquences de leurs actes. "Je n'ai fait qu'obéir à la loi ; le reste ne me regardait pas" : je ne suis l'auteur ni de la décision (qui m'échappe), ni de ses conséquences (que j'ignore) : 

     

    en quoi serais-je responsable ? Tel est le raisonnement de l'individu obéissant, c'est-à-dire de l'individu "normal" et soumis.

     

    Plusieurs facteurs historiques et culturels nous conduisent à envisager dès l'abord "le collaborateur" comme un être dénué de conscience, de tout sens moral, comme l'individu qui a "pactisé avec le diable", en l'occurrence l'abominable Hitler. 

     

    Une première remarque s'impose d'emblée : 

     

    étant donné la part de citoyens français qui se sont livrés à un tel "pacte" durant l'Occupation, une telle optique nous conduirait à considérer que la majorité de la nation française se trouvait alors dépourvue de conscience morale. 

     

    Ce qui, à bien y réfléchir, pose problème. Le problème du "collaborateur", si on accepte de ne pas limiter cette catégorie aux seuls miliciens fanatiques, c'est précisément qu'il ne correspond pas à un monstre, mais à l'individu ordinaire

     

    L'individu qui a supporté sans résistance le principe de l'exclusion, du marquage, de la dénonciation et de la déportation des Juifs, des homosexuels, etc. ne constitue pas l'exception, mais la règle générale. 

     

    En d'autres termes, il faut accepter le principe de départ selon lequel les collaborateurs n'étaient en rien des individus "méchants" ou malveillants... puisque la méchanceté n'a de sens qu'eût égard à une norme, et que le collaborateur était cette norme.

     

    Le collaborateur est donc l'individu normal ; il est donc préférable de cesser de stigmatiser et de le haïr, sous peine de misanthropie pure et simple. Mieux vaut chercher à le comprendre, puisqu'en le comprenant c'est nous-mêmes, en tant que gens normaux, que nous comprendrons.

     

     

    Or le collaborateur des années 1940 avait de nombreuses raisons de se soumettre à l'autorité (bien davantage, en réalité, 

    que les cobayes de Milgram !), même en faisant abstraction des risques majeurs que la désobéissance aurait impliqués, pour lui et les siens.  

     

    D'une part, l'autorité était ici celle du gouvernement et de la Loi, bien supérieure au sein de l'inconscient collectif à celle d'un simple universitaire. 

     

    Et d'autre part, les justifications rationnelles de l'obéissance ne manquaient guère : n'est-il pas déraisonnable de vouloir s'opposer aux autorités gouvernementales dans une période d'occupation ? 

     

    Qui peut raisonnablement tenter la guerre civile lorsque la nation n'échappe que d'un cheveu à l'oppression totale ? 

     

    Et qui peut, dans une période d'incertitude radicale, refuser de joindre sa confiance à celle que le corps social accorde à l'une des figures héroïques de la nation (Pétain fut l'un des héros de la première guerre) ?

     

    62,5 % des individus torturent et tuent un individu innocent pour la seule et unique raison qu'un scientifique l'exige ; 

     

    comment  douter qu'une écrasante majorité de citoyens acceptera le principe de la dénonciation (active) des Juifs lorsque le chef légitime du gouvernement d'un Etat sous Occupation le leur commandera ?

     

    La collaboration n'implique pas davantage une adhésion totale aux principes nazis que l'expérience de Milgram ne repose sur l'adoption des "valeurs" de l'expérience. Ni le collaborateur moyen, ni le cobaye n'agissent conformément àleurs  convictions : 

     

    Ils obéissent simplement à l'impératif inconscient qui leur commande de se soumettre à l'autorité, quel que soit le conflit qui s'instaure avec leurs propres valeurs. 

     

    Telle est sans doute l'une des principales explications au fait qu'aucune résistance civile ne s'oppose à la rafle des Juifs à Paris, 

    notamment les 16 et 17 juillet 1942 (rafle dite "du vel'd'hiv").

     

     

    Pas plus qu'il n'y en aura, toujours à Paris, autour du 17 octobre... 1961 ! Les Juifs auront laissé place aux Algériens (qui feront l'objet d'un couvre-feu spécifiquement réservé aux Français Musulmans d'Algérie... évitons de l'oublier) ;

     

     le Vélodrome d'Hiver sera remplacé par la palais des Sports, le Parc des Expositions, le stade de Coubertin, le Centre d’Identification de Vincennes... L'un des responsables, lui, n'aura pas changé (Maurice Papon) ; les mécanismes psychologiques de l'obéissance non plus.

     

    Y en aurait-il davantage de nos jours, si l'on venait à organiser de nouvelles rafles ?

     

    Nous avons peu de raisons de le penser. 

     

    Pas plus que nous n'avons de raisons de supposer que cette obéissance supposerait une adhésion aux valeurs et principes servant de justification officielle à ces nouvelles rafles. La soumission à l'autorité est un principe explicatif beaucoup plus puissant que la méchanceté, l'égoïsme ou la barbarie. 

     

    Ce sont généralement des "gens normaux" qui sont les exécuteurs des massacres ; et les gens normaux ne sont pas méchants : ils obéissent.

     

     

    Terminons cette page (peu rassérénante, je l'admets) en indiquant l'un des facteurs qui, pour Milgram, renforce l'efficacité du principe de soumission à l'autorité : la stratification sociale. 

     

    Le transfert de responsabilité sur lequel repose, nous l'avons vu, l'obéissance, est d'autant plus facile que l'individu se trouve explicitement débarrassé de l'un des termes du processus d'action. Le schéma global d'un acte implique la décisionet le comportement qui lui correspond. 

     

    Or dans un système social stratifié, ceux qui prennent les décisions ne sont pas les exécutants, et inversement. 

     

    Il est donc plus facile, pour le "décideur", de nier toute responsabilité à l'égard d'un acte qu'il n'a pas lui-même exécuté ("je n'ai fait que signer des papiers") ; 

     

    comme il sera plus facile, pour l'exécutant, de nier la responsabilité d'un acte qu'il n'a en rien décidé ("je n'ai fait qu'obéir"); comme il sera (encore) plus facile pour tous les membres de la chaîne de distribution du commandement de nier toute responsabilité à l'égard d'un acte qu'ils n'ont ni décidé, ni commis ! 

     

    La stratification sociale est l'un des dispositifs les plus favorables au transfert de responsabilité (et donc de l'obéissance).

     

    C'est l'une des raisons qui expliquent la manière dont certains pays appliquent actuellement la peine de mort, prenant soin de maintenir une distance entre l'acteur et le dernier maillon de la chaîne d'exécution. 

     

    Ainsi, les mises à mort par injection létale impliquent, aux Etats-Unis, un dispositif ingénieux qui, reprenant le vieux principe du fusil non chargé dans les pelotons d'exécution, fait intervenir non pas un, mais deux, voire trois "bourreaux". 

     

    Tous activeront un interrupteur susceptible de déclencher l'injection : un seul le déclenchera effectivement. 

     

    Personne ne saura jamais lequel est "responsable", un ordinateur brouillant les données immédiatement après. 

     

    Ceci permet à l'exécuteur de se considérer comme un simple maillon intermédiaire, comme tel irresponsable. 

     

    Il n'a fait qu'appuyer sur un bouton (ce qui n'a peut-être tué personne), conformément à un ordre (qu'il n'avait pas lui-même donné).  

     

    Existe-t-il aujourd'hui des personnes démunies, n'ayant commis ni crime ni délit, que l'on traque, que l'on dénonce, que l'on enferme, que l'on expulse sans respect pour nos valeurs fondamentales, au nom du "respect de la loi" ?

     

    Telles sont les seules questions auxquelles peuvent légitimement nous conduire l'expérience de l'histoire... et de la psychologie expérimentale. 

     

    A nous de nous servir de ces connaissances pour tenter, non de devenir héroïque, mais pour améliorer le comportement de l'homme "normal",notre comportement, en éclairant les forces qui le déterminent et lui échappent.

     

     

    Car là est la faiblesse du principe de soumission à l'autorité : il tire l'essentiel de sa force du fait qu'il reste inconscient. 

     

    En le ramenant à la conscience, ne parviendrions-nous pas à l'affaiblir ? 

     

    Certes, il ne suffit pas de connaître les mécanismes de la psychologie humaine 

    pour s'en affranchir ; mais en nous appropriant les forces de notre propre psychisme, 

    ne sommes-nous pas sur la voie d'une maîtrise accrue de ce que nous sommes et de ce que nous faisons ?

     

    Les POLITIQUES connaissent ce processus, à longueur de journée, de semaine, de mois, s'appliquent à vous manipuler,

    ils savent à qui ils ont à faire, à une population soumise, 

     

    la prise de conscience de l’impératif inconscient de soumission à l’autorité lui permettait ainsi d’adopter une conduite en accord avec ses principes, par l'intégration d'un paramètre qui, en lui échappant, l’avait conduit à adopter une comportement incompatible avec sa raison et sa conscience.

     

    C'est la partie réjouissante de ce cours :

    il y a une chance pour que vous et moi soyons un (petit) peu moins soumis au principe de soumission à l'autorité que nous ne l'étions avant de l'avoir parcouru... ou que, du moins, averti de cette disposition, nous l'intégrions dans nos stratégies de comportement pour mieux la déjouer !

    mais en êtes-vous capable ? 

     

     

     

     

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  • Sacha Guitry et l'Épuration : le jugement du Tout-Paris !

     

    Sacha Guitry lors de son premier interrogatoire à la Mairie du VIIe arrondissement -  août 1944 (R.Chateau)





    1
    Que l'on pense à Paris et sa vie mondaine, artistique et intellectuelle, les noms de Jean Cocteau et Sacha Guitry arrivent avec leurs flots d'anecdotes d'avant-guerre. Les Allemands dans la capitale française occupée, ce dernier tient à garder son rôle primordiale dans le microcosme parisien et ne change en rien ses habitudes : on le retrouve sur scène dès le 30 juillet 1940 au Théâtre de la Madeleine pour une une reprise de Pasteur et son activité cinématographique se poursuit mais en dehors des lignes de la Continental qu'il se refuse à intégrer malgré les insistances d'Alfred Greven
     
    - il réalise pour des productions indépendantes Le Destin fabuleux de Désirée Clary (1941), un court-métrage La loi du 21 juin 1907 (1942), Donne-moi tes yeux etLa Malibran (1943).

     
     
    Pendant la guerre, Sacha Guitry poursuit son oeuvre philanthropique et préside à de nombreux galas de charité ou de bienfaisance.
     
    Sous l'égide du Secours National (placé sous l'autorité du Maréchal Pétain depuis 1940), il organise des spectacles et offre de nombreuses oeuvres d'art vendues aux enchères.
     
    Au Gala des Artistes de 1942, il offre un Utrillo de 650.000 francs !

    Hélas pour lui, ce n'est pas ce que retiennent les épurateurs lorsqu'ils organisent le procès du Roi du Tout-Paris
     
    - à peine sa participation à la libération de Tristan Bernard (avec l'aide précieuse d'Arletty) est-elle évoquée.
     
    Dès 1942, l'actrice Françoise Rosay le brocarde dans une interview réalisée par un journaliste américain, propos diffusés à la BBC qui leur donnent alors une importance considérable :
     
     
     
    De tous les acteurs qui demeurent et collaborent, le pire est Sacha Guitry. Il est riche. Il ne devrait pas sacrifier son honneur. Or il a quitté le droit chemin pour cultiver l'ennemi et fréquenter le général Stupnagel. 
     
    Le magazine américain Life publie la même année une liste noire de personnalités françaises condamnées par les Résistants à être assassinées ou jugées
     
    - on y trouve notamment
     
     
    Maurice Chevalier,
    Mistinguett,
    Marcel Pagnol,
     
    Céline, le Maréchal Pétain, Laval et Sacha Guitry, lequel s'étonna quelques années plus tard : S'appeler Life et demander la mort, c'est curieux déjà !


    Pire encore, Sacha Guitry s'est ouvertement fourvoyé au service du Chef de l'Etat Français. Le 3 octobre 1943, il va présenter une maquette de son livre au titre sans équivoque, De Jeanne D'Arc à Philippe Pétain, au principal intéressé, à Vichy. Selon Raymond Castans (cité par René Chateau), Sacha Guitry n'aurait jamais caché ses sentiments pétainistes et ils n'auraient rien perdu de leur intensité avec le temps. Dans Le Petit Parisien (quotidien originellement de gauche et transformé en organe de propagande par les allemands), il écrit plusieurs articles où il exalte la personnalité du vieux militaire : N'as-tu pas tressailli en entendant cette grande voix qui te disait que tu n'étais ni vendu, ni trahi, ni même abandonné ? Le livre est publié et Guitry organise en 1944, quelques jours avant le Débarquement, un grand gala en son honneur à l'Opéra. Une édition luxueuse et dédicacée est même vendue 25.000 francs pour le Secours Populaire.

    Sacha Guitry est, en outre, aux yeux des épurateurs, le représentant incontestable de la collaboration mondaine. Ce que réfuta le maître dans un livre de souvenirs (qu'Arletty surnomma Le roman d'un tricheur !) apparaît pourtant attesté par nombre de documents et de témoignages : Jean Marais se souvient avoir rencontré Arno Breker (sculpteur officiel du IIIe Reich) lors d'une répétition générale d'une pièce de Guitry, Arletty affirme avoir rencontré son amant grâce à lui et ajoute qu'elle participa à une réception en l'honneur du Maréchal Goering à ses côtés.



    Sacha Guitry est arrêté le 23 août 1944 à 10h45 à son domicile, par cinq hommes armés qui le conduisent à la Mairie du VIIe arrondissement pour un premier interrogatoire. Le soir même, il est conduit au Dépôt. Cette "chute du Roi" est symbolique, elle représente le Tout-Paris mondain, celui des nantis qui se sont bien accommodés de la présence de l'Occupant Allemand. Le 15 octobre, il est inculpé d'intelligence avec l'ennemi, malgré un dossier vide, composé de rumeurs et de dénonciations. Abandonné de tous, il reçoit pourtant un chaleureux message de sympathie de Pauline Carton. Amer, il écrit : Ce que je paie aujourd'hui, ce n'est pas mon activité pendant quatre ans mais bien quarante années de réussite et de bonheur qu'on ne me pardonne pas. Si on me demandait mon avis, je dirais que le bien que j'ai fait pendant ces quatre années est la cause initiale du singulier malheur qui me frappe. Il est emprisonné à Fresnes pendant deux mois. L'Humanité ne mâche pas ses mots pour évoquer son retour à la liberté : Le comédien nazi a été purement et simplement libéré. Le non-lieu de son procès n'intervient qu'en 1947. Dernière humiliation, lorsqu'il publie son recueil de souvenirs Quatre ans d'occupation, il est contraint par la justice de retirer un chapitre qui entache à l'honneur de Hélène Perdrière (une ancienne amie) et à 12.000 francs de dommages et intérêts.



    Sacha Guitry ne cessa pas sa carrière pour autant, malgré une blessure morale certainement profonde.
     
    En 1956, dans le prologue de Si Paris nous était conté, le maître s'amuse même l'espace d'un instant à y faire une allusion.
     
    Alors qu'il fait la lecture à haute voix d'un récit sur les origines de la capitale, il déclare :
     
    Enfin ce furent les Francs, dont l'arme préférée se nommait la francisque. Derrière lui, on entend des voix toussoter, gênées.
    Il se contente de dire Chut, chut !
    et de conclure :
    C'était une arme à deux tranchants.
     


    Photos et sources :
    Le Cinéma Français sous l'Occupation (1940-1944) par René Chateau.
     
     
    http://lagedorducinemafrancais.blogspot.fr/2013/01/sacha-guitry-et-lepuration-le-jugement.html
     
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    LOUIS VUITTON, UN SILENCE ORDINAIRE

     

    Louis Vuitton, c'est une histoire ordinaire.  

     

    Faite de lâcheté, de travail acharné, de sacrifices, de silence, de mépris, de haine.

    Haine entre un fils et son père, haine entre les Vuitton et Bernard Arnault qui prit le contrôle de l'entreprise en 1989 "en y entrant avec l'air d'un premier communiant", comme le dira avec amertume Henri Racamier (alors propriétaire de LVMH).

     



    Je croyais tout savoir de Vuitton jusqu'à la lecture de "Louis Vuitton, une saga française".  

     

    L'auteur, Stéphanie Bonvicini, est journaliste.

     

    Elle a rassemblé une somme incroyable de témoignages, compulsé les archives de la Maison, fouillé dans  les bibliothèques municipales et les registres des mairies, remontant le fil de la famille Vuitton depuis 1821 jusqu'à son rachat par Bernard Arnault.

     

    En 1989, celui-ci en fit la pierre angulaire du géant LVMH que l'on connaît tous.


    Louis Vuitton
     

     

     

    Ce livre raconte d'abord Louis Vuitton. L'exposition De Louis Vuitton à Marc Jacobs présentée aux Arts Décoratifs mettait en avant les évolutions de la toile et les innovations du fondateur mais pas du tout sa personnalité.

     

    Ici l'auteur parle de l'homme, de ses enfants, de la façon dont une famille ordinaire s'est inscrite dans l'histoire de son pays jusqu'à en devenir un symbole.

     

     

    Qui est Louis Vuitton ? Un travailleur acharné, parti de rien. Arrivé à Paris à l'âge de 16 ans, après avoir parcouru des centaines de kilomètres à pied, Louis Vuitton se place comme apprenti chez Monsieur Maréchal, layetier-emballeur.

     

    Au XIX° siècle, ces artisans confectionnent des caisses en bois blanc sur mesure, dans lesquelles les élégantes emmènent leur garde-robe, voire leur maison! Manteaux, brosses, chapeaux, robes à tournures, carafe de parfum, chaque objet a son écrin pour voyager de Paris à Deauville, de Lyon à Moscou. Soigneux, discret, Vuitton devient l'emballeur favori de l'impératrice Eugénie.

     


    En 1854, encouragé par sa femme Emilie, il monte sa propre maison.

    Auréolé du prestigieux titre "d'emballeur impérial", Louis Vuitton a la confiance d'une clientèle choisie.

     

    Son idée de génie est de passer de la caisse à la malle et de transformer un objet laid et jetable (une caisse de bois) en objet durable, pratique et élégant.

     

    Jamais il n'a sacrifié la technique ou l'esthétique. Il voulait allier les deux.


    Sa formation de menuisier lui a permis de trouver des bois plus légers, des structures plus résistantes aux intempéries et aux chocs. 

     

     

    La plus grande partie de l'ouvrage remet en perspective avec l'époque les perfectionnements apportés par Louis Vuitton aux malles et bagages : de 1850 à 1900, la vision du fondateur est inspirée par l'énergie économique du Second Empire, l'avènement du tourisme, le changement des modes de consommation (l'arrivée des grands magasins) et les nouveaux moyens de locomotion : automobiles, transatlantiques, trains express.

     

    Chaque modèle est adapté à un besoin émergeant : les dessus plats permettent d'entasser les malles, les sacs souples de transporter le linge sale ou les affaires de nuit, etc.


    L'auteur relie aussi le destin de Louis Vuitton à celui de Worth et Goyard. Louis Vuitton seul n'aurait pas été grand chose. C'est grâce au soutien de Worth et à l'émulation avec d'autres concurrents qu'il a pu se démarquer en innovant constamment. Dès qu'un autre maletier proposait un nouveau modèle, Vuitton renchérissait. On peut dire qu'il a placé la Recherche et le Développement au coeur de l'entreprise.

    Malheureusement, Louis Vuitton pense toute sa vie vers un but qui devient presque obsessionnel : assoir sa suprématie ou plus exactement, celle de son nom, puisque lorsqu'il vend (sic!) son entreprise à son fils, il exige que celui-ci garde comme nom commercial "Louis Vuitton". Pas Vuitton, ni Vuitton et Fils, mais Louis Vuitton.

     

     



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    Et là, l'histoire devient triste.

     

    Obnubilé par son objectif, Louis Vuitton n'a vu ses enfants qu'à travers l'entreprise.

     

    Son fils Georges mènera toute sa vie une guerre larvée pour exister, lui aussi, et partager sa vision personnelle.

     

    Les générations suivantes conserveront cette ambition du nom au-dessus de tout.

    L'omniprésence du logo chez Vuitton n'est pas dicté que par le marketing : il découle aussi de cette propension à vouloir exister.

     

    Ils ont le souci extrême de satisfaire leurs clients mais pas par empathie : 

    par fierté, pour qu'on ne disent pas qu'ils ont manqué.

    C'est ce terrible manque d'amour qui m'est resté dans la bouche quand j'ai refermé le livre.

     

    L'écriture de Stéphanie n'y est pour rien :

    à aucun moment, elle ne prend parti et on la sent plutôt admirative de cette saga industrielle.

     

     

    Même lorsqu'elle évoque le Vuitton des années noires,

    elle reste extrêmement neutre.

     

     

    Et nous voilà face au vilain petit secret de la maison.

     

    J'ai toujours été intriguée par le silence sur les années

    1935 à 1945 chez Vuitton :

     

    jamais la Maison ne parle des années 40 ni ne présente

    aucun modèle de cette époque.

     

    Etonnant trou noir, pour une entreprise qui vante son indéfectible innovation.

     

    Elle aurait donc stagné pendant 10 ans ?



    Au contraire, elle s'est diversifiée.

     

    S'installant à Vichy, les Vuitton travaillent pour Pétain.

     

    Toujours accrochés à leur nom, ils sont prêts à tout pour garder le haut du pavé pendant la Guerre.

     

    Ils y parviennent si bien que Henry Vuitton est décoré de la francisque en 1942.  

    L'histoire pourrait s'arrêter là car les entreprises ayant collaboré de près ou de loin avec le régime de Vichy et / ou les Nazis ne se comptent plus, mais peu d'entre elles mettent autant d'énergie à le cacher.

     


    En 2011, Médiapart et Arrêt sur Image dévoilent que LVMH a fait pression via la régie publicitaire du groupe Prisma sur les journalistes de ... Géo Histoire

    pour censurer un dossier de 5 pages  consacré à la collaboration économique.

     

    Extrait :

    "Lorsque Philippe Pétain installe son gouvernement dans les murs de l'hôtel du parc, à Vichy, toutes les enseignes de luxe qui, comme les joailliers Van Cleef & Arpels, y tiennent boutique, en sont chassées.
    Toutes, sauf une : le bagagiste Vuitton.
    La maison, fondée en 1854 par Louis Vuitton et mise à la mode par l'impératrice Eugénie (l'épouse de Napoléon III), est, en 1940, dirigée son petit-fils Gaston. Ce dernier demande à son frère aîné Henry d'afficher de façon claire sa fidélité au nouveau régime afin d'assurer la pérennité de la marque. La maison Vuitton va ainsi fabriquer, dans des ateliers expressément constitués à cette fin, des objets à la gloire du maréchal Pétain et notamment 2500 bustes officiels. Henry Vuitton entretient par ailleurs de fortes amitiés avec les officiers de la Gestapo. Il est même l'un des rares industriels à être décoré par les nazis, en remerciement de sa loyauté. Une cérémonie durant laquelle les officiers de la SS et de la Wehrmacht arborent des uniformes dessinés par un tailleur de Metzingen, un certain Hugo Boss, et confectionnés par des déportés et des travailleurs du STO".

     

    OK. Ca fait un peu désordre.

     


    Dans une interview à The Guardian, Stéphanie Bonicini explique qu'elle a d'abord reçu la pleine coopération de la firme quand elle leur a présenté le projet de son livre, LVMH lui proposant même de la soutenir pour une diffusion en anglais et en japonais. 

     

    Mais lorsqu'elle approche des activités durant la guerre, le ton change ; 

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    on lui dit que les documents de la société pour les années 1930 à 1945

    ont été TOUS détruits dans un incendie.

     


    Louis Vuitton a établi une véritable chape de plomb sur son histoire. 

     

    Publié par Fayard en 2004,Louis Vuitton une saga française a subi en France

    un boycott total de la presse (excepté le Canard Enchaîné).

     

    L'auto-censure est telle que Michel Zaoui, alors porte-parole du CRIF,

    n'apprend l'existence de l'ouvrage que par la presse étrangère.

     

    Avec un peu d'amertume, il dit que ce qui le choque le plus, ce ne sont pas les faits rapportés mais le silence des médias hexagonaux.

     

    Et conclut, désabusé : "que voulez-vous, c'est la presse française".

     


    Bien qu'il soit certainement l'un des plus exhaustifs sur l'histoire de Vuitton (et sans doute à cause de cette exhaustivité), le livre de Stéphanie a également été censuré en 2010 de la

    librairie du Musée Carnavalet lors de l'exposition "Voyage en Capitale", organisée entièrement par Vuitton, ne présentant que des objets Vuitton... 

    La chose a fait grincer certaines dents, l'utilisation d'un musée public à des fins de communication gênant un peu les puristes.

     

     

     

     


    Comme le précisent avec beaucoup de bon sens Stéphanie et Michel Zaoui, le passé de Vuitton n'a plus aucun rapport avec la maison actuelle.

     

    Personne ne pense à organiser un boycott et le craindre, c'est faire peu de cas de l'intelligence des clients

     

    c'est même douter du pouvoir d'attraction de ses produits.

     

    Personne ne boycotte Chanel, Hugo Boss, Renault ou Wolkswagen. 

    L'attitude de LVMH manque cruellement d'élégance.

    Si Louis Vuitton a des choses à se reprocher, il serait plus sain d'assumer son passé et de s'en excuser en créant, par exemple, une fondation pour les victimes du nazisme.



    Bizarrement, cette histoire n'est pas remontée à la surface lors du scandale Galliano mais elle explique peut-être certaines choses.

    Les journalistes s'étaient alors fait un plaisir de racler les fonds de tiroirs pour ressortir tous les collabos de service :

     

    de la nièce de Christian Dior (aucun rapport avec la choucroute, Christian Dior n'étant pas sa nièce) à Hugo Boss en passant par Coco Chanel (dont la Maison Chanel ne nie pas l'antisémitisme viscéral, puisque les propriétaires en ont été les premières victimes).

     

    Mais de Gaston et Henry Vuitton, collaborateur actifs et décorés, nenni.

     

    Ou comment on gratte le fond des tiroirs pour éviter d'ouvrir les placards...

     



    Sources :
    Censure dans la presse - Arrêt sur Image
    The Guardian
    Scandale Vuitton au musée Carnavalet Louvre pour Tous

    Louis Vuitton, une saga française - de Stéphanie Bonvicini. 364 pages, 22,30 € - 

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    PARFUM DE TRAHISON

    – Quand Coco Chanel était un agent nazi

     

     

     

    © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet

     

     

    Elle était la plus élégante des espions nazis. Selon une nouvelle biographie grinçante de Coco Chanel, intitulée Sleeping With the Enemy, Coco Chanel Secret War (Coucher avec l’ennemi, la guerre secrète de Coco Chanel), qui sort aux Etats-Unis le 16 août, l’iconique créatrice de la maison de haute-couture française avait été recrutée en 1940 dans l’Abwehr, les services de renseignements de l’état-major allemand.

     

    Son nom de code :

    « Westminster », emprunté à un ami de longue date et parfois amant, le duc de Westminster, raconte le site d’information américain Daily Beast.

     

     

     Bundesarchiv Bild 146-1973-139-14, Günther v. Kluge.jpg

     

    D’après l’auteur du livre, Hal Vaughan, journaliste américain spécialiste de la seconde guerre mondiale, « Mademoiselle » avait été introduite dans l’organisation par l’un de ses amants, le baron Hans Gunther von Dincklage,

     

    Field Marshal Günther von Kluge reviews the Vichy French LVF (638. Infanterie-Regiment) in Russia during Operation Barbarossa, November 1941.

     

     

     

    un espion travaillant pour les services secrets allemands, honoré par Adolf Hitler et Joseph Goebbels pendant la guerre.

     

     

     

     

     

     Afficher l'image d'origine

    photo après la guerre

     

     

    Le baron a manifestement utilisé Coco Chanel et l’a même embarquée en 1943 dans une tentative — avortée — de médiation entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne, où elle aurait servi d’intermédiaire.

     

     

    Comment justifier une telle collaboration ?

     

     

    Coco Chanel, « femme d’affaires brillante et sans scrupules », a tout d’abord essayé de profiter du contexte pour étendre son pouvoir, explique The Daily Beast.

     

     

    The young Baron von Dinklage circa 1935 at the German Embassy in Paris when he was working for the Gestapo, already a close friend of Chanel.

     

    Le baron Dincklage se serait ainsi arrangé pour qu’elle puisse maintenir son domicile au très chic Hôtel Ritz à Paris, alors réservé aux fonctionnaires nazis. Elle aurait également utilisé ses relations pour ravir la propriété de Chanel no 5 des mains de la famille juive Wertheimer, qui avait produit et distribué son parfum à travers le monde.

     

     

     

    Von Dinklage in1944. He tried to enter Switzerland but was denied entry although he eventually made it in secretly and was sheltered by Chanel.

     

    Mais au-delà des affaires, Hal Vaughan risque de sérieusement écorner l’image de l’icône de la mode en assurant que Chanel était « férocement antisémite bien avant que cela soit un moyen de plaire à l’occupant allemand ».

     

     

     

     

    Chanel in Lausanne in 1949 with Baron von Dinklage.

     

    Et le Daily Beast de citer :

     

    « Elle devint riche en se faisant apprécier des très riches et partageait leur détestation des juifs, des syndicats, des francs-maçons, des socialistes et du communisme. Elle estimait après 1933 que Hitler était un grand européen.« 

     

     

    A la Libération, Coco Chanel a été arrêtée pour crimes de guerre, mais n’a jamais été condamnée, sans doute grâce à l’amitié que lui portait Winston Churchill. Elle s’est alors exilée en Suisse, au bord du lac Léman, pendant neuf ans, avant de retourner à Paris.

     

     

    SOURCES / http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2011/08/15/parfum-de-trahison-quand-coco-chanel-etait-une-espionne-nazie/

     

     

     

     

     

     

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    Coco Chanel était violemment antisémite et a collaboré avec les nazis

     

    Coco Chanel Archives

    Une nouvelle biographie de Coco Chanel, «Sleeping With the Enemy, Coco Chanel secret war» (Coucher avec l'ennemi, la guerre secrète de Coco Chanel) qui sort aux Etats-Unis le 16 août devrait faire grincer des dents et sérieusement écorner l'image de l'icône de la mode. Même si cela ne retire rien au fait qu'elle a révolutionné la façon dont les femmes s'habillent, cela jette une ombre sur son passé et sa personnalité écrit le site américain The Daily Beast. L'auteur du livre Hal Vaughan est un spécialiste de la seconde guerre mondiale. Et certaines phrases de son livre sont dévastatrices pour le symbole de l'élégance française:

    «Férocement antisémite bien avant que cela soit un moyen de plaire à l'occupant allemand, elle devint riche en se faisant apprécier des très riches et partageait leur détestation des juifs, des syndicats, des francs-maçons, des socialistes et du communisme. Elle estimait après 1933 que Hitler était un grands européen».

    Elle était manifestement très influençable et trop amoureuse et cela ne l'a pas aidé de «coucher avec l'ennemi», en l'occurrence le Baron Hans Günther von Dinklage (surnommé «Spatz»), qui était à la fois beau, charmeur, cultivé, sophistiqué, parlait le français à la perfection, et était surtout un «maître espion» travaillant pour les services secrets allemands. Le Baron a manifestement utilisé Coco Chanel et l'a même embarqué en 1943 dans une tentative assez irréaliste et ridicule de paix séparée avec la Grande-Bretagne où elle aurait servi d'intermédiaire.

    A la Libération, Coco Chanel a bien été interrogée par un juge français sur des soupçons de collaboration, mais l'affaire n'a jamais été plus loin, elle le doit sans doute à l'amitié que lui portait Winston Churchill.

    Pour sa défense, The Daily Beast, met en avant trois choses sur Coco Chanel: «premièrement, elle était un génie qui a changé totalement la façon dont les femmes s'habillent et se voient, deuxièmement, elle était une femme d'affaires brillante et sans scrupules…, et troisièmement,elle était trop naîve politiquement pour réaliser qu'elle était du coté des perdants ou pour faire habilement la délicate transition de la collaboration totale, vers la collaboration à reculons pour finir par l'enthousiasme pour De Gaulle et les alliés» qui a été si fréquente dans les classes dirigeantes françaises en 1943 et 1944.

     

    André Malraux avait déclaré: «de ce siècle en France, seuls trois noms resteront:  de Gaulle, Picasso, et Chanel». Un héros militaire et politique, un Espagnol et une collaboratrice.  Un résumé du 20éme siècle...

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