• LE COURAGE

    LE COURAGE dans LA RÉSISTANCE 1940-1945 artfichier_729028_1828702_201303011244250

    "Madame Flaubert"

     

    Le Général de Gaulle créa le 17 novembre 1940, à Brazzaville,

    l’ordre de la Libération ;

    il instaura la Croix de la Libération comme insigne des Compagnons

    et définit le cadre de son attribution:

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    Croix de la Libération

    Récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se sont signalées dans l’œuvre de la Libération de la France et de son empire.

    Croix de la Libération

    Récompenser les personnes ou les collectivités militaires et civiles qui se sont signalées dans l’œuvre de la Libération de la France et de son empire.

    Cette croix fut décernée jusqu’au 23 janvier 1946 à 1036 personnes, militaires et civiles, ainsi qu’à 5 villes et 18 unités combattantes.

    Certains compagnons sont très célèbres,

    c’est le cas de Jean MOULIN, Pierre MESSMER, André MALRAUX, Jacques CHABAN-DELMAS, Jean de LATTRE de TASSIGNY,

    Philippe LECLERC de HAUTECLOQUE, Winston CHURCHILL,

    Dwight EISENHOWER OU le roi GEORGES VI d’Angleterre.

     

     

    D’autres en revanche, sont des Français anonymes, issus de tous les milieux et de toutes les régions de France ;

    Rien ne les distinguait avant qu’ils eurent tout donné, tout risqué et parfois sacrifié leur vie pour leurs convictions et leur attachement à la Patrie.

     

    le COURAGE

     

    Six femmes seulement se virent décerner cette distinction exceptionnelle.

     

    L’une d’entre elles est Franc-Comtoise.

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    Il s’agit de Mademoiselle Simone Joséphine Françoise Irma MICHEL-LÉVY, née à CHAUSSIN (Jura) le 16 janvier 1906, fille de Jules Séraphin MICHEL-LÉVY,

    et de Marguerite Joséphine PETITPERRIN.

     

     

    Après une excellente scolarité ponctuée par un brevet élémentaire

    passé à 14 ans à SALINS-LES-BAINS,

    Simone suit la migration de son père ouvrier-plâtrier à CHAUNY dans l’AISNE. C’est ici qu’elle entre à 16 ans et demi dans l’administration des P.T.T.

     

    Mutée de CHAUSSIN à PARIS, Simone y poursuit une carrière

    qui s’annonce brillante lorsque l’Armistice de 1940 est signé.

     

    Elle a alors 34 ans et refuse d’emblée de subir le joug de l’envahisseur sans réagir.

     

     

    La fière devise Franc-Comtoise qu’elle a faite sienne Comtois rends-toi, Nenni ma foi ! lui dicte une conduite patriote – elle édite des tracts, participe à l’écriture et la diffusion de brochures antiallemandes – et courageuse – elle établit de fausses cartes professionnelles pour de jeunes réfractaires du S.T O. – puis son action devient vite héroïque, et déterminante pour le commandement allié et l’issue du débarquement.

     

     

    En effet, avec une poignée de fonctionnaires du Ministère des P.T.T., elle fonde le mouvement Résistance P.T.T. où elle occupe les fonctions

    d’adjointe au chef d’état-major Ernest PRUVOST.

    Ce réseau est moins connu que Résistance Fer mais se révèle tout aussi efficace ;

     

    les moyens de transmission, les véhicules et les agents munis de laissez-passer dont il dispose le rendent extrêmement opérant, et très redoutable pour les Allemands.

    Simone accède rapidement au grade de commandant dans les Forces Françaises Combattantes et ne se contente pas d’un rôle passif; tout en poursuivant son activité professionnelle, elle assume secrètement la responsabilité du très dangereux secteur radio au sein de Résistance P.T.T. 

     

     

    Sous les pseudonymes

    d’ EMMA, Madame FLAUBERT, Madame ROYALE, FRANÇOISE.

     

    On la retrouve préparant des zones de parachutage dans l’AISNE,

    livrant des postes radio en NORMANDIE ou en BRETAGNE et organisant l’exploitation de stations radio-électriques en banlieue sud de PARIS.

     

     

    Elle assure également la liaison avec les réseaux C.N.D. Confrérie Notre Dame du Colonel alias RÉMY et O.C.M.

     

    Organisation Civile et Militaire du Colonel Alfred TOUNY auxquels elle apporte l’appui logistique dont ils ont besoin.

     

     

    Le message

     

    Les dés sont sur le tapis qui déclenche le 5 juin 1944 les sabotages prévus par LONDRES pour faciliter le débarquement de NORMANDIE fut émis par de nombreux postes dont Simone avait personnellement assuré la mise en place.

     

     

    Son activité fut interrompue en plein essor le 5 novembre 1943 par la trahison de Robert BACQUE alias TILDEN, lequel fut également la cause de 90 autres arrestations et de l’anéantissement du réseau de RÉMY dont il était l’un des chefs-radio.

     

     

     

    Malgré les ignobles tortures infligées par la bande du sinistre MASUY qui opérait 101, Avenue Henry MARTIN, Simone tint bon et sus souffrir sans dénoncer ses camarades, permettant ainsi au reste de l’état-major de Résistance P.T.T. de ne pas être inquiété.

     

     

    Après une des séances du supplice de la baignoire qu’elle subit 8 fois, alors qu’à bout de force, elle ne se débat plus, son tortionnaire ne lui jette :

     

     

    Ah ! Emma, tu es bien une sale caboche de Franc-Comtoise, tu fais exprès de mourir !

     

     

    Au terme de 4 mois de sévices abominables ponctués de transferts entre sa prison de FRESNES et l’avenue Henry MARTIN, elle est envoyée en février 1944, via COMPIÈGNE au camp de concentration de RAVENSBRÜCK

    (Mle 27481) d’où elle sera rapidement dirigée vers un

    kommando de travail à HOLLEISCHEN dans les SUDÈTES 

    en TCHÉCOSLOVAQUIE (Mle 50422).

     

     

     

    Ne pouvant se soustraire au travail qui lui est imposé et désirant poursuivre son idéal, elle décide de saboter chaque fois que cela lui est possible la chaîne de montage de munitions anti-aériennes à laquelle elle est affectée. Après plusieurs sabotages réalisés dans des conditions particulièrement dangereuses, elle est démasquée en octobre 1944, punie, et cruellement bastonnée pour l’exemple.

    Un rapport spécial envoyé à HIMMLER revient de BERLIN au printemps 1945, porteur de la sentence de mort. Simone doit être immédiatement transférée au camp de FLOSSENBÜRG avec deux de ses jeunes camarades qui ont participé aux sabotages (Hélène Millot épouse Lignier mle 50414, Mimie Suchet). Les trois femmes y seront pendues le vendredi 13 avril 1945, alors que les canons américains tonnent déjà alentour.

    Trois jours plus tard, devant l’avancée alliée, l’ordre d’évacuation générale du camp est donné. Le 23 avril, le 538e régiment de la 3e  armée américaine libère les quelques derniers internés de FLOSSENBÜRG, dix jours après la pendaison, quinze jours seulement avant la signature de la capitulation allemande et 17 jours avant le suicide d’Hitler.

    L’arrestation de Simone MICHEL-LÉVY et son admirable tenue, courageuse et fière, ont incité tous ses camarades des P.T.T à continuer avec acharnement la lutte. Le réseau P.T.T. est devenu ainsi un chaînon de la délégation du Général de Gaulle en territoire occupé. En effet, c’est par son intermédiaire que le courrier, l’argent et les armes étaient distribués à diverses organisations de la Résistance, principalement au réseau Action et aux F.F.I. et répartis, en vue du débarquement, à la satisfaction générale des alliés.

    Edmond DEBEAUMARCHÉ, 1958. Compagnon de la Libération

    Le Service des Recherches et du Contrôle Technique, dernière affectation de Simone, rue du Général BERTRAND à PARIS, et le C.N.E.T. qui lui succéda, ont très largement honoré sa mémoire au travers de cérémonies du souvenir et de la pose de plaques commémoratives.

    La ville de CHAUNY où elle fit ses premiers pas dans l’administration des P.T.T. rappelle son action par une plaque apposée sur le mur extérieur de la maison des postes.

    Son village natal de CHAUSSIN qui donna son nom à une rue et installa une plaque sur le mur de la maison qui l’a vu naître, abrite également son cénotaphe dans le carré militaire du cimetière.

    De nombreuses associations à PARIS, en BRETAGNE ont honoré et honorent encore sa mémoire (comité des fusillés de BEAUCOUDRAY en juin 2000).

    Une résidence des P.T.T. à TRÉBEURDEN (22) porte son nom ; son entrée est ornée d’une stèle rappelant aux visiteurs le courage dont elle a fait preuve.

    L’administration des P.T.T. a édité un timbre et une enveloppe premier jour à son effigie en 1958. Plusieurs auteurs citent son action, en particulier Christian BERNADAC (Kommandos de femmes aux éditions France-Empire 1973), Henry RUFFIN (Résistance P.T.T. aux Presses de la Cité, 1983), le colonel RÉMY (Une affaire de trahison aux éditions Raoul SOLAR, Mémoires d’un agent secret aux éditions France-Empire 1998), enfin, un ancien du C.N.E.T. travaille depuis plusieurs années à reconstituer les moindres détails de son parcours.

    De nombreuses revues d’associations de résistants ou de déportés ont fait son éloge. Les journaux ont commenté son action lors de commémorations (25e, 50e anniversaire de sa disparition, parution du timbre etc.).

    Enfin, plusieurs musées (INVALIDES, BESANÇON, PLEUMEUR-BODOU) lui consacrent une partie de leurs vitrines dédiées à cette époque dramatique.

    Simone est également titulaire de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre 39-45 avec Palmes et de la Médaille de la Résistance, mais il manquait encore pour couronner les hommages qui lui sont dus la reconnaissance de la terre de ses ancêtres.

    Le sobriquet LÉVY accolé au nom MICHEL n’est pas relatif à une ascendance ou une alliance sémite. Il est apparu sans explication particulière, un peu avant la révolution, et représente l’une des nombreuses variantes patronymiques des diverses familles MICHEL de CHAUX-du-Dom bief.

    Ainsi, le plus ancien des ancêtres connus de Simone en ligne agnatique se nommait Claude MICHEL dit NOÉ né vers 1650 et mort à CHAUX-du-DOMBIEF en 1719.

    Simone MICHEL-LÉVY Commandant EMMA dans la Résistance, Compagnon de la Libération, Chevalier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec palmes, Médaille de la Résistance, Matricule 50422 au camp de déportation de Flossenbürg.

    Il y a soixante huit ans, jour pour jour  Simone MICHEL-LÉVY était pendue par les S.S. au camp d’extermination de Flossenbürg pour le crime d’avoir trop aimé son pays.

    Elle aurait pu faire comme beaucoup de Français : attendre que les Alliés viennent de l’extérieur pour chasser l’occupant allemand ; elle aurait pu mettre son intelligence et son savoir, qui étaient grands, à profit pour vivre cette sombre période en pantouflarde aisée, soucieuse seulement de la passer le mieux possible en ne pensant qu’à son bien-être personnel ; elle aurait pu enfin se lancer comme certains, dans une collaboration avec nos ennemis d’alors, qui lui eut apporté leur considération et une ascendance dominatrice sur ses compatriotes.

    Au lieu de tout cela, Simone-MICHEL-LÉVY avait choisi la voie, exaltante certes, mais ô combien dangereuse de la rébellion et de la résistance au totalitarisme. Avec un collègue haut fonctionnaire, Ernest PRUVOST, elle avait fondé le réseau Action P.T.T. qui s’était donné pour tâche d’organiser un service de renseignement, et des liaisons radio avec Londres. Elle avait, en outre, créé une unité de transport utilisant le parc automobile des P.T.T. pour véhiculer et transmettre les informations. Et parfois des aviateurs amis, tombés en Zone occupée furent rapatriés en Angleterre, via l’Espagne, par ses filières. De même grâce à elle, de nombreux émissaires alliés eurent la possibilité d’atterrir en France et d’en repartir sans être interceptés par les Allemands pourtant aux aguets. Elle acheminait le courrier clandestin et les armes parachutées vers les maquis.

    Simone MICHEL-LÉVY, EMMA dans la clandestinité, savait ce qu’elle encourrait si elle tombait entre les mains de ceux qu’elle combattait ainsi.

    En 1943, les actions de la Résistance se multipliant, la tristement célèbre police secrète allemande en Zone occupée, connue sous le nom de GESTAPO, organisa, en étroite collaboration avec la WEHRMACHT armée occupante une riposte qui consistait à s’assurer des indicateurs dans la population française même, et à infiltrer les réseaux. Malgré la vigilance de ceux des nôtres qui surveillaient le courrier arrivant à la GESTAPO, malgré l’élimination dans les centres de tri des lettres de dénonciation, les arrestations de patriotes décuplèrent.

    Celle dont nous honorons la mémoire aujourd’hui fut appréhendée à son poste d’Inspectrice du Service des Recherches et du Contrôle Technique des P.T.T. à Paris, le 5 novembre 1943. Conduite à la prison de Fresnes, puis au dépôt de Royallieu près de Compiègne, elle fut envoyée au camp de déportation de Ravensbrück, en Allemagne orientale, le 30 janvier 1944. Le 1er septembre 1944, Simone MICHEL-LÉVY faisait partie du convoi de 661 femmes déportées, qui arriva à Flossenbürg, petite ville située en Bavière, dans le Haut Palatinat et adossé à la frontière tchécoslovaque.

    Flossenbürg, c’est la carrière de granit et les kommandos extérieurs en usines, dont certains sont réservés aux femmes. Les brimades, les coups, la faim, la maladie épuisent les détenus. On dénombrera 300 décès par jour en février 1945. À cette mort lente s’ajoutent les exécutions sommaires, les pendaisons.

    Simone est affectée au kommando de Holleschein qui travaille, en Tchécoslovaquie, dans une fabrique de munitions. Elles sont 331 femmes dans cette usine. Notre héroïque compatriote ne peut accepter de monter des projectiles qui tueront ceux qui se battent pour nous ramener la liberté, parmi lesquels est peut-être des Français des Forces Combattantes. Alors elle conçoit un plan de sabotage qu’elle met en oeuvre avec deux de ses compagnes de misère, Hélène LIGNIER matricule 50414), et Noémie SUCHET (matricule 50279).

    Malheureusement, comme il se trouve toujours, en tous lieux et en toutes circonstances, des âmes assez basses pour dénoncer, Simone et ses compagnes sont trahies. Battues, torturées, elles ne donneront aucun autre nom à leurs bourreaux.

    Le 13 avril 1945, les trois pauvres Femmes, dévêtues, les mains liées derrière le dos, sont conduites au lieu des exécutions et pendues à de simples anneaux scellés dans un mur. L’horreur de ces mises à mort a été rapportée par le capitaine danois LUNDIC, dont la cellule se trouvait à proximité de cet endroit maudit. De novembre 1944 à février 1945, il a compté 5000 corps qui sont passés devant sa fenêtre.

    Il est à noter que c’est à Flossenbürg qu’ont été exécutés les conjurés de l’attentat du 20 juillet 1944 contre HITLER, et notamment l’amiral CANARIS ex-chef de la Marine allemande (Kriegsmarine). Des célébrités y ont séjourné. Parmi elles, citent André BOULLOCHE, ancien maire de Montbéliard, Léon BLUM et son épouse, Monsieur et Madame SCHUSCHNIGG, chancelier autrichien, le prince Xavier de BOURBON et beaucoup d’Allemands hostiles au régime nazi.

    Le Mémorial érigé par l’Association des Déportés et Familles des Disparus du Camp de Concentration de Flossenbürg et Kommandos fait état d’un total de 89.964 entrées au camp où on enregistrera 21.378 décès, soit 23,7 %. La France s’y classera au premier rang en ce qui concernera le pourcentage des morts, avec 5312 entrées et 2046 décès, soit 38,5 %.

    Une stèle du souvenir, en granit tout exprès importé de Flossenbürg, a été dressée et inaugurée au cimetière du Père LACHAISE  à Paris, le 3 octobre 1988, à la mémoire des Déportés du Camp de Flossenbürg, de ses 95 Kommandos. Une urne y a été déposée contenant des cendres recueillies dans l’enceinte du four crématoire de Flossenbürg libéré par la 3e  armée américaine le 23 avril 1945.

    En conclusion, je voudrais m’adresser aux jeunes gens qui sont dans cette salle, et à tous ceux qui n’ont pas connu le dernier conflit mondial pour leur dire :

    Attention, en 1945, on n’a coupé qu’une tête ou deux de l’hydre infernale. Si nous ne veillons pas à enrayer la nouvelle montée du totalitarisme, du sectarisme, du racisme et de l’intolérance, nous risquons de revivre tôt ou tard ces horreurs. L’ex-Yougoslavie n’est qu’à quinze cents kilomètres de la France, après tout ! 

    Allocution (extraits) prononcée par M. Henri LAMBERT, Délégué régional de la Société Littéraire des P.T.T., en la Salle des Fêtes de Chaussin, le 13 avril 1995.

    BIOGRAPHIE RÉSUMÉE DE SIMONE MICHEL-LÉVY

    Alias : Emma Françoise  Madame Royale.

    Simone MICHEL-LÉVY est née le 19 janvier 1906 à Chaussin (Jura). Son père était plâtrier.

    En 1939, elle est rédactrice dans l’administration des P.T.T. au centre de recherches et de contrôle technique, rue Bertrand à Paris.

    Dès l’armistice, elle s’élève contre la capitulation de la France et entre dans la Résistance dès le mois de décembre 1940, sous la direction de Pruvost, chef national de la résistance P.T.T. elle devient un élément de tout premier plan. Télégraphiste très habile elle est l’opératrice qui essaye de joindre Londres avec les premiers postes de T.S.F. fabriqués par le groupe de résistance des P.T.T.

    C’est au réseau C. N, D. (Confrérie Notre-Dame) du Colonel Rémy, puis à l’O.C.M. (Organisation Civile et Militaire), qu’elle fournit ses premiers renseignements. Puis son activité fut orientée vers l’établissement de faux papiers, le transport, l’installation de postes émetteurs à Paris et en Province. Malgré sa santé chancelante, elle n’est jamais aussi heureuse que lorsque ses responsabilités s’accroissent. Elle s’accroche à la mission la plus périlleuse une fois qu’elle l’a acceptée, méthodiquement, tenacement, jusqu’à la réussite totale, ses chefs comptent sur elle. Tout ce qu’elle promet est tenu. Cependant, après des nuits de veille, des voyages épuisants, elle est à l’heure le matin à sa table de travail, les traits tirés, mais le visage souriant.

    Dès les premières heures du S.T.O. en 1943, elle établit plus de cent cartes professionnelles des P.T.T. à des jeunes réfractaires. Elle est chargée de monter à l’intérieur des P.T.T. le réseau E.M.­P.T.T. analogue à celui de Résistance-Fer.

    À Londres, l’agent MICHEL-LÉVY est enregistré sous le pseudonyme d’Emma. De sa propre initiative elle monte un admirable système de transport, de poste d’armes et de parachutages, qui fonctionne par l’intermédiaire des services ambulants des P.T.T. Elle assure la liaison générale.

    Elle réalise également, sous les pseudonymes de Françoise et deMadame Royale, un excellent système d’acheminement du courrier à travers la France, qui marche à la perfection, soit par voie maritime, c’est-à-dire jusqu’aux chalutiers, soit par voie aérienne, et cela dans les deux sens. Évidemment, cette existence est dangereuse et dans la France occupée, l’ennemi a ses espions, la Résistance hélas, ses traîtres.

    Au soir du 5 novembre 1943, elle est appelée d’urgence dans un café voisin pour un entretien de quelques minutes et quitte sa table de travail en y laissant son stylo et ses affaires. Elle ne reviendra jamais. Cet appel était un guet-apens.

    Malgré les pires épreuves morales et physiques qui la laissent brisée dans sa cellule, car elle est suppliciée par la Gestapo, elle n’oublie pas son travail professionnel brusquement interrompu. Par une voie jusqu’ici inconnue elle fait parvenir à son chef de service un rapport détaillé sur toutes les questions administratives dont elle est chargée et qu’elle a laissées en suspens ; Il n’est guère d’exemple plus émouvant de conscience professionnelle.

    Au début de février 1944, Simone MICHEL-LÉVY est déportée à Ravensbrück où, pendant la quarantaine, elle aide une camarade musicienne à organiser une magnifique chorale qui fait un moment oublier leurs peines aux prisonnières.

    Envoyée ensuite en Tchécoslovaquie au camp de Holleschein pour travailler dans une usine d’armement, elle continue son action de résistante en sabotant. Le 1 septembre 1944, le Kommando de Holleschein est rattaché administrativement au camp de Flossenbürg.

    Les tortures font blanchir ses cheveux, voûtent ses épaules. La faim et la fatigue l’amaigrissent à l’extrême. A l’usine, elle est chargée de faire passer sous une énorme presse des chariots chargés de cartouches remplies de poudre. Elle ralentit la chaîne, la désorganise, ce qui se solde parfois pour la production du Grand Reich, par un manque de 10.000 cartouches. Elle fait fonctionner la presse à vide, ce qui l’endommage et constitue, pour elle-même, un danger immédiat malgré la protection d’une tour en maçonnerie. C’est ainsi que finalement la presse sauta.

    La surveillante allemande fait un rapport de sabotage qui ira jusqu’à Berlin. La réponse de Himmler revient plusieurs mois après, dans le courant d’avril 1945, alors que tonnent alentour les canons américains.

    Simone MICHEL-LÉVY et deux autres camarades doivent partir immédiatement pour le camp de Flossenburg, où elles sont pendues par les Allemands, le 13 avril 1945.

    Compagnon de la Libération – décret du 26 septembre 1945

    Chevalier de la Légion d’Honneur

    Croix de Guerre 39/45

    Médaille de la Résistance

    L’action de Simone MICHEL-LÉVY, héroïne et martyre de la Résistance.

    Gaston Letellier :

    J’évoquerai l’action de Simone MICHEL-LÉVY parce que, comme ingénieur à la D.R.C.T. (Direction des recherches et du contrôle technique), j’étais pendant les dures années de son action, en 1942-1943, son chef direct et fus, hélas, son dernier chef administratif jusqu’au soir du 5 novembre 1943. Parmi beaucoup d’autres, elle est l’une des figures les plus caractéristiques de la Résistance dans les PTT.

    Née en 1906, entrée dans l’administration en 1924, Simone MICHEL-LÉVY fut en 1941 reçue brillamment au concours de rédacteur. Elle fut nommée à la D.R.C.T., de création récente et alors divisée en plusieurs départements :

    Département matériel postal, dirigé par M. Hemery, lui-même résistant, et dont le fils fut fusillé par les Allemands.

    Département transmissions où était mon collègue René Sueur qui participa à l’opération Keller en mettant au point les amplificateurs à haute impédance nécessaires aux écoutes de cette si audacieuse opération.

     

    Département dit commutation dont j’étais chargé pour mener les études et travaux neufs des installations téléphoniques et télégraphiques de centraux et d’abonnés. Simone MICHEL-LÉVY fut affectée à ce département dont la gestion administrative et financière lui fut confiée.

     

    Le pays étant occupé, elle comprit vite le parti qu’elle pouvait tirer de sa présence à la D.R.C.T., car, dans l’administration des P.T.T., aux télécommunications, à la poste, rien de nouveau, de délicat, d’important ne se faisait plus sans l’intervention de ce service, même en zone côtière où pouvaient se rendre certains agents munis du laissez-passer nécessaire.

     

    Le bureau de Simone, proche du mien, au deuxième étage du 24 rue Bertrand, devint alors une véritable agence d’informations clandestines. 

    En janvier 1942, Ernest Pruvost, rédacteur au ministère des P.T.T., réussit avec Debeaumarchais à coordonner les opérations de résistance dans l’administration des P.T.T., en particulier en Normandie avec Henri Le Veillé.

     

    C’est alors qu’une certaine Mademoiselle Flaubert, tailleur noir, écharpe verte – qui n’était autre que Simone MICHEL-LÉVY – arrive en Normandie pour coordonner l’ensemble des opérations de Résistance P.T.T. dans les cinq départements : Calvados, Orne, Manche, Seine Inférieure, Eure.

     

    Les résistants normands, dont Henri Le Veillé, sont d’abord très sceptiques sur l’intervention de cette Mademoiselle Flaubert ; mais bien vite ils se rendent compte qu’elle mène au mieux ses missions avec un dynamisme, un courage et une volonté remarquables.

     

    Simone devient alors responsable de la radio clandestine du réseau P.T.T. en liaison avec le réseau C.N.D. du colonel Rémy.

     

    C’est ainsi que furent installés par elle des postes radio en Normandie et ailleurs, par exemple en banlieue parisienne, à Montgeron, dans la propriété du général Lelong et dont la rue porte maintenant ce nom. En février 1942, Simone retourne en Normandie accompagnée de deux opérateurs spécialistes de radio pour y installer et desservir un nouveau poste émetteur. En novembre 1943, ces deux opérateurs (Courteaud dit Jacquot et Coly dit Olaf) furent arrêtés en même temps que Simone. Mais, comme elle, malgré les souffrances endurées, ils n’ont pas livré de noms à la Gestapo. Sous le nom d’Emma, Simone participe à un transport de postes radio et d’armes reçus par parachutage en utilisant les voitures et les services ambulants des PTT. Cela donne alors un système d’acheminement du courrier clandestin vers l’Angleterre, soit par voie maritime jusqu’aux chalutiers, soit par voie aérienne et dans les deux sens.

    En juillet 1943, l’état-major de Résistance-P.T.T. était constitué ainsi chef, Ernest Pruvost ; adjoint responsable de l’organisation, Horvais ; adjoint responsable des transports et du courrier, Debeaumarchais ; adjoint responsable de la radio, Simone MICHEL-LÉVY.

    Pendant les dures années 1942-1943, Simone se consacre à ses tâches de résistante avec toute sa foi et tout son coeur, et sans que ses fonctions administratives n’en souffrent jamais. Chargée de la gestion administrative et financière, elle participa à l’action de son service avec pour buts de :

    1) soustraire ou camoufler le plus possible de matériel téléphonique et télégraphique de façon à éviter son incorporation dans les stocks de l’Occupant ;

    2) mener des études et mises au point des différents matériels pour usages militaires ou résistants, mais alors sous des appellations différentes, par exemple un poste militaire de campagne, créé à la D.R.C.T. en même temps que le poste ordinaire U43, fut dénommé poste portatif pour ouvrier des lignes.

    Le général Juin a adressé un témoignage de satisfaction pour ces opérations du service de la D.R.C.T. où Mademoiselle MICHEL-LÉVY avait sa part, indépendamment de ses actions de résistante que je faisais semblant d’ignorer, tout en déclarant sur l’honneur qu’il n’y avait pas de résistant dans le service (voir circulaire du 17 juillet 1942 du secrétariat d’Etat aux communications).

    Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés, mais souriante. Elle ne tenait aucun compte des conseils de prudence qu’on lui donnait et elle sollicitait très fréquemment des missions pour la zone côtière. Rien ne pouvait entamer son ardeur et la véritable flamme qui l’animait. Elle avait fait son choix et le sacrifice de sa sécurité et de sa vie à la cause d’une France libre. Le 5 novembre 1943, vers 16 h 30, Simone reçoit un coup de téléphone d’un correspondant, certainement bien connu d’elle, qui lui demande de venir la rejoindre au café voisin, le François Coppée, à l’angle du boulevard Montparnasse et de la rue de Sèvres. Elle s’y rend aussitôt sans méfiance, laissant son stylo et des affaires personnelles sur son bureau où elle pense revenir bientôt. Mais la Gestapo l’attendait et l’emmène avenue Henri-Martin. Un dénommé Tilden, pour éviter la torture, l’avait dénoncée ainsi que beaucoup d’autres résistants de son équipe. Soumise à des supplices, dont celui de la baignoire, Simone, elle, ne donna aucun nom. Quelques jours après son arrestation, elle réussit, on ne sait par quel moyen, à faire parvenir à son chef de service un rapport détaillé sur les questions administratives et financières dont elle était chargée et qu’elle avait dû laisser en suspens.

    Ainsi donc, malgré les pires tortures physiques et morales qu’elle endure, martyrisée par la Gestapo, elle garde intacte dans son esprit la préoccupation du fonctionnement du service que son arrestation lui a fait quitter malgré elle. Voici quelques passages de sa lettre dans leur touchante simplicité:

    J’ai l’honneur de vous adresser tous mes regrets pour les ennuis que je vous cause en quittant brusquement mon service. Permettez-moi de vous indiquer ce qui suit :

    1) La caisse se monte à (on reconnaît là toute la conscience d’une ancienne postière).

    2) Pour l’outillage, j’ai fait le nécessaire au dépôt central.

    3) En ce qui concerne les crédits (ci-joint ce qui reste à faire).

    J’espère que je serai remplacée bientôt, afin que vous ne soyez pas gêné trop longtemps.

    Veuillez agréer, Monsieur l’ingénieur en chef, avec toutes mes excuses, l’expression de mon respectueux dévouement.

    Signé : Simone MICHEL-LÉVY

    Ce fut le dernier acte de sa vie administrative.

    Comme exemple de courage, double de soi-même, de conscience professionnelle, il n’en est guère de plus émouvant.

    Le matin du 6 novembre, lendemain de l’arrestation de Simone, je reçus un coup de téléphone d’Ernest Pruvost, chef de Résistance-P.T.T., m’annonçant que Simone avait été arrêtée et me demandant de récupérer au plus tôt tous les documents : plans, listes, adresses concernant la Résistance et qui étaient dans le bureau de Simone, voisin du mien. Je me suis empressé de dissimuler tous ces nombreux et compromettants documents pour les remettre ensuite à des envoyés sûrs, dont M. Debeaumarchais, que j’ai revu beaucoup plus tard comme chef de cabinet du ministre des P.T.T. Eugène Thomas.

    Après son arrestation, Simone fut envoyée en Allemagne. Elle était dans le camion de femmes déportées qui chantèrent La Marseillaise en traversant Compiègne. En mars 1944, Simone est au camp de Ravensbrück, et ensuite dans une usine d’armement, à Holleschein, où elle est chargée du contrôle des postes radio fabriqués par cette usine. Mais la plupart des postes sortis de cette usine sont défectueux. Elle est soupçonnée de les avoir trafiqués. Elle est transférée au camp de Flossenburg où elle est jugée, condamnée à mort pour sabotage et pendue le 13 avril 1945. Elle avait 39 ans. La veille de son exécution, elle écrivait à sa malheureuse maman à Chaussin, en son Jura natal :

    Ne pleurez pas, c’est un ordre. Ne soyez pas tristes. Moi je ne le suis pas. Mon coeur est calme autant que mon esprit. Dans ma petite cellule, j’interroge le ciel, je pense à tout ce qui est beau, à tout ce qui est clair.

    Ces phrases si simples expriment bien la sérénité que donne le véritable sentiment du devoir accompli jusqu’au bout.

    Grâce à l’impulsion donnée par Simone MICHEL-LÉVY, grâce à l’organisation qu’elle avait mise sur pieds, grâce aussi à son silence, tous ses camarades résistants P.T.T. ont continué avec acharnement à mener leur action pour que circulent et soient distribués le courrier clandestin, l’argent, les armes nécessaires à diverses équipes de résistants. L’organisation et les moyens radio-électriques mis en place par Simone à partir de 1942 furent particulièrement utiles et efficaces au moment du débarquement. C’est ainsi que le message secret Les dés sont sur le tapis, émis le 5 juin 1944 par ces postes radio clandestins de Normandie, déclencha les opérations de sabotage par les équipes P.T.T. des liaisons de l’Occupant et cela selon des instructions bien précises diffusées auparavant par une circulaire de l’état-major de Résistance-P.T.T. où Simone avait été elle-même adjoint-responsable pour la radio jusqu’à son arrestation.

    Les mérites de Simone MICHEL-LÉVY sont, à mon avis, trop peu connus, mais ont été récompensés par les titres suivants – croix de guerre avec palmes, chevalier de la légion d’honneur et compagnon de la Libération. Un juste hommage lui a été rendu par l’émission d’un timbre à son effigie en 1958 et la pose d’une plaque en son pays natal, dans le Jura, inaugurée à Chaussin le 6 juillet 1952 par le ministre des P.T.T. Duchet. Enfin, une plaque posée au service des P.T.T. où elle était affectée pendant les années 1942-1943 veut montrer qu’aux valeurs techniques qui sont la raison d’être de ce service, devenu le C.N.E.T., doivent s’ajouter les valeurs morales dont Simone MICHEL-LÉVY a donné le plus pur exemple.  

    À la liste des héros de la résistance que les P.T.T. ont tenu à glorifier en 1957 par un  timbre poste (Jean Moulin, Honoré d’Estienne d’Orves, Robert Keller, Pierre Brossolette, Jean-Baptiste Lebas) sont venus s’ajouter quatre noms d’hommes et de femmes ayant le même idéal patriotique, la même abnégation de soi et le même héroïsme.

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    Jean CAVAILLES 1903-1944

    Formé par les siens à l’école du caractère et du devoir, Jean CAVAILLES réglera sa vie d’après un seul impératif : servir son Pays. Philosophe et logicien de valeur, il était en 1939, Maître de conférences à la Faculté de Strasbourg. Lieutenant d’infanterie coloniale au front, il est cité. Prisonnier en mai 1940 et emmené en Allemagne, CAVAILLES profite d’un arrêt en  Belgique pour s’évader et va retrouver a Clermont-Ferrand sa chère Faculté de Strasbourg repliée. Des son arrivée, il fonde u n groupe de résistance, puis un réseau de renseignements militaires, un groupe de sabotage et, plus tard, un noyau d’armée secrète ; magnifique combattant il mène contre l’envahisseur une lutte constant et sans merci. Fin 1942, il veut se rendre à Londres, arrêté et interné il s’évade encore.

    Mais le 28 août 1943,  CAVAILLES est arrête de nouveau ; interrogé et cruellement frappé il restera silencieux. Fresnes. Compiègne.

    CAVAILLES devait être dirigé sur Buchenwald, quand il fut rappelé à Paris pour supplément d’enquête.  On ne le revit plus. Les archives de Wiesbaden révélèrent que Jean CAVAILLES avait été fusillé à Arras au début de 1944. C’est dans le cimetière de la ville que le corps du héros fut identifié sur la terre qui le recouvrait une humble croix portait l’inscription : Inconnu n° 5.

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    Fred SCAMARONI 1914-1943

    Personnalité ardente, Godefroi, (Fred) SCAMARONI était en août 1939, chef de cabinet du Préfet du Calvados. Lieutenant d’infanterie, il demande l’aviation ; blessé en combat aérien en mai 1940, il rallie l’Angleterre. Catapulté de l’Ark Royal le 21 septembre 1940, il prend part a l’Opération de Dakar, mais il est capturé. Il va de prison en prison à travers l’Afrique Noire et l’Algérie et est ramené mourant en France. Sa santé retrouvée, il devient l’un des militants les plus actifs de la Résistance et se porte volontaire pour les missions les plus périlleuses. Désigné pour opérer en Corse sous le nom du Capitaine SEVERI, il débarque d’un sous-marin dans la baie d’Ajaccio, le 6 janvier 1943 et se met à l’oeuvre pour tenter de réaliser son rêve : libérer son île natale. Sa mission est presque terminée lorsque le 18 mars 1943 il est arrêté. Malgré les pires tortures. SCAMARONI ne dira rien. Mais il a trop souffert et le lendemain il avale la pastille de cyanure qu’il avait sur lui ; le poison absorbé SCAMARONI s’ouvre la gorge avec un fil de fer trouvé dans sa cellule. Il emportait dans la mort le mystère de son identité et les secrets de sa mission, permettant ainsi à ses camarades, par son sublime sacrifice, de continuer la lutte libératrice.

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    Simone MICHEL-LÉVY 1906-1945

    Après d’excellentes études, Simone MICHEL-LÉVY entra dans l’Administration des P.T.T. en 1924. Dès 1940 elle se jette dans la Résistance, ses fonctions de rédacteur au Centre de recherches et contrôles techniques lui permettent d’obtenir de nombreux renseignements qui sont fournis aux réseaux dont elle fait partie puis transmise à Londres. Chargée en 1942 d’installer des postes émetteurs en zone occupée, elle s’acquitte de ces dangereuses missions avec la plus grande audace. Arrêtée le 5 novembre 1943 elle est torturée mais ne parlera pas. Emprisonnée d’abord à Fresnes, Simone MICHEL­LÉVY est déportée à Ravensbrück en mars 1944 d’où on l’envoie à Holleischen dans une usine de guerre. Rendue responsable de deux arrêts de travail de plusieurs heures chacun qui font perdre a l’usine une production importance de munitions, elle est condamnée à mort pour sabotage. Le 13 avril 1945 devant ses compagnes de captivité du camp de Flossenburg où elle avait été transférée, Simone MICHEL-LÉVY est pendue. Elle aimait souvent répéter la fière devise de sa Franche-Comté natale Comtois rends-toi ! Nenni ma foi !, Simone MICHEL-LÉVY, l’héroïque postière a préféré suivre la voie qui l’a conduite au martyre plutôt que d’abandonner.

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    Jacques BINGEN 1908-1944

    Ancien élève de l’École des Mines et de l’École des Sciences Politiques, Jacques BINGEN était à la veille de la guerre, directeur d’une société d’armement naval de transports maritimes ; jeune patron, c’est déjà un grand administrateur. Officier de liaison, il est blessé en juin 1940 et cité ; malgré ses blessures, il gagne le Maroc puis l’Angleterre. À Londres, il dirige les services de la marine marchande de la France libre ; en marge de ses hautes fonctions, il suit jour après jour l’activité des mouvements de résistance a travers l’énorme quantité de rapports reçus de la Métropole. Délégué du Comité français de libération pour la zone Sud, en août 1943, puis Délégué général par intérim. Jacques BINGEN se dépense sans compter et met au service de la cause qu’il défend les ressources exceptionnelles de son intelligence et de sa foi. Victime d’un agent double et arrêté le 13 mai 1944, BINGEN réussit à s’échapper en assommant deux de ses gardiens; rejoint après une poursuite mouvementée. Il n’est capturé qu’avec l’aide de nombreux soldats ennemis. Mais il est détenteur des secrets les plus importants de la Résistance et plutôt que de s’exposer à les livrer par la torture. Jacques BINGEN, avec un courage héroïque, se donne la mort.

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    Simone Michel Lévy

    Elle était courageuse et obstinée, réfléchie et réservée, derrière son calme souriant se cachait la fière et inébranlable volonté qu’exprime avec tant de malicieuse pudeur la célèbre formule : Comtois, rend toi. Nenni, ma foi. Citation d’Anne Fernier, rescapée du kommando d’Holleischen. Après des nuits de veille, des voyages épuisants, au retour de missions périlleuses de parachutage, on revoit Simone à sa table de travail, les traits tirés mais souriante.

    Citation de Gaston Letellier, chef de service de Simone aux P.T.T.

    C’est alors que, par Horvais, je rejoins l’E.M.-PTT, animé par Pruvost, administrateur au ministère. Simone MICHEL-LÉVY (Françoise) en est l’agent de liaison avec le réseau C.N.D. Castille du colonel Rémy dont dépend le réseau PTT. Mon engagement est enregistré en qualité de radio par Boris, alias Beaumont qui ne manque pas de me faire entrevoir les risques encourus par cet engagement auquel je souscris. Sur ce point, il convient de souligner que l’organisation de la résistance intérieure se décomposait en réseaux Action – c’est-à-dire aux actions purement militaires – et Renseignements qui comportaient en particulier le service Radio, indispensable pour les renseignements de toute nature. Je précise aussi qu’en m’intitulant pianiste, j’emploie une qualification courante qui n’a rien à voir avec cet instrument, mais qui s’applique aux opérateurs doués d’une ouïe sensible et d’une manipulation correcte, ce qui somme toute n’est pas très éloigné de l’art musical. Du fait de l’arrestation de mon ami Courtaud, dit Jacot – que je retrouverai à Buchenwald – c’est son remplaçant en qualité de chef du service radio, Robert Bacqué, dit Tilden, qui me confie le poste émetteur américain.

    (Témoignage de Jean-André La chaud).

    En effet, ma grand-mère Mme Gabrielle Guignot épouse Millot ainsi que ma grand-tante Hélène Millot épouse Lignier furent arrêtées par la Gestapo à Dijon le 1er octobre 1943 pour avoir caché chez elles des résistants et des armes.

     

    Elles partirent ensuite toutes les deux par le convoi des 27000 du 3 février 1944 de Compiègne à Ravensbrück, où elles restèrent peu de temps puis elles furent envoyées créer un Kommando à Holleischen (Tchéquie).

     

    Ce Kommando étant rattaché au camp de Flossenburg, elles prirent donc des matricules sur les listes de ce camp, Gabrielle Millot matricule 50423,

    Hélène Lignier 50414.

     

    Suite aux sabotages des machines avec lesquelles elles fabriquaient des munitions pour l’armée allemande, Hélène et deux de ses camarades Mimie Suchet et Simone MICHEL-LÉVY (Compagnon de la Libération) furent bastonnées, puis emmenées au camp de Flossenburg ou elles furent pendues le 13 avril 1945. Ma grand-mère est donc rentrée seule de ces camps.

     
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  • Les Françaises dans la Résistance (1940-1945)

     

     

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    Les historiens de la Résistance, comme dans de nombreux autres domaines, ont longtemps occulté les femmes et leur engagement majeur dans la lutte contre l’occupant allemand durant la Seconde Guerre mondiale.

     

    Résistantes Bretonnes

     

    Pourtant, on écrit en masse sur la Résistance dès la Libération : les ouvrages sont nombreux, mais la majorité d’entre eux ne traite uniquement que de la résistance armée et du rôle, prédominant, des hommes sur ce terrain.

    Les femmes, quant à elles, ne récoltent que quelques allusions : leur participation, pourtant déterminante, est sous-estimée, voire éclipsée.

     

     

    Rochambelles de la 2è DB

     

    Seules quelques figures féminines emblématiques, comme celle de Bertie Albrecht ou Danielle Casanova, dont nous reparlerons, suscitent un intérêt.

     

     

     

     

    Ce dernier s’explique non pas parce qu’elles sont des femmes, mais par l’importance, pour la première, de son statut de premier ordre au sein du mouvement « Combat », pour la seconde, de son implication résistante au cœur du Parti communiste devenu clandestin et dans la lutte armée.

     

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    Denise Vernay Soeur de Simone Veil
    © coll.particulière  

    Il faut attendre les années 1970 et ses mouvements féministes pour que les résistantes sortent de leur réserve et publient, nombreuses, leur biographie.

     

    Par ailleurs, avec l’accès progressif aux archives de la Seconde Guerre mondiale et la multiplication des témoignages, les historiens se penchent de plus en plus sérieusement sur l’action des femmes pendant l’Occupation et s’aperçoivent clairement qu’une résistance massive, en dehors des armes, cachée et plus discrète mais tout aussi essentielle et risquée, a eu lieu.

     

    Fourcade Marie Madeleine, résistante 

    Marie Madeleine Fourcade
    © coll. Pénélope Fraissinet - 

    CHEF du RESEAU ALLIANCE 

     

    Il est donc aujourd’hui possible de retracer (même si le travail dans ce domaine est loin d’être complet) à quoi ressemble l’engagement féminin au sein de la Résistance, quelle est sa nature et sa complexité dans un contexte politique d’occupation et de collaboration avec le régime nazi et quelles sont les répercussions  sur les femmes impliquées dans ce mouvement d’opposition.

     

     

     

    Le contexte dès 1940 : occupation allemande et collaboration

    du régime de Vichy

     Il est difficile d’expliquer un phénomène tel que celui de la Résistance sans avant tout poser le contexte, très particulier, de la défaite de 1940 entraînant l’occupation ennemie et la collaboration du gouvernement de Vichy avec le régime hitlérien. Il détermine en effet la prise de position de nombreux Français et Françaises, qu’elle soit contre ou en faveur de l’occupant et/ou de la politique de l’Etat français.

    Dès juin 1940, la France est vaincue : Paris est envahie, suite à l’armistice signée le 22 juin, par les troupes allemandes, et la zone occupée est définie :

     

    le Reich s’installe, en gros, au nord de la Loire et dans l’extrême sud-ouest de la France.

     

    Le gouvernement de Vichy conserve sa souveraineté sur l’ensemble du territoire, zone occupée comprise, mais se doit de tout mettre en œuvre pour que la réglementation et les droits du Reich, en tant que puissance occupante, soient facilités et respectés.

    Le 24 octobre 1940, le maréchal Pétain rencontre Hitler à Montoire.

     

    Même si l’entrevue jette les bases de la collaboration de manière assez floue entre les deux protagonistes, notamment sur le rôle de la France dans le projet de conquête européenne d’Hitler, il n’en demeure pas moins qu’à l’issue, le gouvernement de Vichy accentue la mise en place d’un régime autoritaire et répressif, répondant aux attentes de l’occupant :

     

    exclusions, censures, saisies, interdictions de toutes sortes…

    Les femmes ne sont pas épargnées : dès octobre 1940, celles qui sont mariées ne peuvent plus intégrer les administrations et les services publics, afin de les inciter à rester au foyer ; la loi du 2 avril 1941 rend le divorce plus compliqué à obtenir ;

     

    celle du 23 juillet 1942 condamne l’abandon de famille et celle du 23 décembre de la même année réprime l’adultère commis avec une femme de prisonnier.

    Il faut dire que la femme est un élément essentiel, un pilier même, de l’idéologie vichyste.

     

    Le projet de Pétain, la « Révolution Nationale » sous la bannière « Travail, Famille, Patrie », est de créer une société où l’individualisme, banni, laisse place à un esprit communautaire où chacun a une place bien déterminée et où les valeurs familiales et les structures traditionnelles basées sur le travail non intellectuel

    (de la terre surtout) sont prépondérantes.

     

     

    Encadré par les institutions étatiques, l’individu n’a plus aucune liberté d’opinion et se doit de se fondre dans un ensemble hiérarchisé et immuable.

    Les femmes, elles, sont considérées comme le centre du foyer, dont elles doivent s’occuper avec soin. Cela sous-entend bien évidemment le devoir, essentiel, de maternité, d’où une très sévère condamnation de l’avortement (de 1942 à 1944, pas moins de 4000 femmes sont punies chaque année, pour la majorité des « faiseuses d’ange », dont Marie-Louise Giraud, seule femme guillotinée pendant la guerre, en 1943).

     

    S’éloigner de cet idéal féminin revient à mettre en danger la patrie car celle-ci a un besoin absolu des futures générations pour réussir la « Révolution nationale ».

    Vichy se base donc sur la différence et la complémentarité des sexes : à la femme la sphère domestique ; à l’homme le travail mais aussi l’autorité familiale.

     

    Il est le paterfamilias.

     

     

    Les femmes ne sont cependant pas condamnées à rester cloîtrées chez elles : elles détiennent aussi, pour celles qui le désirent, une place dans l’espace public, notamment au niveau associatif.

     

    Elles évoluent, pour la majorité d’entre celles qui s’engagent, dans le milieu chrétien, où elles œuvrent charitablement ou, au contraire, pour assurer leur propre destin.

     

     

    En effet, ces associations scoutes, totalement féminines et qui se développent depuis les années 20, ont pour objectif de donner aux jeunes filles une éducation civique et sociale.

     

    On leur enseigne à devenir autonomes car, depuis la Première Guerre mondiale, avant tout dans les milieux bourgeois, les jeunes femmes doivent être en mesure de pouvoir travailler et s’assumer par elles-mêmes.

     

    Ne voyons néanmoins aucun féminisme dans cet objectif : le mariage demeure un modèle de vie à adopter et est donc vivement encouragé ; par ailleurs, on incite bien souvent les jeunes filles à ne pas faire d’études trop « intellectuelles ».

     

    Il est nécessaire d’ajouter que ces mouvements scouts sont généralement pétainistes, même s’il en existe quelques-uns que l’on peut qualifier de résistants.

    L’idéal de Vichy, fondé sur les valeurs de « Travail, Famille, Patrie », est-il cependant à la portée des Français et des Françaises qui vivent journellement l’Occupation (la zone libre est envahie par les Allemands dès le 11 novembre 1942) ?

    Bien évidemment, un certain nombre de personnes privilégiées ou aux convictions pétainistes affirmées trouvent dans le régime l’aspect salvateur que ce dernier tente à tout prix d’insuffler.

     

    Mais pour un très grand nombre de Français, soumis à la dureté du quotidien, il en est tout autrement.

    En effet, la vie de tous les jours est loin d’être une partie de plaisir. En plus de la présence pesante de l’occupant qui réquisitionne une partie des possessions et productions appartenant ou destinées aux Français, il faut faire face aux restrictions et pénuries de toutes sortes, surtout alimentaires et vestimentaires.

     

    La mise en place du système des tickets de rationnements, censés approvisionner en denrées de première nécessité telles que le pain, la viande ou le sucre, ne suffit pas à pallier les besoins des familles, surtout en milieu urbain.

     

    Les files d’attente devant les magasins sont longues, et bien souvent le résultat nul…

     

    Dans les campagnes, le manque, bien que réel, se fait tout de même moins sentir car depuis toujours, on vit pratiquement en autarcie : culture potagère, élevage de volailles et de lapins, cueillette, chasse, culture des céréales…

     

    La solidarité y est aussi plus forte du fait de la proximité villageoise : on ne se garde pas de venir en aide à son voisin ou aux membres de sa famille.

     

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    File d'attente devant les magasins...

    Les femmes, qu’elles résident en ville ou en milieu rural, sont au cœur de cette économie domestique puisque ce sont elles qui ont la gestion de tout ce qui a trait à la maison.

     

    Beaucoup ne peuvent par ailleurs compter que sur elles-mêmes, leur mari ayant été fait prisonnier et envoyé en Allemagne.

     

    Elles doivent développer toutes sortes de stratégies pour économiser, faire durer, créer du neuf avec de l’ancien et parfois recourir au marché gris ou au troc.

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    Parallèlement, heureusement pour certaines d’entre elles, face à l’absence masculine et au manque général de main-d’œuvre, la loi de 1940 interdisant le travail des femmes mariées est levée en septembre 1942.

    L’idéal vichyste, on le voit, est donc très éloigné des réalités quotidiennes de la majorité des Français, qui ont bien autre chose à penser que de répondre aux exigences idéologiques d’un régime qui, s’ils ne s’y opposent pas un minimum, ne ferait que les pousser à encore plus de restrictions.

     

     

    Et, en effet, les contestations ne tardent pas à apparaître. Ce sont les femmes qui, en premier, « montent au front » :

     

    elles sont très nombreuses, dès 1940 et dans la France entière, à manifester dans la rue à cause de la pénurie alimentaire.

     

    Elles n’hésitent pas à se rendre devant les mairies et les préfectures pour afficher ouvertement leur mécontentement et demander le déblocage des stocks de denrées.

     

    Au début, elles ont souvent gain de cause. Mais dès l’hiver 1941-1942, Vichy prend des mesures punitives : les arrestations et les internements se multiplient. Ces moyens mis en œuvre pour étouffer ces rassemblements ne sont pas anodins : derrière ces femmes se cache l’un des plus grands ennemis du régime de collaboration, le Parti Communiste.

     

    C’est en effet lui, par le biais de ses militantes les plus actives et un presse clandestine, qui organise ce que l’on appelle

    « les manifestations de ménagères ».

     

    Les communistes, dont le but est de donner naissance à un mécontentement populaire général et de grande ampleur contre l’Etat vichyssois, ont effectivement bien ciblé en s’adressant aux femmes : elles représentent un potentiel d’action non négligeable puisque, comme nous l’avons vu, elles sont les premières concernées par le manque.

     

    Ces cortèges de femmes défilant dans la rue ne dénoncent donc pas seulement les difficultés du quotidien, elles remettent fortement en question la collaboration avec l’Allemagne nazie.

    L’implication des femmes dans les manifestations de ménagères

     

    (qui est déjà un acte fort d’opposition en soi) va, pour certaines d’entre elles, représenter un véritable tremplin pour intégrer la Résistance.

     

    Il ne sera pas le seul, tant la Résistance féminine est diversifiée.

     

    Les femmes dans la Résistance

    Les femmes entrent tôt en Résistance, surtout dans le Nord, premier territoire touché par l’invasion allemande.

     

    Elles y sont même, au départ, majoritaires (en 1940, 23% des femmes du Nord-Pas-de-Calais sont résistantes, contre 13% des hommes).

     

    Cette région est en effet rattachée au commandement de Bruxelles et ce dernier est géré par un responsable possédant les pleins pouvoirs sur sa juridiction, Vichy n’intervenant pas dans cette partie du pays. La violence et la lourde présence de l’occupant incitent donc à un engagement très précoce.

    La répression y est, par conséquent, aussi très dure. Le 17 septembre 1940, Blanche Paugan est condamnée à mort pour avoir coupé les lignes téléphoniques allemandes.

     

    Même si la sentence n’est pas exécutée, elle montre la volonté de rigueur des Allemands.

    images.jpg                                      Avis de peine mort sur la personne de Blanche Paugan

     

    Les motivations incitant les femmes à intégrer la Résistance sont les mêmes que celles des hommes :

    refus de l’Occupation ; refus de l’armistice et donc de la défaite ; refus des mesures antisémites, restrictives et répressives.

     

    On agit aussi pour rendre service à un proche, une personne que l’on aime, un voisin, un collègue…

     

    Cependant, contrairement aux hommes, les femmes entrent rarement en Résistance par conviction politique

     

    (n’oublions pas qu’elles en sont exclues, puisqu’elles ne sont encore ni éligibles, ni électrices).

     

    Même au sein du Parti Communiste, pourtant véritable vivier de Résistantes, elles restent au final assez peu nombreuses.

     

    Il est important par ailleurs de rappeler ici que la Résistance est un mouvement évidemment illégal, donc clandestin, induisant de nombreux risques.

     

    Les femmes y sont tout autant confrontées que les hommes.

     

    Les motivations doivent donc être profondes, l’engagement ne jamais se faire à la légère.

    Comment intègrent-elles les différents réseaux ?

     

    La plupart des femmes s’enrôlent par l’intermédiaire de connaissances diverses, qu’elles soient issues de leur cercle familial, amical, associatif ou professionnel.

     

    Il est nécessaire de souligner dès à présent que l’engagement féminin au sein de la Résistance est avant tout une affaire de « quotidien ».

    En effet, comme nous l’avons évoqué, la Résistance est secrète.

     

    Elle doit se cacher, rester discrète. Et quel endroit est le plus opportun pour protéger et assurer cette clandestinité ? Le foyer.

     

    Le domicile familial, sphère privée, est effectivement un des points névralgiques de l’organisation.

     

    Or, la femme est le centre de ce monde domestique.

     

    Elle se retrouve par conséquent impliquée, voire en est parfois l’initiatrice, dans de nombreux actes d’opposition à l’ennemi.

     

    Elle héberge (donc nourrit, habille et cache) et peut faire passer des clandestins en zone libre, que ces derniers soient Résistants, Juifs ou encore des aviateurs alliés ; elle cache des documents au sein de sa maison ; elle ravitaille les maquis alentours…

     

    Cette facette de la Résistance féminine est prépondérante en milieu rural, où les types d’actions cités sont facilités, la présence allemande étant moins pesante que dans les villes et la campagne offrant de nombreux lieux abrités et plus de nourriture.

    Tous ces gestes résistants se font sous couvert d’une vie quotidienne banale.

     

    On fait passer tel enfant juif pour un neveu ou une nièce ; on cache tel document sous les couvertures du landau du bébé ; on profite d’un déplacement à pied ou en vélo pour aller porter un courrier important ou des vivres à un réseau caché dans les bois…

     

    Les femmes suscitent beaucoup moins la méfiance des Allemands que les hommes. Elles sont donc des maillons essentiels de la Résistance dite « de tous les jours ».

    C’est justement parce que la suspicion envers les femmes est très limitée que les sphères d’action féminines se multiplient et se diversifient.

     

    En plus de cacher, de ravitailler et d’héberger, elles peuvent aussi distribuer et participer à la rédaction de tracts et de journaux clandestins, fabriquer de faux-papiers…

     

    On trouve de nombreuses femmes, travaillant dans l’administration, qui utilisent leur fonction de secrétaire pour créer des documents factices (état civil, papiers d’identité etc.) ou fournir des tickets de rationnements injustifiés.

     

    Le domaine des communications n’est pas en reste non plus :

     

    Pendant toute l’Occupation, pas moins de 224 postières, téléphonistes et télégraphistes anonymes ont intercepté des messages allemands ainsi que des lettres de dénonciations de Juifs et de Résistants, sauvant ainsi des vies.

     

    Cette résistance du quotidien, anonyme et floue, difficilement quantifiable, est déterminante pour la Résistante dite, elle, « organisée et officielle », c’est-à-dire armée.

     

    Elle lui permet, au jour le jour, de survivre et de se concentrer sur ses projets de grande ampleur.

    D’autres femmes, par ailleurs, se retrouvent agents secrets, dans les réseaux de renseignements ou dans l’organisation de filières d’évasion, dont elles sont parfois à la tête.

     

    C’est le cas de Marie-Louise Dissard du réseau Françoise, situé à Toulouse. Au départ, l’action de cette résistante de la première heure se borne à cacher et transmettre des documents importants, comme de nombreuses femmes le font déjà.

     

    Puis, en 1942, elle intègre le réseau d’évasion Pat O’Leary, spécialisé dans le sauvetage des aviateurs anglais et américains tombés sur le sol français, pour lequel elle commande la région toulousaine. Sa mission est de les héberger et les aider à rejoindre l’Angleterre. En 1943, suite à l’arrestation d’Albert Guérisse, chef de la filière tous secteurs géographiques confondus, Marie-Louise Dissard le remplace. Elle renomme le réseau, qui devient le réseau Françoise, et ne sauvera pas moins, au total, de 700 aviateurs alliés.

    On le voit, certaines femmes parviennent à atteindre de hautes fonctions. Dans le domaine précis de l’opposition armée, elles sont très peu nombreuses. En effet, depuis toujours, la guerre est une affaire d’hommes. Même si la Résistance offre un domaine d’action inédit aux femmes, il n’en demeure pas moins que certaines portes leur restent fermées, ou durement accessibles. Les années 40 restent ancrées, malgré le contexte, dans un schéma culturel et social traditionnel : l’homme est le chef de famille travaillant à l’extérieur ; la femme, dépendante de ce dernier, reste au foyer et sans droit de vote.

    On trouve pourtant quelques figures féminines à la tête de mouvements armés ou qui leur sont liés. Ainsi Claude Gérard, responsable des maquis dans sept départements du Sud-Ouest de la France, ou encore Marie-Madeleine Fourcade, à la tête du réseau Alliance. En 1941, cette dernière succède à Georges Loustaunau-Lacau, qui vient d’être arrêté. Dépendant de l’Intelligence Service britannique,Alliance est avant tout un réseau de renseignements déterminant pour l’organisation armée basée à Londres. Il compte aussi plus de 25% de femmes sur les 3000 membres qui le composent.  

    En dehors des actions de grandes figures féminines telles que Bertie Albrecht  ou Danielle Casanova, respectivement co-fondatrice du mouvement Combat et militante communiste à l’origine de la création de divers comités féminins de résistance et soutenant la lutte armée, on trouve d’autres formes, plus rares et restreintes, de lutte contre l’occupant. Le cas de Rose Valland est, à ce propos, édifiant.

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    Rose Valland

    D’origine très modeste (son père est charron et sa mère est femme au foyer), Rose Valland doit à son intelligence et à son goût des arts une ascension professionnelle fulgurante. En 1940, elle est attachée de conservation au musée du Jeu de Paume, à Paris. Elle est alors témoin des spoliations des Allemands vis-à-vis des œuvres d’art des musées et des collections privées, notamment celles issues de grandes familles juives déportées ou ayant fui. Le musée du jeu de Paume étant le lieu de centralisation avant l’expédition en Allemagne, Rose Valland se donne alors pour mission de répertorier, en les notant sur des calepins, toutes les œuvres confisquées ainsi que leur destination exacte. Elle donne aussi des renseignements précieux, obtenus en écoutant les conversations des officiels allemands, aux Alliés pour éviter que ces derniers bombardent les lieux où sont cachées les œuvres. À la fin de la guerre, elle partira en Allemagne afin d’assurer le retour de ces dernières. Pour sauver ces nombreuses œuvres d’art, Rose Valland a fourni un travail long et minutieux. Elle a agi seule, discrètement.

    On le voit, la Résistance des femmes, qu’elle que soit sa forme d’engagement, est bien réelle. Tout comme les hommes, elles prennent des risques, s’impliquent, défendent leur patrie.

    Mais quelles sont les répercussions pour elles d’un tel engagement ?

     

    Les conséquences de l’engagement résistant

    Une chose est certaine : les femmes ont payé un lourd tribut pour leur volonté de lutte contre l’Occupation. Beaucoup d’entre elles y ont laissé leur vie : Bertie Albrecht est pendue le 31 mai 1943 ; Danielle Casanova meurt à Auschwitz le 9 mai de la même année. Et que dire de toutes ces anonymes, décédées en prison, fusillées, torturées ou mortes en déportation ? L’exemple, parmi de très nombreux autres, des employées des P.T.T. dont nous avons précédemment parlé est sur ce point révélateur : sur les 224 femmes ayant, d’une façon ou d’une autre, joué un rôle résistant, 98 furent déportées. 24 ne sont pas revenues, dont 6 juives qui furent gazées dès leur arrivée à Auschwitz.

    Nombreuses sont aussi celles déportées à Ravensbrück, un camp de concentration exclusivement réservé aux femmes. Parmi les plus célèbres, on peut citer Germaine Tillion, Marie-José Chombart de Lauwe, Geneviève de Gaulle… Mais, encore une fois, il ne faut pas occulter toutes ces anonymes, très nombreuses, ces résistantes de l’ombre, du « quotidien ».

    Une autre question peut par ailleurs être posée : le rôle des femmes dans la Résistance a-t-il changé un tant soit peu leur place dans la société à la Libération ?

    Au premier abord, on pourrait répondre favorablement à cette interrogation. En effet, le droit de vote leur est accordé en 1944. Par ailleurs, quelques femmes entrent dans la vie politique, féminisant ainsi les assemblées, comme le Parlement, et répondant aux besoins de mandats locaux. La grande majorité d’entre elles sont issues de la Résistance.

    Il est néanmoins important de tempérer ces nouveaux acquis. En effet, le droit de vote n’est pas une conséquence directe et spontanée de leur engagement, puisque la question sur leur statut à ce niveau était déjà posée avant (et même pendant) la guerre. Il est par contre évident que leur implication dans la Résistance y a joué un rôle déterminant, voire même a précipité la décision finale.

    Pour ce qui est de leur éligibilité et leur présence au sein des organisations politiques, l’engouement d’après-guerre s’éteint rapidement. En 1946, les sénatrices élues sont 22. En 1948, elles ne sont plus que 13, pour descendre au nombre de 9 en 1952. Par ailleurs, les domaines qui leur sont réservés restent très « féminins » : la santé, la famille, l’enfance, le logement.

    Autre fait notable : sur les 1036 Compagnons de la Libération ayant obtenu la Croix de la Libération, on ne compte que 6 femmes... On y retrouve Bertie Albrecht, mais aussi Laure Diebold (secrétaire de Jean Moulin et agent de liaison), Marie Hackin (qui organise le Corps féminin de la France Libre), Marcelle Henry (membre du réseau d'évasion VIC), Simone Michelle-Lévy (une des résistantes des P.T.T.) et Emilienne Moreau-Evrard (agent du réseau Brutus). La plupart d'entre elles ont obtenu la Croix de la Libération à titre posthume.  

    Comment expliquer cette sous-représentation des femmes, dans la société en général, et dans la politique en particulier ?

    Il est absolument nécessaire de le souligner : le problème vient avant tout des femmes elles-mêmes. L’immense majorité d’entre elles considèrent que la Résistance n’a été qu’une parenthèse, qu’elles ont fait leur devoir et qu’il est temps pour elles de retourner dans leur foyer. D’ailleurs, tout le monde souhaite ce retour « à la normale » et faire de la guerre un mauvais souvenir. Les femmes ne remettent donc pas en question leur place dans une société où, il faut bien le dire, le partage des rôles dans la vie quotidienne est encore bien loin d’être égalitaire.

    En effet, le monde dans lequel elles évoluent ne les aide pas non plus à s’émanciper. L’image de la mère de famille est encore écrasante. Cette norme va s’accentuer dans les années 50, avec le baby-boom : on fait beaucoup d’enfants, les femmes doivent donc demeurer plus que jamais au sein de leur maison. Il faudra attendre les années 70 pour que le tournant majeur des rapports sociaux de sexe ait lieu.

     

    Avant de clôturer cet article, je voudrais préciser que son objectif n’a pas été de sous-estimer le rôle des hommes dans la Résistance, tout aussi essentiel, mais de mettre en évidence celui des femmes, trop longtemps occulté, alors qu’elles ont pris les mêmes risques et y ont beaucoup laissé d’elles-mêmes. Certes, elles étaient moins nombreuses que les hommes, mais leur histoire mérite d’être (re)connue. L’histoire de la Résistance serait incomplète et malhonnête si les femmes en restaient exclues.

    Par ailleurs, cet article est loin d’être exhaustif tant le champ de la Résistance des femmes est large (et dépasse largement les frontières françaises), personnel (il n’y qu’à voir les différents témoignages et expériences de celles et ceux qui l’ont vécue) et encore relativement inexploré. Les historiens tentent, peu à peu, de combler ce vide.

    Sources :  

    - Colloque du Sénat  du 27 mai 2014 : Femmes Résistantes (revoir l'intégralité ici)

    - BERTIN Célia, Femmes sous l'Occupation, Stock, 1994.

    - COLLINS WEITZ Margaret, Combattantes de l'ombre, Histoire des Femmes dans la Résistance, Albin Michel, 1997.

    - THIBAULT Laurence (dir.), Les Femmes et la Résistance, La Documentation française/AERI 2006, collection

    "Cahiers de la Résistance".

     

     

    SOURCES

    Publié par Céline 

    http://www.histoire-des-femmes.com/article-les-fran-aises-dans-la-resistance-1940-1945-125189741.html

     

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    Le rôle des femmes dans la Résistance

    peu reconnu

      

    L’Université du Temps Libre propose une conférence sur les femmes dans la Résistance. - HENNEQUIN Patrice

      

    L’Université du Temps Libre propose une conférence sur les femmes dans la Résistance. - HENNEQUIN Patrice

    L’historienne Aurore Callewaert parlera du rôle des femmes dans la Résistance, jeudi 11 décembre, à 17 h 30, salle Louise-Michel.
     
     

    Invitée par l'antenne château-chinonaise de L'Université du Temps Libre du Nivernais\Université pour Tous du Nivernais, Aurore Callewaert, attachée de conservation au Musée de la Résistance en Morvan, à Saint-Brisson, animera une conférence sur le rôle de la femme dans la Résistance, à Château-Chinon, salle Louise-Michel, jeudi 11 décembre, à 17 h 30.

     

     220px-'Nicole' a French Partisan Who Captured 25 Nazis in t

    Avant d'évoquer l'action de la Résistance féminine, Aurore Callewaert s'intéresse dans un premier temps à l'écriture de l'histoire des femmes dans la Résistance et souligne la faible reconnaissance institutionnelle qui leur a été accordée après la guerre, à laquelle s'ajoute une historiographie basée sur une vision militaire et masculine de la Résistance.

     

     

    Dans un deuxième temps, cette intervention dresse un panorama des différentes activités conduites par des femmes dans la lutte clandestine, tout en s'appuyant sur de nombreux exemples locaux et nationaux : au sein de la contre-propagande, dans les réseaux de renseignements ou d'évasions, au sein de leur profession, dans les services sanitaires et sociaux…

     

     

    Le prolongement de leurs tâches habituelles

     

    « Bien souvent, les activités des femmes dans la Résistance sont le prolongement de leurs tâches habituelles qui leur sont dévolues, à savoir : nourrir, soigner, loger, vêtir… », explique Aurore Callewaert. « Ces occupations féminines, indispensables à la logistique de la Résistance, ne sont jamais répertoriées et souvent passées sous silence par les femmes elles-mêmes ».

     

    Dans un dernier temps, la conférencière évoque les motivations des résistantes et, surtout, la répression qui a touché ces femmes :

      

    « Les risques encourus étaient, à peu de chose près, les mêmes que ceux encourus par les hommes », précise Aurore Callewaert.

     

     

     

    Il faut attendre les années 1970 et ses mouvements féministes pour que les résistantes sortent de leur réserve et publient, nombreuses, leur biographie.

    Par ailleurs, avec l’accès progressif aux archives de la Seconde Guerre mondiale et la multiplication des témoignages, les historiens se penchent de plus en plus sérieusement sur l’action des femmes pendant l’Occupation et s’aperçoivent clairement qu’une résistance massive, en dehors des armes, cachée et plus discrète mais

    tout aussi essentielle et risquée, a eu lieu. 

      

    Il y a eu beaucoup de COMBATTANTES

    des FEMMES COURAGEUSES, des RESISTANTES, des FEMMES de L'OMBRE 

    RECONNUES bien après la LIBERATION

     

     

      

      

     

     

     

     

     

     

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