• LES MILLIARDS DU TRAIN DE NEUVIC,

    de Guy PENAUD, Fanlac, 2001

     

     

    La quatrième de couverture dit l’essentiel :

     

    « le 26 juillet 1944, divers groupes de la Résistance périgourdine ont prélevé la somme fabuleuse de 2 280 000 000 F de la Banque de France dans le train Périgueux-Bordeaux en gare de Neuvic-sur-l’Isle en Dordogne… cette mission … reste l’un des vols à main armée les plus importants de tous les temps, loin devant l’attaque du train postal Glasgow-Londres », laquelle n’a porté « que » sur 37 MF ! L’attaque de Neuvic ne présentait pas toutefois les mêmes difficultés et les mêmes risques. Il est en effet plus facile de dire qui n’a pas été complice de l’opération réalisée par des unités de l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée) et l’AS (Armée Secrète, gaulliste) : les Allemands et la Milice. Sinon, le Préfet de Vichy, les responsables de la Banque de France de Périgueux, le contrôleur et les deux agents de recette de cet établissement et les quatre inspecteurs de police accompagnant le convoi, des cheminots… tous étaient « dans le coup » ! L’action présente donc peu de suspense.

     

     

    Mais, quelle fut la destination réelle des fonds récupérés ? Le livre, qui se proposait de répondre à la question, laisse sur bien des frustrations. Par exemple, au profit de quel parti politique (non communiste) ont été prélevés, ces 375 MF (un franc de 1944 équivaut à peu près à un franc de 2001) selon les uns, 430 MF selon les autres (admirez la rigueur !) ? Guy Penaud indique laconiquement :

     

     

    « un certain nombre d’hommes ou d’organisations… loin d’utiliser ces fonds pour la " Libération du territoire national" , comme l’avait écrit, un peu légèrement au magistrat instructeur, le préfet Maxime Roux, l’utilisèrent pour l’expansion de leur affaire ou la mise sur orbite de leur personnage. »

     

    Le lecteur n’en saura pas plus.

    Deux noms sont toutefois cités : ceux d’André Urbanovitch, ami de Malraux, et d’André Malraux lui-même.

     

     

     

    André Urbanovitch

    Andrija Urban (dit aussi André Urbanovitch, ou « Doublemètre »), de nationalité russe ou yougoslave, apparaît à plusieurs reprises (pp. 194, 202, 208 à 211, 366, 375-6) dans le livre de René Coustellier (voir sur ce site), qui en parle toujours avec hostilité, notamment pour l’arrestation de Maurice Chevalier, ou pour des exactions lors de l’épuration en Dordogne. Extrait de la page 376 de ce livre :

     

    « En février 1945, Doublemètre s’installa faubourg Saint-Honoré à Paris. Au cours des deux années suivantes, il fit une fulgurante ascension dans le métier des arts.

     

    A cette époque Malraux était dans l’entourage du général de Gaulle.

     

    Devenu très riche, Doublemètre se faisait appeler Maître Hurban et s’acheta un hôtel particulier à Cannes.

     

    Il mourut sur la Côte d’azur au cours des années 1980. »

     

    La version de Guy Penaud (p. 116) :

     

    « …il a ouvert, dès 1945, la prestigieuse galerie d’art Urban, rue du faubourg Saint-Honoré à Paris, galerie spécialisée dans les maîtres contemporains. Il se targuait en outre de posséder (c’est du moins ce que le Who’s Who avance), dans son appartement cossu de l’avenue Gabriel ou son hôtel particulier de Cannes, une importante collection de peintures impressionnistes, de meubles, de bronzes et de livres rares.

     

    Sa fortune, aussi subite que mystérieuse au lendemain de la Libération, est-elle liée à l’affaire de Neuvic ? Aucune preuve n’a pu être retrouvée à son sujet.

     

    Continuellement soutenu par André Malraux (qu’il avait déjà côtoyé en Périgord), André Urban réussit par la suite à échapper à un long emprisonnement et aux poursuites judiciaires entamées à son encontre à la suite des opérations, pour le moins controversées, effectuées par ses hommes lors de l’épuration en Périgord. »

     

     

    André Malraux

    Dans un récapitulatif de la comptabilité de l’affaire de Neuvic établi par l’armée figurent à la date du 8 août deux versements destinés à la libération du Colonel Berger, c’est-à-dire Malraux, de chacun 4 MF.

     

    Par ailleurs, 800 000 F ont été débloqués par l’AS Corrèze dans le même but, de même que des fonds, pour un montant non précisé, furent parachutés en provenance de Londres. Olivier Todd indique également qu’ « il a reçu des sommes de la R.5... En date du 4 août 1944 : " Versé au S.R. [service de renseignements] et C.F. [corps franc]

    du Colonel Berger 500 000."

     

    »Or, Malraux ne commandait pas de corps franc, ni ne dirigeait de service de renseignements, il n’était qu’une pièce rapportée au SOE (Special Operations Executive, services secrets anglais) de « Jack », lequel était approvisionné et financé par Londres. Malraux fut libéré de la prison Saint-Michel de Toulouse le 19 août, comme ses codétenus, au départ des Allemands. Sans versement de rançon.

     

    « On ignore donc ce que sont devenus tous les fonds versés (ou non) pour la libération de Malraux, et à qui ils furent effectivement remis. » Olivier Todd note (page 349) :

     

    « L’écrivain disposera de beaucoup d’argent à Paris. Il a aussi tendance - écharde plantée depuis Bondy ? - à se faire croire plus riche qu’il ne l’est. Mais Malraux aura plus d’argent que de droits d’auteurs. Quelques jours avant sa libération, des maquisards, dont une unité fidèle à Malraux, Valmy, ont attaqué un wagon de la Banque de France en gare de Neuvic…

     

    L’argent de la Résistance aurait été convoyé à Paris du côté de Malraux par Rosine. Malraux dira à Suzanne Chantal :

     

    " Si vous avez des embêtements financiers… n’hésitez pas. Momentanément je suis riche." »

     

    Il aura après la guerre un train de vie fastueux, habitera un duplex à Boulogne dont il insistera pour payer dix ans de loyer d’avance.

     

    Pour sa famille constituée, avec lui-même, de Madeleine et des trois garçons Gauthier, Vincent et Alain (sa fille Florence vit avec sa mère Clara)

     

    « il dispose de plusieurs domestiques, valet de chambre, maître d’hôtel, son épouse, une cuisinière, deux femmes de chambre, chauffeur, femme de ménage ; le mari de celle-ci donne des coups de main. Malraux a un train de vie qui ne correspond pas à son traitement de ministre et à ses droits d’auteur. Des malveillants murmurent que tant de résistants ont mis la main sur l’argent de la Résistance. » (pp. 389-390).

     

     

    Todd a tort de parler de sa période ministérielle car, lorsqu’il sera ministre, ses besoins domestiques seront pris en charge par l’État :

     

    il pourra « cantiner chez Lasserre » aux frais du Prince, et sera logé somptueusement au Pavillon de La Lanterne au Château de Versailles dès 1962.

     

     

    © Jacques Haussy, mars 2003

     

     

     

    SOURCES :

    http://malraux.pagesperso-orange.fr/Penaud.htm

     

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  • Notre Chef Malraux alias Colonel Berger

     

    Malraux venait de la guerre d’Espagne où il était officier aviateur dans les rangs républicains.

     

    Ce colonel communiste crée dans les maquis de Dordogne la Brigade Alsace-Lorraine avec le soutien de Londres.

    Malraux était certainement gaulliste non par idéalisme politique mais par pragmatisme.

     

    Il voyait en De Gaulle le porte drapeau de nos libertés, de notre honneur de combattants français et de tous nos espoirs.

     

     

    Ses convictions communistes et sa haine du fascisme avaient fait du colonel Berger le chef incontesté des maquis de Vergt-Cendrieux-Durestal.

     

    La B.A.L. prendra une part active aux combats qui après juin 1944 visaient à contrarier, voire rendre impossible, les déplacements et replis de l’armée allemande dans le sud-ouest y compris ceux de la division Das-Reich.

     

    Elle atteindra le Rhin et participera à la libération de l’Alsace. Malraux a su nous insuffler l’esprit qui vit toujours parmi les anciens de la B.A.L.

     

    Chaque congrès annuel nous retrouve en effet vieillis mais toujours fidèles à l’idéal qui était celui de la brigade.

    Vergt, Durestal, Rouffignac, Mouleydier, hauts lieux de la Résistance périgourdine où nous évoluions chez nous. Durestal a vu la création du premier maquis, le maquis Ancel.

     

    De ces hommes en guenilles, le colonel Berger fit d’abord des combattants et de ces combattants des soldats.

     

    Le général de Lattre de Tassigny louera plus tard leur valeur au combat.

     

    Mais nous resterons toujours ceux qui "avaient pour drapeaux des bouts de mousseline "

     

     

    Le Pactole

     

     

    Le trésor de Neuvic représente 54 % du total des "prélèvements " de la Résistance sur la Banque de France en 1944 (4 milliards 237 millions de francs).

     

    Un chiffre à comparer avec les 6 milliards 664 millions évacués en juin 1940 de Dunkerque vers l‘Angleterre.

     

    Les 2 milliards 280 millions de Neuvic correspondent à un milliard 961 millions de francs de 1992. L’équivalent du budget consacré à l’aménagement du territoire (un milliard 914 millions) ou trois fois le budget de la région aquitaine pour la même année (663 millions de francs)...

     

    Henri Amouroux a calculé ce que pouvait représenter une telle somme à l’époque "

     

    Avec 2 milliards 280 millions de francs, il était possible, en juillet 1944, d’acheter 43.000 veaux pesant 100 kilos chacun, 12.000 cochons de 120 kilos, 10.000 tonnes de pommes de terre à 4,50 francs le kilo, 25.000 kilos de fromage de Cantal à 44 francs le kilo et, pour arroser le tout, 20.000 barriques de vin à 2.200 francs la barrique.

     

    Ou encore de nourrir, pendant un an, 156.100 maquisards, puisque la nourriture quotidienne de chaque maquisard coûtait 40 francs.

     

    (Ces chiffres ne sont pas ceux du marché noir, mais ceux payés, en juin 1944, aux paysans du Lot par les maquis locaux

     

     

     

    Les milliards de Neuvic

    L’affaire de Neuvic prend encore aujourd’hui, en Dordogne, des allures de légende.

     

    Les ordres de l’état-major FFI étaient clairs : en aucun cas le convoi de la Banque de France ne devait arriver à destination.

     

     

    C’est une chaude journée de juillet.

    Une chaude et longue journée qui n’en finit pas d’ennui, une de ces journées dont on n’attend rien. Nous avons pris notre repas de midi et, jusqu’au soir, aucune occupation de prévue, pas même le moindre livre à lire.

     

    Une courte sieste a réussi à tuer deux heures péniblement.

     

    Le lieutenant Gandoin, désœuvré va trouver notre coiffeur : un peu de temps gagné. Installé sur une vielle caisse, la figure enduite de savon, il se prête aux évolutions du rasoir.

     

     

    Le silence est complet dans le camp.

    L’oreille, cependant, depuis un instant, perçoit, lointain, un ronflement de moteur.

     

    Le bruit se rapproche.

     

    C’est la pétarade d’une moto qui semble venir vers nous.

     

    Elle atteint le poste de garde, le moteur s’arrête et nous voyons déboucher deux visiteurs.

     

    C’est une aubaine, d’autant plus que nous reconnaissons la silhouette sympathique du lieutenant Roland. Les visites sont rares et pour venir vers nous il doit avoir un motif sérieux, probablement intéressant.

     

    Derrière lui s’avance un officier du quartier général :

    François.

     

    Ce dernier, sans préambule expose sa mission :

    " Un train blindé ou non, quitte Périgueux ce soir, emportant à Bordeaux, la modeste somme de deux milliards trois cent quatre vingt dix millions de francs, destinés aux boches. Le train passe à Neuvic à 6 heures et sous aucun prétexte, cette somme ne doit arriver à destination. Les groupes Roland et Valmy sont chargés de l'opération.

     

    Il faut prévoir des possibilités de combat. Le train est peut-être blindé, il est peut-être escorté d’éléments blindés, en tout cas, il est certainement défendu. Il y aura une prime de mille francs, si le coup réussit, pour tous les participants. "

     

     

    Gandoin, aussitôt bondit, une joue rasée, l’autre ensavonnée :

    " Valmy n’accepte pas de prime. Nous sommes des combattants et non des pirates. Il y a un coup à faire, un combat à livrer, nous en sommes, d’autant plus volontiers que cette journée creuse nous pèse étrangement, mais qu’il ne soit pas question d’intérêt. "

    Rolan et François repartent. Il n’est plus question pour Gandoin de se faire raser. Nous disposons d’une heure et demie pour récupérer notre camion, nos chauffeurs, en effet, profitant du calme, sont descendus à Vergt nettoyer le gazo, et nous rendre à Neuvic. La serviette à la main, essuyant le savon de sa face non rasée, Gandoin distribue les ordres :

    " Un motocycliste immédiatement pour Vergt, le camion doit rentrer à La Taillandière en état de marche, il faut que dans la demi-heure le Corps Franc et la section des jeunes soient embarqués et roulent sur Neuvic. "

    Le camp est en effervescence. Les hommes courent en tous sens.

    " Nous allons attaquer un train ! " crient avec enthousiasme ceux qui sont de la partie et qui se désolaient il y a quelques instants de l’inaction forcée.

    Ils ignorent le but véritable de l’opération. Nous ne leur donnons pas d’autre explication. Ils savent seulement qu’ils vont faire quelque chose, d’assez périlleux même, vu le matériel que nous emportons. Et cela suffit pour déchaîner chez eux l’enthousiasme, et le regret chez ceux qui doivent rester au camp pour en assurer la garde. Toujours ponctuel, toujours prêt, Gaston Baylet arrive avec son camion, à l’heure dite. Nous sommes installés sur la plate-forme, fusil-mitrailleur en batterie, les armes prêtes à faire feu, un homme avec mitraillette installé à l’avant, sur chaque aile du camion, pour parer à toute surprise. Selon la tradition, tous en chœur, nous entonnons la Marseillaise et le camion démarre. Baylet conduit toujours vite, mais ce soir il se dépasse. Le temps presse en effet. En chantant nous traversons Vergt et les villages défilent devant nous.

    Nous approchons de Neuvic, voici la grande route Périgueux/Bordeaux. Une moto vient à notre avance montée par François et Roland. Nous sommes à l’heure, mais il faut rapidement prendre position et arrêter les dispositifs d’un combat éventuel.

    Nous occupons d’abord la poste et laissons un planton pour surveiller le téléphone. Les habitants nous acclament et le monument aux morts a arboré un drapeau à croix de lorraine. Sans perdre de temps, nous filons vers la gare que nous réquisitionnons au nom des Forces Françaises de l’intérieur.

    Les trois routes qui mènent à la gare sont barrées. Des fusils mitrailleurs placés sur le coteau qui domine la gare prennent la voie en enfilade. La route qui longe la voie ferrée retient l’attention de Gandoin, des éléments blindés peuvent l’emprunter et escorter le train. Après avoir fait évacuer les habitants d’une maisonnette trop exposée, nous disposons des mines et Dormoyer s’installe en pointe avec son mortier "piat ". Il n’est pas content.

    " Je n’ai plus que trois obus, mon lieutenant, je ne puis faire grand chose, il en faudrait bien plus " !

    " T’en fais pas, répond Gandoin, tu en as bien assez, si tu manques deux fois un char à cent mètres, il ne te laissera pas le temps de tirer une troisième fois ".

    Dormoyer n’avait pas encore pensé à cette éventualité et, interloqué, va prendre place auprès de son arme.

    Le reste de la compagnie, face à la ligne de chemin de fer, s’allonge dans le fossé. Deux camions arrivent et déchargent le Corps Franc de Roland qui prend position de chaque côté de la gare, dissimulé dans les massifs de verdure.

    Nous sommes prêts.

    Ces concentrations de forces ont mis Neuvic en émoi.

    " Ils vont attaquer un train chargé de troupes allemandes "

    " Mais non, ils vont délivrer des STO qui partent pour l’Allemagne "

    " Il paraît que la Milice et les Bicots quittent Périgueux par ce train, ils vont les cueillir au passage ".

    Tout en discutant ainsi, les curieux s’approchent de notre dispositif, y pénètrent et nous regardent avec sympathie mêlée d’étonnement.

    " Tu as vu ces Maquis, ils sont casqués et tous en uniforme kaki. C’est vraiment l’armée française qui renaît "

    Oui, braves gens, vous pouvez admirer nos uniformes, surtout si vous saviez qu’ils ont été pris en plein jour à Périgueux à l’Intendance Militaire, par quatre camarades qui ont chargé leur camion sous l’œil des soldats allemands qui, déroutés par tant d’audace, n’ont demandé aucune explication.

    Tous ces visiteurs sont charmants, mais dans un instant ils pourraient devenir gênants. Nous les invitons à circuler. Mais les sentinelles barrent le chemin du retour.

    " Par ici, Mesdames et Messieurs, vous rentrerez chez vous quand nous vous le dirons. Vous avez vu trop de choses maintenant, vous allez vous mettre à l’abri, derrière la gare et attendre sagement les événements ".

    Bon gré, mal gré, ils obéissent en silence, comprenant sans doute que nous ne sommes pas venus ici pour les amuser.

    L’heure du train approche et déjà, au loin, un panache de fumée est signalé. La minute est angoissante. Qu’allons-nous trouver ? La locomotive paraît et ralentit à l’approche de la gare. Camouflés derrière un arbre, nous surveillons le convoi qui approche.

    " Nous sommes refaits, dit alors Gandoin, c’est un vulgaire et inoffensif train de voyageurs "

    Dans le couloir des wagons qui maintenant défilent devant nous, des civils : hommes et femmes contemplent les casques alignés dans le fossé. Le train stoppe et derrière Gandoin je passe sur le quai de la gare.

    " Que personne ne descende " ordonne Roland.

    Nous nous regardons, consternés. Les renseignements sont certainement faux. Il n’y a point d’argent dans ce train. Le chef de convoi cependant s’approche et nous glisse à toute vitesse : " Fourgon de tête ". Nous nous y précipitons et ouvrons la porte d’un coup. Quatre inoffensifs banquiers armés chacun d’un pistolet gardent les sacs plombés de la Banque de France. Il y a quatre tonnes et demie de billets de banque. Nous simulons une attaque, les gardiens déchargent leurs armes en l’air, la locomotive manœuvre le fourgon sur la voie de garage, les sacs passent sur nos camions pendant que nous inspectons les voyageurs et c’est fini. L’opération n’a pas duré plus d’une demi-heure. La prise est bonne, le coup vraiment facile. Nous repartons. Les hommes montent sur les camions, intrigués par le contenu de ces sacs. Le moment est venu de les mettre au courant, de leur apprendre qu’ils ont des milliards sous les pieds. Au retour, tout Neuvic est dehors, nous acclame et entonne avec nous le Chant du Départ.

    A quelques kilomètres de là, un des camions de Roland tombe en panne. C’est le plus petit et sa charge est répartie entre les deux autres. Nous arrivons au quartier général la nuit et sous un orage d’une violence inouïe. Les chemins sous bois sont détrempés, nos camions ne peuvent accéder jusqu’au camp. Il reste un kilomètre à faire et environ cent cinquante sacs à transporter à dos d’homme sous la pluie. Nous n’avons rien mangé depuis midi, on nous servira une tranche de pain et deux sardines à l’huile. L’opération a bien réussi, nous y avons gagné une douche et un léger casse-croûte en guise de repas.

     

    Certains nous présentaient comme un ramassis de brigands ! Je crois qu’il est important de noter que pas un seul sac n’a manqué à l’arrivée. Comme l’avait dit Gandoin :

    " Valmy n’accepte pas de prime. Nous sommes des combattants et non des pirates. "

     

    Georges

     

    Aujourd’hui, c’est mon tour de permission ; j’ai droit à 48 heures de repos ainsi que Georges Mazeau, le coiffeur de la Compagnie. J’ai prévu de faire la route sur Brantôme avec lui et je me rends donc à sa tente. Il est en train de raser le Capitaine et a encore deux ou trois barbes à faire.

    " Avance-toi, je te rejoindrai en route ".

    J’emprunte donc un des vieux vélos dont nous nous servons à tour de rôle et me prépare à franchir les soixante kilomètres qui séparent Vergt de Brantôme.

    La route traverse Razac sur l’Isle et c’est là, que très souvent, Gestapo et milice tendaient leurs embuscades. L’endroit est donc à emprunter avec prudence. J’arrive vers midi à l’entrée du bourg et des paysans me signalent que la voie est libre. Je quitte la route principale et, par des voies secondaires et donc plus sûres, j’arrive chez moi vers 16 heures sans avoir été rejoint par Georges.

    A minuit, nous sommes réveillés, ma femme et moi, par Elie, le frère de Georges, et quelques camarades qui frappent aux volets. Non, Georges ne m’avait pas rejoint ; quelque chose de grave lui était donc arrivé.

    Nous repartons vers Vergt et, à Razac, nous apprenons que la milice avait établi un barrage dans l’après-midi. De nombreux passants avaient été arrêtés et emmenés à la caserne de Périgueux, de bien triste réputation, pour vérification d’identité et interrogatoire musclé si nécessaire.

    Georges faisait partie de ce convoi.

    Nous devions retrouver son corps dans des circonstances tragiques que nous évoquerons ultérieurement.

    Ainsi donc, un camarade, un de plus, payait de sa vie son attachement à la France et à la liberté.

     

    Rengeard

     

    J’avais pour mission, avec mon groupe, de harceler l’ennemi en tirant sur tous les véhicules qui empruntaient la route Périgueux - Bordeaux.

    Pour cela nous cantonnions à la ferme Rengeard dont le propriétaire était Monsieur Privat. Il nous fallait pour cela, approcher du carrefour des trois-frères, franchir la route et nous mettre en batterie côté opposé au cantonnement.

    Pendant trois semaines, avec l’avantage de la surprise et du terrain, les "usagers " n’insistaient pas et accéléraient sans chercher l’accrochage.

    Le lieutenant Motti qui s’ennuyait ferme à La Taillandière et le toubib Millet, plus expert dans le maniement de la mitraillette que du bistouri, se joignaient parfois à nous. Tout en finesse, le docteur, me demandait régulièrement :

    " Alors Fox, c’est aujourd’hui qu’on se tape une colonne ? ".

    Dans les situations les plus inconfortables, l’homme arrive donc toujours à plaisanter ; ça aide à vivre …

    A propos de vivres, les nôtres n’étaient pas très abondantes et nous manquions souvent de pain et de sel. Heureusement, la cueillette de cèpes était souvent fructueuse et notre cuistot, Darnaud, avait l’art de nous confectionner des omelettes aux champignons succulentes.

    Mais ce n’était pas suffisant et la nuit, le lieutenant, le toubib et moi-même, nous nous rendions chez le maire de Bordas, qui était chargé, grâce à nos bons de réquisition de nous approvisionner en bétail et volailles. Au retour d’une de ces expéditions, vers deux heures du matin, alors que le camp devait être en permanence gardé par deux sentinelles, nous tombons sur l’une d’entre-elles, "georgette ", endormie.

    Exténué par les embuscades et le service du camp, il était à bout de force, comme la majorité d’entre nous d’ailleurs. Mais l’affaire était extrêmement grave ; il était responsable de la sécurité du camp et redevable de la vie de ses camarades. Le lieutenant n’hésite pas, sort son revolver et tire. J’ai juste le temps de dévier son bras pour que le coup se perde dans la nature.

    " Ton compte est bon, dit-il au pauvre bougre, demain tu passes en cour martiale ! ".

    Nous avons passé le restant de la nuit, le toubib et moi, à calmer le bouillant lieutenant Motti et à l’engager à faire preuve de plus de clémence. Au petit matin, il a cédé ! Mais quelle nuit !

    Quelques temps plus tard nos deux invités ont rejoint La Taillandière.

    Nous nous doutions bien que les "vert de gris ", lassés de se faire régulièrement mitrailler allaient tôt ou tard réagir et nous attendions tous les jours cette réaction.

    Elle ne devait pas se faire trop attendre et je reçois un jour, vers 16 heures, la visite d’un agent de liaison porteur d’un pli qui me donne l’ordre de décrochage immédiat. Tout le secteur est encerclé à l’exception d’une ouverture au nord. Nous faisons place nette, pour que la ferme Rengeard soir insoupçonnable et nous partons. Mes hommes sautent la dernière route ouverte et je passe le dernier. Il était plus que temps ; les premiers blindés se trouvaient à deux cents mètres et c’est à couvert, sous les bois, que nous les avons vus passer.

    Ma femme, inconsciente du danger, avait ce jour là décidé de venir me voir. Elle avait donc pris son vélo et, avec notre fils âgé de un an sur le porte bagage, pédalait ferme depuis Brantôme, quand elle tombe sur le barrage allemand. Là, elle assiste à l’incendie de la ferme des Trois Frères et d’une partie de Maison Jeannette. Heureusement que la jugeant inoffensive avec son jeune bébé, les Allemands la laissent passer. Elle raconte qu’une des sentinelles allemandes a même donné un bonbon au petit, qu’elle s’est empressée de lui faire cracher quelques centaines de mètres plus loin. Elle peut se réfugier à la ferme Rengeard où la famille Privat l’accueille.

    Durant toute cette période, elle a toujours manifesté la certitude absolue que rien, absolument rien, ne pouvait nous arriver. Mon fils a pour ainsi dire appris à marcher en se cramponnant aux caisses de grenades ; " ce gosse nous fera tous sauter un jour " disaient les camarades ! Le lendemain de la tuerie de Mouleydier alors que nous étions tous supposés morts, à notre voisine qui lui disait :

    " Ne l’attendez plus madame Foxonet, ils sont tous morts à Mouleydier ! ", elle répliquait :

    " Non, je sais que lui est vivant ! ".

    Heureusement, elle était dans le vrai !

    Voici une lettre, lettre1.jpg, qu'elle écrivait en 1944, à Monsieur Carlier alors sans nouvelles de son fils Charles un camarade de toujours. Elle y manifeste toujours le même optimisme volontaire.

    (En copie, la lettre de Charles Carlier datée de 2003, qui nous en fit le cadeau inestimable!) lettre21.jpg lettre22.jpg

    Les Russes Blancs

    Russian Red Army Choir - Le Chant des Partisans.mp3

    Après notre décrochage de Ringears, nous atteignons Vergt à vingt trois heures. Alors qu’exténués, nous nous apprêtons à prendre un peu de repos sous les halles, arrivent Motti et un capitaine Marc, un Anglais parachuté chez nous depuis peu, qui assure la liaison entre Londres et le Q.G.

    " Nous avons encore une mission à remplir " m’annonce Motti.

    " Il faut enlever un groupe de Russes Blancs, à cinq kilomètres d’ici. Tu viens avec cinq volontaires ".

    Le reste de la troupe a répondu pour moi :

    " C’est tous ou aucun ".

    Et nous revoilà partis, toujours sans repos. La nuit était obscure et après deux heures de marche, nous sommes à pied d’œuvre. Nous rampons le long d’une haie bordant un champ très en pente ; Motti et Marc me précèdent ; mon groupe est en couverture dix mètres en arrière. Nous sommes alors à cinq mètres des russes couchés dans le fossé de la route. Motti dégoupille une grenade ; j’en fais autant et, au même instant le chef Vimet, à l’arrière, heurte le montant métallique d’une porte en fer. Les Russes alertés et immédiatement sur pieds, n’ayant pas de lampe électrique ne peuvent nous voir.

    Chez nous, plus rien ne bouge ; seuls nos cœurs battent la chamade. Motti fait passer l’ordre de repli.

    " C’est raté me dit-il, nous ne pouvions exposer tant de monde pour si peu ! "

    Après coup, je reste persuadé que c’est une sorte de pari qu’ils avaient fait avec Marc : se payer quelques russes !

    Sans repos depuis trois semaines, mon groupe est dans un piteux état et je peux obtenir deux jours de repos à La Taillandière. Tous les effectifs convergent vers le camp pour y préparer l’assaut final sur Périgueux.

    Le lendemain de notre arrivée, le Q.G. donne l’ordre au Capitaine d’intercepter une colonne de Russes quittant Périgueux pour Bordeaux. Il faut faire le maximum de prisonniers et les inciter à déserter.

    Le corps Franc et la section des vieux étant au repos, c’est la section des jeunes commandée par l’Adjudant-chef Dubourg qui est désignée. Elle est composée de volontaires de 18 à 20 ans, encadrée par des gars de l'active et elle a fait ses preuves.

    A l’heure H, le dispositif est en place et les Russes tombent dans le panneau. Aux premières rafales, ils abandonnent armes, chevaux, matériel et s’enfuient dans les bois où nous les récupérerons, heureux de ne pas être fusillés comme annoncé par la propagande boche.

    C’est une centaine d’hommes que les Allemands ne pourront pas employer dans les combats à venir.

     

    La prise de Périgueux et la Dordogne enfin libre …

     

    C’est l’investissement de Périgueux qui va mobiliser la plupart des forces en ce mois d’aôut où l’issue victorieuse apparaît plus clairement que jamais.

    Cependant, la ville est encore solidement tenue par les troupes ennemies. Outre les immenses bâtiments de la caserne du 35ème d’artillerie du quartier St Georges, elles occupent tout le secteur de la poste, c’est à dire, les immeubles situés sur la place du 4 septembre et sur la place du théâtre, le rez-de-chaussée de la chambre de commerce, rue Gambetta, l’hôtel de France. Elles disposent d’un dépôt à Fontpiquet, près des ateliers SNCF et le cantonnement de la Milice est situé route de Paris, à l’angle des allées de Tourny.

    La situation va évoluer très vite au cours de la 2ème semaine d’août. Le 12, la Milice, consciente de la prochaine libération de Périgueux, quitte la ville. Le même jour trois membres de l’état-major régional se voient soudain encerclés et l’un d’eux est capturé près de Niversac où un bataillon FTP affronte l’ennemi. Plus près encore de l’agglomération, des éléments du camp A.S. Mercédès accrochent une colonne allemande. Le 14, des contacts se produisent à Puy de Fourche et au Toulon. Le 15 et le 16 de nouvelles unités A.S. et FTP convergent vers l’agglomération.

    Les Allemands qui craignent d’être bloqués en ville, se scindent en deux groupes et gagnent les hauteurs sur la périphérie. Mille d’entre-eux environ cantonnent aux alentours de Saint Laurent sur Manoire et Saint Pierre de Chignac. Les accrochages sont multiples, souvent meurtriers.

    Le 19 août au matin, les forces FTP au nord-est, à l’est sur la RN89 et au sud-est sont en position. L’encerclement côté ouest est assuré par le bataillon Roland et une brigade de l’AS.

    La compagnie Valmy est dans le coup !

    Sitôt la date connue, pour combattre notre nervosité et l’attente, chacun d’entre-nous s’occupe aux derniers préparatifs : armement, munitions, consignes. Chacun élabore sa stratégie et en discute. Nous allons enfin sortir des bois, nous montrer au grand jour ; il faut être digne de ce moment. Le souci de faire honneur à Valmy est tel, que chacun reconstitue son uniforme, celui d’un soldat ; pas un seul bouton de guêtres ne manque.

    Le jour J, notre capitaine nous rassemble, donne les ordres, nous étudions le terrain, nos futurs emplacements sont reconnus.

    Après une " Marseillaise " et un " Vous n’aurez-pas l’Alsace et la Lorraine ", la compagnie fait mouvement.

    Nous regardons une dernière fois La Taillandière, cette terre qui, pendant quelques mois, fut notre lambeau de patrie, où nous avons vécu, souffert, et où les morts que nous lui avons confiés continuent à jamais leur garde vigilante et muette.

    Adieu La Taillandière, une parcelle de chacun d’entre-nous, peut-être la meilleure, restera toujours avec toi.

    En formation de combat nous atteignons les portes sud de Périgueux sans rencontrer de trop forte résistance, exception faite de quelques forces de la Milice qui, sentant arriver l’heure du châtiment se battent avec l’énergie du désespoir. Ils allaient enfin payer quatre années de veulerie et d’assassinats.

    L’ennemi va décrocher ; le 15 août le débarquement de la première armée française en Provence va modifier sa stratégie. Il n’est plus question pour lui de se maintenir dans le sud-ouest dans l’intérieur des terres, mais de rallier les côtes atlantiques par Bordeaux, les autres voies étant devenues trop dangereuses. Aussi, dès le 19 au soir, les forces allemandes rassemblées auront quitté Périgueux. Les premiers éléments des unités du maquis y pénétreront peu après et l’occupation se poursuivra durant la nuit. Les Périgourdins se réveilleront le lendemain 20 août dans une ville libre où circulent dans l’allégresse et une grande animation les soldats de la France nouvelle, très mal vêtus pour la plupart, mais qu’on ne cesse d’admirer, de féliciter et d’embrasser.

    Mais revenons en arrière.

    19 août à 11 heures du matin ; notre agent de liaison se présente à nos avant-postes porteur d’une liste des fusillés de la veille. Nous en prenons connaissance ; quarante cinq noms y figurent dont celui de notre camarade Georges pris à Razac sur l’Isle. Il était mort quelques heures avant le jour qu'il avait tant rêvé de vivre. Nous en avons tous les larmes aux yeux. Je demande alors au motard, de ne montrer cette liste qu’au capitaine, afin que le frère de Georges, Elie, n’apprenne la triste nouvelle que le plus tard possible.

    Tu m’en a fais le reproche mon cher Elie ; je ne voulais que t’épargner quelques heures de souffrance.

    Le capitaine nous donne l’ordre d’avancer. Comme signalé plus haut seuls quelques miliciens se battent farouchement, mais, dans l’ensemble, l’affaire est plus simple que nous ne l’envisagions. Au nord, par contre, les combats sont plus sanglants.

    A 13 heures, nous faisons notre entrée en ville sous les acclamations, les embrassades des femmes et des enfants qui, les bras chargés de fleurs, se jettent sur nous. Nous abandonnons la foule en liesse pour nous précipiter vers la caserne, je devrais dire vers la prison. Chaque minute perdue peut en effet être fatale à un de nos camarades toujours prisonniers. La caserne est à nous …

    Notre ami Dada, lui aussi pris dans une embuscade, est toujours en vie ; pour lui, nous arrivons à temps. Dans leur frénésie de fuite, les brutes n’ont pu la veille massacrer tous les détenus !

    Elie toujours ignorant du sort de son frère fonce, demande son frère. Je le prends par les épaules et lui dit : " il est trop tard ". Fou de douleur, il tire sur le premier milicien qui se trouve à portée.

    Dada nous conduit au stand de tir, là où les exécutions ont eu lieu la veille. Les murailles criblées des impacts de balles des pelotons d’exécution, les larges tâches brunes couvrant le sol, et la terre, fraîchement remuée laissent deviner que l’horreur absolue a existé, là, que des hommes ont été traités comme on ne traite pas des bêtes, que l’humanité avait disparu de cette enceinte.

    " Ils n’étaient rien de plus que les hommes du non, mais, le non du maquisard obscur, collé à la terre pour sa première nuit de mort, suffit à faire de ce pauvre type le compagnon de Jeanne et d’Antigone… L’esclave dit toujours oui ".

     

    Le lendemain, les prisonniers allemands seront chargés de retirer des fosses les corps de nos martyres entassés les uns sur les autres. Dans leur déni d’humanité, ces bourreaux avaient même enterré un cheval parmi eux. La douleur des familles groupées pour reconnaître un des leurs, la chaleur de ce mois d’août, l’odeur, le spectacle de ces corps déjà méconnaissables donnaient une idée de l’enfer que Dante n’avait pas prévu. Les bourreaux d’hier, perdant leur morgue en vomissaient.

    Ne ne pouvons hélas pas assister aux obsèques de nos de nos frères d’armes ; Il faut poursuivre l’ennemi, le traquer jusqu’au bout, continuer le combat et libérer la France de ces crapules

     

     

    .

    Je dédie ces quelques vers à nos camarades tombés ici.

     

     

     

     

    Partisan, souviens-toi !

     

    C’était pendant l’hiver de l’année quarante trois,

    Partisan souviens-toi, mon Dieu qu’il faisait froid,

    Sur la terre gelée, ton pauvre corps gisait,

    Dans la vieille maison, sans paille et sans fumée.

     

    Les autres, plus nombreux, te comprenaient si peu,

    Et vivaient sous la botte, mais auprès d’un bon feu,

    Toi, seul sous les étoiles d’un monde minéral,

    Dans tes frayeurs du soir pensait des cathédrales :

     

    Un monde sans prison, sans contrainte et sans haine,

    Où les plus pauvres, enfin, pourraient vivre sans peine,

    Où les gueux les plus humbles dans leurs habits troués,

    Pourraient dévisager des princesses outrées.

     

    Chasser ces assassins, meurtriers sanguinaires,

    Les bouter hors de France, mettre fin au calvaire,

    Pour que les privations, la douleur et la haine,

    Fassent place en ton cœur à une âme sereine.

     

    Périgueux libéré, et le peuple exultait,

    Les cris, les chants, l’amour, la joie, la liberté,

    Les tyrans étaient morts, ou en fuite, ou liés,

    Les haillons triomphaient, les gueux ressuscitaient.

     

    Mais dans de sombres murs, gémissent encore nos frères,

    Qui du joug prisonniers, souffrent encore les chaînes.

    Longtemps ils ont crié pour que la mort les prenne,

    Tant leurs corps sous les coups perdaient leur forme humaine.

     

    Dada mon vieil ami, toi tu t’en es tiré,

    Et ta main en tremblant vers Le lieu m’a guidé,

    Et là, tu m’as montré : les murs criblés d’éclats,

    Les larges tâches brunes : nos frères gisaient là.

     

    Hurlant aux cieux muets, de douleur et de rage,

    Nous avons condamné leurs bourreaux à l’ouvrage :

    Sortir des fosses abjectes nos malheureux amis,

    Rendre à l’humanité ces pauvres corps meurtris.

     

    La mort avait raidi vos membres déformés,

    La Parque a décidé et les bêtes l’on fait,

    Mais du fond du tombeau de vos yeux grands ouverts,

    Vous contemplez le ciel d’un nouvel univers.

     

    La chasse continue et ces bêtes immondes

    Par nous seront traquées jusqu’au fond des enfers,

    L’Alsace libérée, le Rhin sera passé,

    Et dans la Forêt Noire, leur sort sera scellé.

     

    Partisan souviens-toi la tempête passée,

    De ces jours héroïques où sous la même tente,

    Le prêtre, l’ouvrier, la France combattante,

    Ont su mourir debout sur ce sol verglacé.

     

    Ils ont su dire non, pauvres ombres glacées,

    Pour que vous aujourd’hui vous puissiez exister,

    Et du fond des charniers leurs corps décomposés,

    Rappellent au monde entier ce que c’est qu’exister.

     

     

    Partisan, souviens-toi et vous … souvenez-vous !

    Le chant des partisans.mp3 

     

     

     

    Torsac

     

    Après la libération de Périgueux, nous reprenons, le cœur troublé par ce que nous avons pu voir, le chemin d’Angoulème dont la libération sera le dernier objectif de la Brigade Alsace – Lorraine.

    En chemin, nous passons par Brantôme, libérée par ses habitants et nous en profitons pour embrasser nos familles. La ville est en état de liesse ; les atrocités dont elle avait été victime étaient enfin vengées. Nous devons, hélas, quitter à nouveau nos familles et nos amis ; la Charente est encore occupée.

    Jusqu’à Torsac, un village situé à une dizaine de kilomètres d’Angoulème, nous ne livrons aucun combat. L’ennemi est toutefois signalé dans les environs immédiats, aussi prenons-nous position dans le village : deux sections à l’intérieur, la nôtre, sur les hauteurs, prenant la route en enfilade et la section Dubourg sur les bas-côtés.

    Vers les 16 heures, deux jeunes aspirants allemands arrivent en voiture (Simca cinq), sur le barrage Dubourg : sommations. Loin d’obtempérer, ils saisissent leurs armes ; une rafale de F.M. les fauche sur-le-champ. Leurs corps sont déposés dans un cimetière bordant la route.

    La soirée et la nuit sont calmes.

    Le lendemain, au petit jour, je laisse mon groupe sur ses positions pour me rendre aux ordres. Je dois pour cela traverser un chaume et longer le cimetière. Mes amis Jolivet et Martinet se trouvent sur la route et nous engageons une discussion sur la conduite à tenir. Nous entendons un bruit de moteur qui ne nous alarme pas puisque les avant-postes n’ont pas tiré. Soudain, deux automitrailleuses surgissent à moins de deux cents mètres de nous. Mes deux interlocuteurs bondissent, traversent la route et sont à couvert derrière les maisons. Moi, ne pensant qu’à rejoindre mon groupe, j’entreprends un cent mètres à travers champs. Les deux A.M. me font un brin de conduite à grand coup de rafales de 12.7, qui encadrent mon sprint jusqu’au muret de limite de chaume que je franchis dans la foulée. Là, je peux reprendre mon souffle et mes esprits. Jamais Ladoumègue ne m’aurait battu sur ce sprint. Les copains assistaient à la scène :

    " Tu as eu la baraka ",

    " Non, j’ai eu à faire à des mazettes ".

    Le piat n’étant pas en position, les deux A.M. ont pu reprendre leur route sans être inquiétées par quelques rafales de F.M. vengeresses.

    Notre observateur préféré, monsieur le curé en personne qui du haut de son clocher, jumelles en main, nous signalait habituellement tout mouvement ennemi, nous avait ce que coup là fait défaut. C’était l’heure de sa messe matinale ; peut-on l’en blâmer Seigneur ?

    Dans l’après-midi, ce patriote et grand résistant a l’occasion de se faire pardonner ;

     

    toujours du haut de son perchoir, il nous signale deux véhicules suivis d’une troupe de cyclistes.

     

    Nous avons le temps de nous préparer et à deux cents mètres, nous engageons le combat. Ils sont armés de canons revolver qui tous les trois projectiles classiques, envoient un obus explosif.

     

    Grâce à çà, ils nous tiennent un moment en respect, puis, pris sous notre feu croisé et victimes de lourdes pertes, ils lâchent et sont exterminés.

    Nous récupérons les camions, les victuailles transportées, les parfums, les effets féminins, les vélos.

     

     

    Les cadavres sont placés sur le bord de la route.

    La journée se termine sans autre incident.

    Le lendemain matin, nous recevons ordre de faire route sur Angoulème où notre compagnie occupe le plateau est dominant la ville.

     

     

    Objectif : prendre les écoles et la caserne d’où miliciens et boches nous mitraillaient sans interruption. Nous attendons avec impatience l’ordre d’attaquer car cette position de cible ne nous convient nullement.

    A 14 heures, deux canons tirent dans notre dos ; sommes-nous contournés ? Un agent de liaison nous apprend que ce sont deux 75 qui nous épaulent ; nous n’avons pas l’habitude d’un tel luxe, mais il est le bienvenu.

    L’ordre de l’assaut est enfin donné. Les miliciens défendent chèrement leur vie mais leur dernière heure a sonnée. Angoulème est prise et les troupes allemandes n’iront pas rejoindre la poche de Royan.

     

     

    Il nous reste le plus dur à faire : récupérer les stocks de vivres, viandes, volailles, cognac, champagne qu’allemands et miliciens avaient amassés.

     

     

    Nous nous attaquons à cette tâche avec ardeur et ma petite troupe d’Alsaciens est déclarée inapte au combat pendant toute une semaine (le temps d’évacuer cette prise de guerre).

     

     

    Le rôle de la Brigade Alsace – Lorraine groupement du maquis de Dordogne s’arrête là. Nous avions pendant deux ans contenu de toutes nos forces et parfois à mains nues, la pression ennemie ;

     

    Das Reich a été obligée de combattre en Dordogne plutôt qu’en Normandie ; nous avions contribué à rétablir l’honneur de la France.

     

     

    Le prix total qui a été payé en Dordogne est très élevé :

    1500 victimes, morts au combat, fusillés, morts en déportation.

     

     

    " Passant, va dire à la France que ceux qui sont tombés, ici, sont morts selon leur cœur ".

    Les Alsaciens, les Lorrains étaient venus aider les Périgourdins ; les Périgourdins allaient leur retourner le compliment.

     

    Les Allemands occupaient toujours l’est de la France.

     

     

     

     Préface 

    Ma Jeunesse

    Le service militaire

    Le maquis #1

    Le maquis #2

    La fin de la guerre

    L'après-guerre

    Epilogue

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  •  

     

     

    Le sillon était droit …

     

     

     

     

     

    "La tristesse et la peur leur étaient inconnues,
    Ils eussent, sans nul doute, escaladé les nues,
    Si ces audacieux,
    En retournant les yeux dans leur course olympique
    Avaient vu derrière eux la grande République
    Montrant du doigt les cieux..."

     

    Victor Hugo – Les châtiments

     

     Afficher l'image d'origine

     

    Préface

    J’ai longtemps hésité avant d’écrire ce qui va suivre.

    Pourquoi le faire, et surtout pour qui le faire ?

    Pour moi d’abord, (se raconter n’est-ce pas se découvrir dans les deux sens du terme ?),

    Pour mes proches ensuite, qui me comprendront mieux après m’avoir suivi dans les moments capitaux de mon existence,

    Pour mes petites filles enfin, pour qui la différence entre la guerre des Gaules et la Résistance est aussi ténue qu’un fil d’araignée.

    J’ai été parfois acteur et parfois témoin des événements dont il va être question. Certains d’entre eux m’ont été imposés par le hasard ; d’autres sont le résultat de choix politiques guidés par cet idéal de liberté et de fraternité qui ne m’a jamais quitté.

    Profondément marqué par la Résistance, je parlerai particulièrement de cette époque héroïque...

    Le temps a passé, mais rien n’est oublié ; tous les souvenirs sont là, à fleur de peau, aussi forts et vivants, agréables et douloureux, qu’auparavant.

    Puissent ma sincérité et mon affection vous faire oublier mes faibles talents de conteur.

     

     

    Louis FOXONET

     

     

    Préface 

    Ma Jeunesse

    Le service militaire

    Le maquis #1

    Le maquis #2

    La fin de la guerre

    L'après-guerre

    Epilogue

     

    Pour tout commentaire, merci de bien vouloir contacter :

    francisfoxonet@free.fr

     

     

    Une nouvelle version de ce site (photos, témoignages, …)

     

    est disponible à l’adresse suivante :   

     

    http://sites.google.com/site/foxonetresistance/

     

    LIEN SOURCES :

    http://francisfoxonet.free.fr/Resistance/Barney1.htm

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • les exactions de la division Brehmer en Mussidanais

     

    « C’est la guerre madame !» :
    les exactions de la division Brehmer en Mussidanais (26 mars 1944)

    (extrait)


    « Le 26 mars vers 4 heures, des troupes allemandes (environ une division) sont arrivées à Mussidan et dans la région et ont cerné la ville.

     

    Dès le matin des incendies de forêt ont été constatés dans les communes de Saint-Front-de-Pradoux, Saint-Martin-l’Astier et Saint-Etienne-de-Puycorbier.

     

    Le feu a sévi toute la journée et toute la nuit du 26 au 27 et actuellement à peu près tous les bois de ces communes sont brûlés […]

     

    À 18 heures une […] rafle a été opérée dans la ville de Mussidan ; trois cents arrestations environ ont été opérées […]

     

    À Saint-Front-de-Pradoux, les soldats poursuivent les femmes et leur demandent de coucher avec elles […] La population est partout affolée. »

     



    Rapport de l’adjudant Nardot, commandant de la brigade de gendarmerie de Mussidan,

    27 mars 1944

     



    « Je me sentais humiliée en voyant tous ces hommes marcher tête basse. Je me disais que parmi eux il y avait des chefs de famille, des ouvriers, des gens qui avaient de la dignité, de l’amour propre, qui gagnaient leur vie honnêtement, et ils étaient là, traités comme des chiens, comme des chiens…»

     

     

    Témoignage de Marie-Solange Reynaud


    Le début de l’année 1944 se caractérise par une radicalisation brutale de l’armée allemande dans sa lutte contre  les « bandes terroristes », selon l’expression communément employée par l’occupant.

     

    Devant l’ampleur des actions menées par la Résistance en Dordogne au cours des premiers mois de l’année 1944 , l’état-major allemand décide d’employer les grands moyens en faisant intervenir la 325e division de Sécurité (Sicherungs-Division)

     

    placée sous le commandement du général Walter Brehmer, unité que l’on désigne communément sous le nom de « division Brehmer » ou « division B ».

     

    Un officier de la Sipo-SD (« Gestapo »), le Hauptsturmführer Hollert, est chargé d’assurer le lien entre la division Brehmer et le KdS de Limoges, dirigé par August Meier, dont dépend l’antenne de Périgueux .

     

     


    L’objectif assigné à cette opération de répression est de mettre hors d’état de nuire la Résistance et ses soutiens présumés en terrifiant systématiquement les populations civiles.

     

    Les exactions de l’armée allemande sont largement couvertes par « l’ordonnance Sperrle » du 3 février 1944, confortée par un décret du 4 mars.

     

     

     

    Ces directives encouragent

    « l’« exécution » des « francs-tireurs », l’incendie de maisons, de fermes et de village entiers, et surtout l’élargissement des mesures de répression à la population civile . »


    Dès son arrivée en Dordogne, le général Brehmer fait adresser un avis destiné aux communes de Dordogne .

     

    Son contenu préfigure très exactement le sillon sanglant tracé d’ouest en est par son unité du 26 mars au 3 avril 1944 dans le département.
     

     

    L’opération de la division Brehmer débute dans la forêt de la Double dans la nuit du 26 mars dans un triangle qui inclut approximativement les communes de Ribérac,

    Saint-Laurent-des-Hommes et Mussidan.

     

    Les troupes allemandes investissent alors méthodiquement les différentes communes du secteur selon un mode opératoire bien rodé .

     

    Des postes de commandement sont installés dans les bourgs ou les hameaux.

     

    De là, de petites unités ratissent les environs dans le but d’y déloger les maquisards. Les communes de Saint-Etienne-de-Puycorbier, Saint-Michel-de-Double, Saint-André-de-Double, Beauronne, Saint-Laurent-des-Hommes sont investies selon ces modalités au cours de la journée.

     


    Les exactions allemandes sont innombrables en cette journée printanière du 26 mars.

     

     

    Les bois sont systématiquement brûlés par l’utilisation de petits canons qui tirent des obus incendiaires. Tous les habitants de l’époque se souviennent du formidable incendie qui dévorait la forêt et des escarbilles qui retombaient jusqu’à Mussidan. André Faure, était agriculteur à la Grande Vacherie (sic), commune de Saint-Etienne-de-Puycorbier :

     

     

     

    « Le 26 mars, nous avons vu des centaines, voire plusieurs milliers d’Allemands qui ont tout fait brûler. Ils mettaient le feu avec des petites fusées incendiaires. Ils ont commencé à Saint-Michel-de-Double puis cela a brûlé ici vers 14 heures. Ils ont tout fouillé. Ils disaient :

     

    « Terroristes ! Terroristes ! ». Ils piquaient les meules de foin avec leurs baïonnettes. Personne n’a rien eu, mais nous avons perdu tous nos bois. Les soldats buvaient dans la cave. Ils avaient ouvert les robinets, ils buvaient, ça « pissait » partout par terre. Il ne nous restait plus qu’un hectare de bois de feuillus. Ils ont brûlé toute la Double, de Saint-Barthélémy-de-Bellegarde jusqu’à

    Saint-Vincent-de-Connezac, à 95% .»

     



    Cependant, la chasse -car il faut bien parler de chasse- aux maquisards n’est guère fructueuse pour les troupes allemandes. Informés peu de temps auparavant, les résistants ont en effet pu quitter la forêt de la Double par petits groupes.

     

    Ils ne reviendront dans le secteur qu’après le débarquement allié en Normandie au mois de juin 1944.

     

    Par contre, c’est la population qui se trouve directement en prise à la violence des troupes allemandes, ce qui démystifie l’idée communément admise d’une Wehrmacht généralement « correcte » à la différence de la Waffen-SS.

     

     

     


    Personnes et lieux cités, mots clés

    Beauronne, Marie Solange Bodet (née Raynaud), Division Brehmer, François Bouthier, Roger Broche, Etienne Cardona, Maurice Denoix, Joseph Didelon, René Didelon, Gustave-Armand Dreyfus, Marcel Eclancher, Jean Einhorn, André Faure, Léon Gounaud, René Heinen, Jacques Lachaud, Sébastien Leo, Georges Lestang, August Meier, Mussidan, Henri Rieublanc, Roger Rieublanc, Raymond Roffé, Saint André de Double, Saint Front de Pradoux, Saint Etienne de Puycorbier, Saint Laurent des Hommes, Saint Martin l'Astier, Saint Vincent de Connezac, Fritz Sauckel, Ribérac, Adrienne Vieilleville, Roger Vieilleville, Jacques Waldmann, Georges Weil

     

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  • Vers la Zone Libre

    et bientôt
    la Résistance armée

     

     

     

     

     

    Léonce retrouve donc sa femme Madeleine et ses deux filles qui avaient été hébergées par sa soeur au village voisin de Couis, sur la commune de St Ciers du Taillon.

    Il comprend très vite que son "pays", la Charente-Inférieure devenue depuis le 4 septembre dernier la Charente Marime, est passé depuis 18 mois déjà sous le joug allemand.

    En effet, les ports de La Rochelle et Rochefort avaient été bombardés quatre nuits durant du 19 au 22 juin 1939.

    Dès le 23 juin , les éléments avancés de la "1ère Armee Korps" venus par le nord avaient pris La Rochelle et Royan.
    Quelques jours plus tard étaient arrivées les premières troupes d'occupation de la 44ème division d'infanterie.

    Le port de La Rochelle sert déjà de port militaire pour la "KriegMarine" qui cherche à couper le ravitaillement maritime des Etats-Unis vers la Grande-Bretagne.
    L'Arsenal de Rochefort "héberge" l'artillerie de la Marine.

    De surcroît, son bon village de Consac est situé dans une zone très sensible.
    Dans le but de sécuriser au mieux leurs installations côtières, les autorités allemandes avaient creé en octobre dernier (1941) une zone interdite aux non-résidents.
    A l'intérieur de cette zone la population était entièrement soumise au bon vouloir des Allemands et chacun de ses faits, gestes et mouvements surveillés -quand ils ne devaient pas être autorisés -.

    Les Allemands exercent un strict contrôle de la population dans les gares (La Rochelle, Rochefort, Saintes, Jonzac, Royan), surveillent les lignes d' autobus de la Compagnie Aunis et Saintonge, les routes.
    Seules les personnes habitant la zone ou y travaillant peuvent s'y déplacer librement ; dans le cas contraire elle doivent obtenir un" Ausweiss" pour circuler.
    Consac se situe sur la limite sud de cette zone. Cette limite est fort mouvante selon l'humeur de l'occupant.

    L'insécurité est donc totale d'autant plus que l'Administration Préfectorale avait crée en Aôut 1940 une "Garde Civile" devenue plus tard "Garde Civique".
    A l'origine, cette "garde" avait été mise sur pied pour surveiller le câble téléphonique entre le port militaire de La Pallice (La Rochelle) et Royan qui avait fait l'objet de sabotages en juin 1940. Mais elle se transforma rapidement en véritable force de police d'appoint, susceptible d'intervenir pour le maintien de l'ordre, surveiller les mouvements de personnes.
    En réalité, elle était une véritable force policière aux ordres du Maréchal Pétain ; les années qui suivirent le prouveront puique certains de ses éléments ne cacheront pas leur activité "collaboratrice" et iront même jusqu'à s'engager dans la future Milice qui sera créée en Janvier 1943.


    La présence de Léonce sur ses terres faisait donc courir d'énormes risques à toute sa famille.
    Il apprend que certaines personnes se sont déjà distinguées par leur zèle à informer les Allemands ; les informations circulent vite dans les petits villages comme le sien, la collaboration est déjà bien efficace.

    Il décide donc qu'il doit retourner en Dordogne avec femme, enfants, bagages......et plus (nous le verrons plus tard) car il y dispose d'un point d'accueil et surtout parce qu'il pense que les risques sont moindres en zone libre. L'avenir lui prouvera le contraire.

    Fin 1941, il rejoint à pied à Périgueux accompagné du fils d'un tenancier de bar de la localité et d'un neveu Robert G. âgé de19 ans (dénoncé à tort par le maire de la commune aux Autorités allemandes pour avoir refusé de passer son conseil de Révision).
    Ayant déjà franchi la ligne de démarcation, la refranchir à nouveau grâce à un passeur fût une formalité pour le chasseur qu'il était. 140 km à pied, par mauvaises routes, chemins et bois....ce n'est pas rien!!Léonce "connaissait déjà la musique", comme ancien marcheur sportif et évadé, ses camarades....non!!

    Un temps hébergés par le tenancier du bar, ils trouveront au bureau de placement de la main-d'oeuvre un emploi dans une entreprise de bâtiment de la ville.

     

    Ne supportant pas les frictions avec les autres ouvriers (les nerfs étaient à vif sans doute à cause de la présence d'ouvriers de plusieurs nationalités et le fait que Léonce n'était du genre à se laisse marcher sur les pieds, aidé par sa haute stature de tailleur de pierre), ils trouvent grâce au bureau de placement deux emplois au Château de Mme B. à Château l'Evêque.

    La propriétaire, une veuve autoritaire mais pas "méchante femme" selon nos deux lascars était emblématique d'une certaine catégorie de français de l'époque.

     

    En effet, elle fréquentait et recevait dans ses salons des notabilités locales pétainistes à qui on réservait le pain blanc et le bon vin mais, dans le même temps, fermait les yeux sur les petits délits et autres libertés que s'accordait son personnel, au point de refuser de livrer à la gendarmerie française un ouvrier soupçonné de braconnage.

     

     

    Léonce hiver 1941-1942 à Château-l'EvèqueLéonce était employé aux travaux agricoles et faisait office de cocher pour emmener Mme B. en calèche à Périgueux rendre visite à son fils.
    Cette calèche allait lui être d'une grande utilité!!!!!!!!!
    Quant à son neveu Robert G., il était chargé de l'entretien du château et avait donc facilement accès à l'intérieur de celui-ci et à ses endroits stratégiques ; ce qui permettait à nos deux lascars et surtout à Léonce de s'alimenter plus "confortablement" que Mme ne le voulait.


    La situation paraissant suffisamment sécurisée, il fit venir sa femme Madeleine qui fit le trajet à pied depuis Consac et dût franchir la ligne de démarcation seule pour arriver à Château l'Evêque où elle assurera le service de Mme, le ménage, la cuisine et diverses autres tâches.
    Madeleine dût donc faire 150 km à pied dans les mêmes conditions que son baroudeur de mari quelques mois plus tôt. Chapeau Grand-mère!!

    Le couple était reconstitué, mais après combien de kilomètres parcourus à pied et d'insécurité. Certes, leurs deux filles n'étaient pas avec eux mais étaient en sécurité là-bas, dans la famille, en zone occupée.
    Ils iront les chercher plus tard à vélo.


    Léonce, espiègle, débrouillard cherchera toujours à améliorer l'ordinaire imposé par la Chatelaine en mettant en pratique ce qu'il avait appris dans sa jeunesse en Saintonge.
    Sa grosse carcasse, mise à dure épreuve par sa captivité puis sa longue évasion à pied se reconstituait ; il lui fallait donc l'alimenter! Tous les moyens étaient bons !!!!!

    Quand il partait labourer les champs de la patronne avec une paire de vaches liées par un joug (les boeufs se faisaient rares à cette époque), il n'oubliait pas de pose des "grippets" pour attraper des grives, merles et autres petits volatiles qu'il faisait fricasser lui-même avec des oignons. Un jour, la chatelaine, "par l'odeur alléchée" découvrit le pôt aux roses et poussa une grosse colère au seul motif......que ce n'était pas bien de tuer ces pauvres petits oiseaux! Ouf!
    Quand il ne les mangeait pas, il allait les vendre à Périgueux, avec moultes lapins attrapés au collet (toujours à l'insu de la chatelaine bien sûr) afin d'acheter du tabac, quelques victuailles et du vin qu'il ramenait dans la calèche, lors des sorties de Mme. Ah, cette sacrée calèche!!!

    Léonce avait le sens du culot assez développé (version opportunisme).
    Un jour, il découvre une certaine quantité d'oeufs dérobés par un autre ouvrier du château, cachés dans une barique vide.
    Il s'empresse d'aller les vendre à Périgueux et achète du vin qu'il ramène au Château pour sa consommation personnelle.
    Sa patronne, croyant qu'il apportait ce vin pour les besoins du château, se proposa de le rembourser des frais engagés.
    Ce qu'il s'empressa d'accepter!!!

    Léonce, en trouvant cet emploi en zone libre, avait donc réussi à récupérer sa forme physique mise à mal par sa captivité et son évasion, retrouver sa femme Madeleine (la marcheuse courageuse elle aussi) et envisageait déjà de faire venir ses deux premières filles de sa Saintonge natale.

    Mais il s'accommodait de plus en plus mal de cette situation "burlesque" d'évadé accompagné de sa femme, employés tous les deux par une chatelaine plus ou moins pétainiste, ou pour le moins conciliante avec les autorités.
    De plus, son esprit rebelle et indépendant provoquera de vives tensions avec un autre ouvrier plutôt docile et porté sur le renseignement, voire des frictions musclées avec la gendarmerie locale à qui il promettait "d'écrabouiller le képi" avec une buche de bois.
    Il sentait que la situation devenait malsaine et qu'il avait envie maintenant de passer d'une position attentiste à une position plus active. Le rebelle allait s'engager plus avant.

    Grâce au bureau de recrutement de Périgueux, il trouve un emploi d'ouvrier forestier à Montagnac la Crempse.
    Il quitte donc le château en Mai 1942 avec sa femme Madeleine pour s'installer dans une petite maisonnette à La Taillerie à Montagnac.

    Ginette revient à La Taillerie 40 ans plus tard

    L'installation du "couple en cavale" dans son nouveau foyer se fera facilement
    grâce à l'hospitalité sans faille d'habitants de Montagnac auprès desquels
    il trouvera toujours aide et réconfort jusqu'à la fin des hostilités.

    Des liens d'amitè et de solidarité très forts vont se nouer rapidement
    entre Léonce, Madeleine et certains habitants de Montagnac.

     

    Léonce et Madeleine décident alors qu'il est grand temps de reconstituer le groupe familial.

    Armés de leur courage et de leur espoir, difficiles à imager aujourd'hui, ils retournent à vélo par deux fois à Consac récupérer différents objets indispensables à leur vie quotidienne.
    Léonce, aidé par sa force athlétique hors normes, n'hésite pas à accrocher à son vélo une énorme "carriole" grâce à laquelle il ramènera en Dordogne un chargement très.....hétéroclite (nourriture, vêtements, vin, eau-de-vie.....6 oies vivantes pour les oeufs et la chair et diverses autres choses utiles).



    Il faut dire qu'il bénéficiait d'un vélo à la hauteur de ses capacités physiques !
    En effet, son neveu Robert G. ,mécanicien avant la guerre,
    lui avait installé un superbe dérailleur (objet rare à l'époque).

    ALors, il pouvait appuyer ser les pédales, le Léonce !

     

    Ils ne comptaient pas les kilomètres, les forçats de la route, car il fallait faire vite et profiter de la belle saison.
    Ces différents allers-retours avaient permis à Léonce de prendre de nombreux repères sur le trajet ainsi que les contacts nécessaires pour passer en relative sécurité la ligne de démarcation.

    Jugeant qu'il possédait suffisamment d'informations fiables, il envoie Madeleine chercher ses deux filles Ginette (10 ans) et Lucette (6 ans). Madeleine ramènera ses deux filles, bien jeunes,.... à bicyclette malgré les risques d'une telle expédition.


    Ginette revoit certaines images inscrites à jamais dans sa mémoire :
    " Je me souviens que Maman disait qu'il fallait se rendre chez Mr ..., lui donner de l'argent, attendre chez lui qu'il vienne nous chercher le soir. Il était venu pour nous accompagner un bout de chemin dans les bois. Arrivées "sur place", Maman m' avait dit : Tu vois, il faut prendre ce chemin, bien regarder et si il n'y a pas de boches...aller se cacher là-bas avec nos vélos. Là-bas, c'est le zone libre...après on sera plus tranquilles.
    Madeleine, la courageuse, ramenait ses filles non seulement en risquant de se faire arrêter par les Allemands mais également en mettant en péril sa santé car....elle portait en elle son troisième enfant.
    En effet, quelques mois plus tard, elle donne la vie à sa troisième fille Simone le 18 Octobre 1942 à Montagnac.

    Léonce ne sera pas de ce voyage car depuis quelques semaines, sa vie a changé.
    Les relations d'amitié er de confiance qui se sont nouées avec les personnes qui avait accueilli la famille à Montagnac ont permis à Léonce de réaliser son souhait d'en découdre enfin avec les "Boches".

    Il intégre un groupe de résistants locaux commandés par Albert Rigoulet, dit "le Frisé".

     

    La famille est enfin regroupée, Léonce est officiellement ouvrier forestier et s'est fait accepté par les Résistants.
    Il était temps car quelques semaines plus tard se produit un évènement qui va changer le cours de la guerre.

     

    La Dordogne comme tout le reste de la France qui bénéficiait du statut de "zone-libre" va voir sa situation basculer brutalement le 11 novembre 1942.

    Ce jour-là, à 6H 30 du matin, les troupes allemandes franchissent la ligne de Démarcation et enhahissent très rapidement le sud de la France : c'est l'opération " ATTILA".

    Hitler venait de donner l'ordre à ses troupes de réagir à l'invasion du Maroc et de l'Algérie par les troupes alliées 3 jours plus tôt. Craignant un débarquement allié par le sud, il décida d'occuper le terrain et franchit sans la moindre difficulté celle ligne car les autorités françaises demandèrent aux troupes de l'armée française d'armistice de n'opposer aucune résistance.

    Cette invasion vient confirmer Léonce dans son désir d'en découdre.

    Son engagement devenait évident : toute la France est maintenant envahie.
    Léonce apprendra plus tard que le 22 juin dernier Laval avait prononcé un discours dans lequel il souhaitait clairement la victoire allemande parce que, sans elle, "le bolchévisme s'intallerait partout", et encore plus tôt le 07 juin le port de l'étoile jaune avait été institué pour les Juifs.

    S'en était fini de la Révolution Nationale prônée par Pétain.
    La position des Autorités Françaises se dévoilait enfin !

     

    Les unités allemandes occupent en quelques heures tous les points stratégiques du département : dépôts d'essence et de munitions, centraux téléphoniques, installent leur Etat-majour à Périgueux et une antenne à Bergerac, la Gestapo envoie ses premiers agents quelques jours après à Périgeurx pour établir le contact avec Paul Lapuyade (responsable du P.P.F. et recruteur de la Légion Tricolore) qui va devenir le premier agent de renseignements de la région pour les Allemands.

     

     

    Cette invasion allemande va sonner le glas d'une période relativement défensive pour une position tournée vers l'action pour la Résistance.
    Léonce entre donc en résistance pendant cette période de changement stratégique des forces en présence.

     

    La Résistance armée

     

    Léonce va rapidement découvrir les réalités quotidiennes du résistant faites d'instabilité, de peur, de mobilité à tous moments, de rage dans le coeur, de sueur, de larmes.
     

     

    Il fera alors partie de ces nombreux maquisards dits "légaux", appelation qui parlait des gens qui faisaient de la résistance sans avoir abandonné leur activité habituelle et les habitudes normales de vie.

    Il vivra comme tous les autres "légaux"dans une légalité plus que fragile car, bien qu'officiellement ouvrier forestier vivant avec sa petite famille au vu et au su de la population, la présence de cet "inconnu" sur la commune et surtout ses absences répétées et plus ou moins longues intrigueront certaines "âmes".

     

    L'insécurité qu'il faisait ainsi vivre à ses proches était parfois tout aussi dangereuse que celle que connaissaient les "maquisards" qui avaient fait le choix de rompre avec la vie normalepour aller vivre en autarcie dans le maquis, dans la clandestinité, au hasard des évènements et de l'hospitalité de la population.

     

    =-=-=-=-=

    Ainsi, sa fille Ginette qui allait à l'école communale de Montagnac devait-elle subir les réflexions répétées de l'instituteur qui ne cachait pas son penchant pro-allemand.
    - "Ginette ! qui est ton père? D'où venez-vous ? Je suis sûr qu'il est communiste, qu'il est maquisard ! -

     

    Ginette, du haut de ses 10 ans, bien qu'effrayée par le ton autoriraire de l'instituteur ne répondit jamais (les consignes de Léonce étaient très claires à ce sujet:

     

    "Je travaille dans les bois pour gagner ma vie, c'est tout ce que tu sais").

     


    Se méfiant des réactions de cet inconnu qui en imposait physiquement,
    il n'allait pas plus loin dans l'interrogatoire (courageux mais pas téméraire!).
    Il se contentait d'isoler Ginette au fonds de la classe
    et de l'oublier...jusqu' à la prochaine série de questions sur son père.


    l'école de Montagnac

    Aujourd'hui, 62 ans plus tard, Ginette se souvient toujours de la peur qui l'habitait
    quand elle partait pour l'école.

    =-=-=-=-=

     


    Le groupe qui l'accueille est commandé par un résistant de la première heure: Albert Rigoulet, décrit comme un grand gaillard athlétique, aux cheveux noirs frisés qui lui donnérent son nom de guerre "Le Frisé".
    Il possédait une ferme à St Jean d'Eyraud, petite commune proche de Montagnac.

    Il s'était déjà illustré en octobre 1941 en organisant dans la nuit du 10 au 11 sur sa commune, au lieu-dit Lagudal (une immense clairière cernée par la forêt), un parachutage d'hommes avec Pierre Bloch, député de l'Aisne qui avait des attaches dans la région, et le maire de Villamblard le Docteur Dupuy.

     

    Ces hommes, quatre officiers anglais du S.O.E. (Special Operations Executive), étaient chargés d'organiser et former les réseaux de résistance et apportaient des fonds.

     

    Il s'illustra à nouveau (avec l'aide notamment de Georges Gégué et Lazare Rachline dit Lucien Rachet) dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942 en faisant évader du camp de Mauzac (près de Lalinde) l' officier anglais qui avait été fait prisonnier par la gendarmerie de Villamblard ainsi que les trois autres arrêtés en compagnie de Pierre Bloch à Marseille par la Police de Vichy.

     

     

    Il ne saura que très peu de choses de tout ceci, car l'organisation de la Résistance et la circulation des informations étaient très cloisonnées.

     

    Il comprendra que le terme "maquis" représente un mouvement très improvisé, à l'initiative d' hommes de bonne volonté, inorganisé pendant de nombreux mois du fait des changements répétés de responsables locaux des différents mouvements de résistance.
    Il constate que la Politique divise le mouvement de la Résistance.

    Que saura-t'il de l'organisation de la Résistance en Dordogne en trois grandes zones en septembre 1942 ? Sans doute rien !

     


    Il est fort probable qu'il ne savait pas que son groupe commandé par "Le Frisé" était, comme trois autres groupes, sous l'autorité d'un certain Lucien Marcou, dit "Regain".

     

    L'activité allemande de répression va s'amplifier rapidement, grâce notamment à l'efficacité de l'Office de Recherches et d'Information (O.R.I.) chargé de collaborer avec les services de la police allemande.

    Une filière d'acheminement de résistants vers l'Espagne est demantelée à Périgueux.


    De nombreux résistants sont arrêtés: le professeur Bonneaud (responsable régional "Franc-Tireur", Charles Hinstin (responsable régional de l' A.S.), Armand Dutreix (responsable régional de Libération), Raymond Berggren dit Bordeaux 48 (chef du mouvement La France Combattante et responsable A.S. de la Dordogne) ainsi que des résistants plus anonymes servant de "boîtes aux lettres" pour leurs réseaux.
    La plupart de ces personnes seront déportées et n'en reviendront pas.
    Cette première vague de rafles est un coup très dur porté à la Résistance (les historiens parlent d'une centaine d'arrestations).

    La Milice, quant à elle, déborde d'activité en ce début d'année 1943.


    A périgueux, elle compte dans ses rangs 400 membres qui assurent le maintien de l'ordre lors des conférences de propagande, procèdent à des arrestations comme à Périgueux le 10 mai.

     

    Malgré les évènements qui devenaient de plus en plus violents la vie continuait.
    Ainsi Ginette fit sa Première Communion à Montagnac au printemps 1943

     

     

    Ginette se souvient que ce jour-là "Papa n'était pas là" et qu'il n'y avait pas eu de repas de fête.

     

    Mais le pire viendra avec l'arrivée de l' Untersturmführer Michel Hambrecht à la direction du Sicherheitspolizei (la Gestapo) de Périgueux.
    Assisté de deux adjoints allemands, aussi barbares que lui, et du fameux Paul Lapuyade qui poussera le zéle dans la collaboration jusqu'à participer à des arrestations et des expéditions punitives, il va faire régner rapidement la terreur.
    Le 7 juillet 1943, il fait arrêter le maire de St Astier qui sera déporté en Allemagne.
    Le 14 juillet suivant, quatre habitants de la même ville sont arrêtés, deux d'entre eux seront également déportés.

    Pendant ce temps-là, les principaux mouvements de résistance " Combat" "Franc-Tireur" et "Libération" qui avaient décidé de fondre leur organisation fin 1942 sous l'appellation "Armée Secrète" A.S. continuent leur réorganisation en trois grands secteurs pour le département : Nord, Centre et Sud.

    Chaque secteur, strictement défini, est divisé en sous-secteurs précis.
    Le secteur Sud, où se trouve Léonce, qui est placé sous l'autorité de Bergeret, est divisé en treize sous-secteurs; celui de Lamonzie-Montastruc est placé sous la responsabilité de Lucien Marcou dit "Regain".

    Les "Francs Tireurs et Partisans" se dotent également d'une véritable organisation sous l'autorité d' un état-major régional qui contactera les groupes isolés pour les fédérer.

     

    Léonce s'engage donc dans le mouvement de la Résistance de Dordogne
    à une époque où son organisation devient très structurée.

     

    Bergeret organise avec ses chefs de secteurs les opérations de parachutages d'armes qui vont s'intensifier dans le secteur Sud grâce au réseau S.O.E. "Wheelwright" dirigé par Georges Réginald Starr alias "Hilaire".

    Le premier de ces parachutages d'armes aura lieu à Prigonrieux le 12 août 1943, dans le secteur de Pinson responsable du sous-secteur de La Force (7 containeurs d'armes seront récupérès).
    Les maquis continuent de se renforcer en hommes, les réfractaires au S.T.O. institué en 1942 trouvant dans les "maquis" la solution la plus efficace pour se soustraire aux autorités allemandes et à la Milice.
    Les parachutages se multiplient, les différents maquis locaux récupérent les précieuses armes venues d'Angleterre.

    En ce début d'année 1943, la situation est relativement calme.
    Les actions des maquisards sont peu nombreuses; l'heure est à la constitution des stocks d'armes.
    Les troupes allemandes ne mènent pas d'action d'envergure dans la région mais continuent cependant des opérations ponctuelles comme des arrestations à La Coquille avec "torture au menu" avant déportation.

     

    Mais la Dordogne va rapidement entrer en véritable état de Guerre.

    La Résistance entre véritablement en action en Septembre 1943.

     

    Les premiers sabotages de lignes téléphoniques ont lieu (poteaux sciès, fils coupés), des vols d'essence, de poudre d'explosifs, d'armes et de de munitions (notamment à Bergerac par les groupes Roland et Mireille) viennet compléter les "actes de terrorisme" des maquisards.

    Et pour la première fois, le 9 octobre 1943, un groupe de résistants ose s'attaquer directement à l'occupant en faisant exploser deux bombes
    au siège de la Police et de l'Etat-Major allemand à Périgueux.
    Les dégâts sont considérables...la réaction est immédiate !

    S'en suit une vaque d'arrestations à Périgueux, la plupart des personnes arrêtées seront déportées.
    S'en suit également la"descente" d'une grosse colonne motorisée allemande "au camp de réfractaires" de Cendrieux.
    Au hameau de "Lagerthe", ils découvrent, outre des armes, l'organigramme des responsables départementaux de l' A.S. (ils ont des noms, des indications de caches d'armes...).

    Les actes s'enchainent !

    Roger Verdier, responsable local de la propagande allemande, est "éliminé" par trois résistants de l' A.S. à l'hôpital de Sainte-Foy-la-Grande.

    Les allemands quant à eux, procédent à de nombreuses arrestations et notamment à celles de responsables de l'A.S.

     

    La fin de cette année1943 voit la création des F.F.I.

     

    Un accord signé à l'échelon national le 23 décembre 1943 entre les responsables de l' Armée Secrère A.S. et les Francs Tireurs et Partisants (F.T.P.) prévoit la fusion des deux états-majors en une seule organisation appelée les Forces Françaises de l'Intérieur F.F.I.

    Mais cet accord restera à l'état de "chimère" en Dordogne jusqu'en aôut 1944 !
    Chacun des deux mouvements mènera ses actions sans concertation avec l'autre, tant le "contexte politique" de leur engagement était ou semblait (à chacun de juger) différent.

    Début Janvier 1944, la répression allemande continue de plus belle.
    Le 16 janvier, les allemands arrêtent à Mussidan plus de trois cents personnes soupçonnées d'aider le maquis. Une cinquantaine d'entre elles sera transférée à P&rigueux puis déportée.

    Janvier1944 marque aussi le début des sabotages des voies ferrées en Dordogne et du matériel roulant comme la destruction le 11 février de la locomotive du train Brive-Agen près des Eysies.

    En février de cette année ont également lieu les plus importants parachutages dans la région, notamment à Tourliac, à St Pierre d'Eyraud. Il fallait faire très vite pour récupérer et mettre à l'abri les armes qui tombaient du ciel, protégées dans des tubes métalliques de 200 kgs.

    Léonce ne disait jamais rien de ses activités quand il revenait.
    Ginette voyait bien avec ses yeux d'enfant qui grandit trop vite que "maman était toujours inquiète" et que "quand il rentrait, Papa ne disait rien". Il était quelqu'un d'autre, très nerveux, à la fois irritable et très abattu.

     

    En ce début d'année 1944, les évènements prennent donc de l' ampleur.
    Les actions violentes contre l'occupant sont de plus en plus nombreuses, la chasse aux collaborateurs s'organise (ainsi 24 collabos sont éliminés en février).
    Jugeant la situation exposive, Berlin décide de renforcer ses troupes en faisant venir de Paris la Division SS motorisée du général Brehmer.

    Dès son arrivée fin mars ,Les Allemands organisent des opérations de répression et de rafles à grande échelle dans toute le Périgord.
    La population civile n'est pas épargnée et paie souvent pour les "terroristes" qui échappent aux opérations allemandes.

    La Division Brehmer restera en Dordogne du 16 mars au 2 avril 1944 et y sèmera partout la terreur et la désolation en agissant de façon très méthodique, en appliquant un plan défini à l'avance.
    Chaque jour, une région différente est choisie. Depuis un P.C. installé dans un bourg principal partaient dans toutes les directions des patrouilles qui quadrillaient de façon méthodique les hameaux de la campagne.
    Partout, ce ne sera que pillages, arrestations et éxécutions sommaires, maisons et fermes incendiées, déportation pour certians résistants et les juifs.

    La liste des villages ainsi martyrisés est immense mais citons au moins le village de La Bachellerie encerclé le 30 mars 1944.
    Après avoir arrêté deux familles juives qui tentaient de fuir, ils incendient plusieurs maisons et regroupent les personnes arrêtées sous le préau de l'école.
    Après avoir trié les femmes et les juifs d'un côté et les hommes de l'autre ils fusillent 17 personnes dont 10 juifs et emmènent en camion femmes et juifs à Périgueux. Les juifs seront déportés.

    Les actions violentes de résistance reprennent un peu partout pour atteindre une ampleur jamais atteinte.
    La Résistance exerce une pression de plus en plus forte sur les troupes allemandes; les régions de Sarlat et de Bergerac (où se trouve Léonce) sont jugées très "mauvaises" par le chef de la Police allemande de Périgueux.

     

    Des opérations de représailles sont organisées dans le Bergeracois.


    Des collaborateurs notoires sont un peu partout exécutés; la Poudrerie de Bergerac est bombardée par un avion allié, les Allemands perdent la maitrise des moyens de communication, la Milice pourchasse les résistants et se livre, un peu partout, aux mêmes exactions que le Allemands.

     

     

    La Dordogne connait alors une véritable situation insurrectionnelle.


    Les différents réseaux de Résistance sont dans l'attente des "Messages Personnels" que la B.B.C. diffusera le 1er Juin 1944.


    Ces messages, destinés à mettre tous les réseaux en alerte, signifiaient à tous les combattants de l'ombre que tout le monde devait se tenir prêt à passer à l'action.

     

    Le 5 juin 1944 à partir de 21 h 15
    la B.B.C. diffuse enfin les messages libérateurs.

    Les rouages secrets de la Résistance
    allaient se mettre en marche pour libérer le territoire français.

     

    Le 6 Juin , peu après minuit, débutait l'opération "Overlord"
    C'était le début du Débarquement allié en Normandie.

     

    Dans le Bergeracois on assiste au rassemblement général des résistants
    De nombreuses personnes, jusqu'ici attentistes, franchissent le pas...et viennent s'enrôler.
    On distribue les armes, on organise les groupes.

    Conformément aux plans élaborés par les Alliés, de nombreux sabotages de voies de communication et de lignes téléphoniques sont réalisés.
    De solides barrages, édifiés sur les routes, sont défendus par des groupes souvent fortement armés; les routes sont rendues inutilisables par des tranchées anti-chars et par des arbres abattus, les voies ferrées sont coupées.

    Dès le lendemain de grandes localités sont prises comme Nontron, Sarlat, Bergerac.
    Partout les positions allemandes sont soient assaillies, soit encerclées mais les représailles sont souvent terribles.

     

    Ainsi le 11 juin, les maquisards F.T.P. "Roland' et "Kléber"prennent Mussidan, détruisent un train allemand mais doivent se replier suite à l'arrivée de renforts allemands.
    Les représailles sur la population seront terribles : en fin d'après-midi 52 personnes seront fusillées près de la mairie, la ville sera mise à sac et pillée.

    Alors que la division "Das Reich" a quitté la région pour rejoindre le front de Normandie, les responsables allemands decédent depuis Périgueux de passer à l'action contre la Résistance en envoyant, ,notamment, des renforts à la garnison de Bergerac.

     

    Le 12 juin une première colonne tente de rejoindre Bergerac mais connut plusieurs accrochages avec des groupes de résistants ( comme le groupe Marianne à Fauchièras qui y tenait un barrage sur la R.N. 21)) et dut se replier en se vengeant sur les civils qui se trouvaient sur son chemin.
    Le même jour, les troupes allemandes se lancèrent dans une opération dans communes au nord de Périgueux où elles se livrèrent à de véritables massacres : arrestations puis exécutions, pillonage de villages aux obus, incendies de maisons.

     

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    Ils fusillent les hommes mais également des femmes et des enfants comme la famille Frydmann (le père, la mère et ses deux enfants) qui après avoir été abattus finiront carbonisés dans l'encendie de leur maison.

    Le 14 juin les Allemands tentent une nouvelle fois de se rendre maitres de l'axe Périgueux-Bergerac.
    Les hommes du groupe Marianne (A.S. Dordogne Nord) les attaquent à Grun.
    Bergeret, responsable du secteur sud, décide de s'attaquer à ce convoi .
    La responsabilité de cette opération est confiée au Commandant Paquette qui mobilise toutes les forces locales disponibles : les groupes "Le Frisé" "Boby" "Benjamin" "Dépé" sous les ordres de Lucien Marcou dit Regain, ainsi que les groupes "François 1er" et "Joseph".

     

    Le groupe Boby

     


    L'imposant groupe ainsi constitué (environ 300 hommes) montera une embuscade au nord de La Ribeyrie.

     


    L'accrochage eut lieu en fin de soirée et infigea de lourdes pertes aux Allemands (les archives du S.H.A.T à Vincennes parlent de 40 soldats allemands tués).

    Ce même jour, la garnison de Bergerac est renforcée avec l'arrivée de la Formation Kopp (division de Panzer).

    Dans les jours qui suivent, de nombreux accrochages ont lieu dans tout le Bergeracois; les victimes sont nombreuses.
    Les allemands s'attaquent à tout ce qui bouge, résistants ou civils car ils se livraient à une véritable chasse aux terroristes.



    Ainsi, Ginette se souvient-elle très bien de ce jour où Léonce est arrivé en courant en en hurlant au village :


    "Sauvez-vous vite, vite ! Le Boches arrivent ! Ils tirent sur tout le monde! Allez vous cacher dans les bois!"
    Elle se revoit, courant vers les bois avec les autres personnes du village. "On avait juste eu le temps de mettre quelques affaires dans des valises. Les boches nous tiraient dessus à la mitrailleuse depuis le village ."

     

    Le 21 juin, les Allemands se vengent sur le village de Mouleydier pourtant défendu par les groupes "Alexis" "Cerisier" "Marsoin" "Loiseau" "Bertrand" "Leduc" "Pistolet".
    Les Allemands donnent l'assaut dès 5h 30 du matin avec des moyens important en hommes, en chars et chenillettes.

     


    De nombreux résistants sont tués, blessés et achevés, certains arrivent à s'enfuir,

    d'autres se rendent.
    Une grande partie de la population est "parquée" devant une scierie où plusieurs résistants furent fusillés.

     


    Le village fut pillé (les camions chargés de linge, de postes T.S.F., de ravitaillement....partaient du village en direction de Bergerac pour en revenir à vide) et incendié.
    Les derniers prisonniers furent fusillés à 22 heures (tous résistants de la région).

     

     

    En juillet de nombreux combats ont lieu dans le Bergeracois., les arrestations continuent.

    Plusieurs résistants sont arrêtés à Prigonrieux et seront déportés.

     

    La répression allemande repart de plus belle car l' occupant sent bien que les évènements lui échappe de plus en plus.
    De nombreux villages sont "visités" par les boches, les habitants sont interrogés, molestés, fusillés sommairement.

     


    Les groupes de résistants sont aussi poursuivis; ainsi le groupe "Marcel" (A.S. Dordogne Centre) est attaqué à son cantonnement et est obligé de se replier en secteur sud dans les bois de St Julien-de-Crempse.

     

     

    Le 5 aôut un détachement de 85 soldats allemands arrive à St Jean d'Eyraud (proche de Montagnac) et met le feu aux bâtiments de Albert Rigoulet dit "Le Frisé" (le chef de groupe de Léonce) et d'un autre camarade combat Georges Hivert qui sera, de plus arrêté et fusillé à Mussidan quelques jours plus tard.

    La région de Montagnac, où Léonce et sa famille vivaient, se retrouvait encore un peu plus au centre d'un secteur qui allait connaitres de durs combats. Ces combats devaient être parmi les derniers en Dordogne.
    En effet, depuis plusieurs semaines, les résistants occupent pratiquement tout le département, hormis les grosses villes comme Périgueux et Bergerac.

    Alors que les Allemands ont disparu dans toute la partie nord de la Dordogne et que les jeunes résistants sont de plus en plus imprudents en défilant en voiture, drapeau français au vent en exhibant leurs armes...les hostilités repartent de plus belle au sud.
    St Julien-de-Crempse, commune limitrophe de Montagnac, était l'endoit où Regain avait établi son P.C et dirigeait les différents groupes sous ses ordres.

    Le 9 aôut 1944 , après avoir capturé un agent de liaison du groupe "Joseph" et sans doute l'avoir "fait parlé", plusieurs centaines de soldats allemands encerclent le P.C. de "Joseph" et "Regain" soit environ 80 combattants. Les autres groupes de résistants (notamment ceux de Villamblard et Campségret) arrivent à la rescousse pour dégager leurs camarades en infligeant de lourdes pertes aux Allemands (120 tués selon Bergeret). Selon le témoignage de Robert C...(camarade de maquis) Léonce faisait partie de ces derniers.
    Pour tout commentaire, Léonce dira en rentrant à la maison quelques jours plus tard: "Putain, c'était pas beau à voir, ça sentait pas bon (il parlair des corps des soldats allemands abandonnés sur place).

    En représailles les allemands fusilleront tous les hommes raflés dans le bourg de St Julien, soit 17 personnes de 17 à 80 ans.

     

    Puis arrive la journée capitale du 15 aôut 1944 !

    Les troupes alliées débarquent en Provence.

     

     

    http://jcombas.free.fr/leoncepicqhommelibre/ladordogneetla%20resistance.htm

     

     

     

     

     

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