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     Le déroulement de la tonte ... 

     

     

    A la libération, il va exister trois sortes de collaboration à sanctionner :

    • Politique : lorsque les nanas (ou des hommes) filent des infos politico-militaro-stratégiques, ou liées à la résistance.

    • Financière : lorsque les femmes ont accepté de travailler pour les occupants (les lingères, cuisinières…)

    • Personnelle ou Horizontale : lorsqu’il se crée de vrais liens avec les ennemis.

      La première des sanctions est la tonte. A peine les Allemands ont-il quitté le village que les premiers règlements de compte se mettent en place.

     
     

     



     

    Très variable, également, le déroulement même de la cérémonie, où se donne libre cours une troublante imagination populaire: à demi dévêtue, parfois nue, le front, les joues (les seins) couverts de croix gammées peintes au goudron, une pancarte autour du cou, hissée sur une estrade où elle subit une parodie de jugement, plongée dans une fontaine, affligée d'un bonnet d'âne ou d'un collier de chien, exposée, photographiée, astreinte à une « conduite de Grenoble » en tous les points stratégiques de la localité, parfois battue, voire lynchée, toujours cruellement moquée, la tondue fait l'objet d'un rite de dégradation, de ridiculisation aux variantes infinies   
        L'épuration la tonte des femmes



    Plus les recherches avancent plus les bouches s'ouvrent, plus les crampes mémorielles se dénouent, avec le temps, et mieux nous savons l'ampleur du phénomène des tontes à la Libération: des milliers de femmes, des dizaines de milliers peut-être, sont passées à la coupe zéro, au coin des rues des grandes villes comme sur les places des bourgades, dans les régions qui avaient fortement souffert de l'occupation allemande comme dans celles qui avaient été relativement épargnées,là où le maquis délogea la Wehrmacht au prix de durs combats comme là où la Libération intervint sans combats, des confins pyrénéens à ces marches de l'Est que l'on a longtemps cru, à tort, préservées, de par leur spécificité culturelle. 

    Le déroulement de la tonte ... 


    Très variable, également, le déroulement même de la cérémonie, où se donne libre cours une troublante imagination populaire: à demi dévêtue, parfois nue, le front, les joues (les seins) couverts de croix gammées peintes au goudron, une pancarte autour du cou, hissée sur une estrade où elle subit une parodie de jugement, plongée dans une fontaine, affligée d'un bonnet d'âne ou d'un collier de chien, exposée, photographiée, astreinte à une « conduite de Grenoble » en tous les points stratégiques de la localité, parfois battue, voire lynchée, toujours cruellement moquée, la tondue fait l'objet d'un rite de dégradation, de ridiculisation aux variantes infinies.


    Partout, les tontes se présentent comme une fête sauvage, une cérémonie, un carnaval ou un charivari destinés à canaliser et purger les passions populaires, à conjurer le spectre de la guerre civile franco-française et à hâter le rétablissement de l’ordre légitime.  
    51 CPA COMPERTRIX PRES CHALONS SUR MARNE CARTE PHOTO GUERRE 39/45 LIBERATION DEFILE FEMME NUE TONDUE RARE ROGIER ARTHUR

    Afficher l'image d'origine Aussi trouve-t-on dans la plupart des cas des éléments de scénographie qui les situent au carrefour des fêtes populaires et des grandes scènes de persécution d’antan : cortèges bruyants traversant ville ou village, travestissement de la tondue dont le front s’orne de croix gammées, inscriptions vengeresses inscrites au goudron ou à la peinture sur différentes parties du corps des pécheresses  ( a fait fusiller son mari, a couché avec les Boches, collabo…),  exécution de la sentence sur une estrade située devant un bâtiment public. Mélange inextricable de rires et de violence. 


    La tondue ... 


    Nous pouvons comprendre, bien sûr, la mécanique selon laquelle la tondue est élue dans le rôle du bouc émissaire: elle est, le plus souvent, une femme sans pouvoir ni prestige (une bonniche, pas une Arletty), désocialisée (une réfugiée, fréquemment), une humble, une sans voix, n'entendant rien à ces histoires-là (la politique) et ayant, comme la plupart, tâché de survivre durant les quatre années de privations.

    L'inépuisable diversité des tontes ...


    Les tontes se caractérisent à la fois par leur inépuisable diversité et par une homogénéité fondamentale.  On tond en effet des femmes de différentes conditions (des hommes, parfois, plus rarement) pour les raisons les plus disparates et dans les circonstances les plus diverses.  Ici, une jeune fille est simplement accusée d'avoir entretenu une peu patriotique liaison avec un militaire allemand, et là une femme mûre d'être une indicatrice de la Gestapo. 

    Ailleurs, on reproche à telle de s'être exhibée avec des notables de la collaboration ou des profiteurs du marché noir; en d'autres lieux, tout simplement, d'être épouse ou fille de milicien notoire, tenancière d'un café où l'on servait les occupants. De même, si la tonte est bien parfois, telle qu'on la décrit habituellement (et un peu facilement) le fait de la foule en délire, des résistants de la vingt-cinquième heure, voire l'heure des cons, il arrive aussi, plus troublant, qu'elle ne soit pas tout entière spontanéité et débordement   

     

    http://www.histoire-en-questions.fr/deuxieme%20guerre%20mondiale/Epuration%20tonte%20accueil.html

     

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    Enquête sur un tabou la collaboration «horizontale»

     

    “Tondues un jour, meurtries toujours” s’inscrit dans une démarche qui est la mienne depuis de nombreuses années.


    Si la Libération fut un moment de joie intense pour les français, elle fut également le théâtre de ce que l’on a appelé l’épuration sauvage.

     

    Les années 1940-1945, années érotiques ?   

    Patrick Buisson a osé.

     

     

     

    Et il a convaincu, l'an dernier, avec Vichy ou les infortunes de la vertu (Albin Michel).

      

    Le directeur général de la chaîne Histoire et conseiller écouté de Nicolas Sarkozy poursuit aujourd'hui sa lecture historico-libidinale de l'Occupation, avec De la Grande Prostituée à la revanche des mâles, second tome de son diptyque, dont L'Express publie des extraits en avant-première.

     

     

     

    Il y est surtout question de ce qu'il est convenu d'appeler la «collaboration horizontale».

      

    (j'ajoute - que certains Hommes nous parlent de leur PERE...

    qui sous l'occupation ont été pire que ces femmes ! )

     

     

     

    Celle de vedettes comme Arletty, bien sûr, mais aussi et surtout celle, plus anonyme, de toutes ces adolescentes ou femmes mûres des villages de France à l'heure allemande.

      

    Sans manichéisme, Patrick Buisson en dévoile l'ampleur et les ressorts cachés, ainsi que le sort, souvent tragique, qui sera réservé à ces «embochies» à la Libération.

     

    Elles se croyaient amoureuses, elles sont soudain «collabos».

     

    Donc tondues.

     

    " les salopes"

    diront certains hommes, et

    surtout les femmes !

     

    FEMME_TONDUE 

     

    Dans une langue charpentée et chatoyante, toujours portée par des exemples éloquents, l'auteur n'hésite jamais à pointer les paradoxes de cette époque trouble, fussent-ils

     

    «historiquement incorrects»

     

    ainsi, c'est Vichy qui a légalisé les maisons closes en France, mais c'est, selon lui, la Résistance qui aurait parachevé le «redressement moral», en stigmatisant publiquement les femmes fautives d'avoir couché avec les «Boches».

     

    Dérangeant mais passionnant. Jérôme Dupuis

     

     

    La «haute» tient salon


    Au sommet de la pyramide des vanités trône la Franco-Américaine Florence Gould, à qui échoit le rayonnement sinon la sagesse du sphinx.

      

    Epouse du milliardaire des chemins de fer Frank Jay Gould, qui pousse le tact et la bonne éducation jusqu'à ne jamais l'encombrer de sa présence, Florence possède au plus haut point l'art de composer une table - la sienne, somptueuse, fait fi des restrictions - et de réunir autour d'elle cette petite coterie qui se reconnaît, par-delà les frontières, dans une internationale du goût et de l'esprit, se coopte et pratique intellectuellement une stricte endogamie.

      

     

     

    Les «jeudis» de Florence, qui se tiennent d'abord à l'hôtel Bristol, puis dans son fastueux appartement du 129, avenue Malakoff, rassemblent la fine fleur parisienne des arts et lettres et de l'intelligentsia francophile d'outre-Rhin, représentée notamment par le capitaine Ernst Jünger, le lieutenant Gerhard Heller, maître censeur de la Propagandastaffel de Paris, et le journaliste Friedrich Sieburg. [...]

     

     

     

    A deux reprises au moins, pour ce qu'on en sait, Florence a mis bas les armes.

    Une première fois devant Ludwig Vogel, un major de l'armée de l'air, robuste gaillard de 30 ans, ingénieur de l'aviation et pilote hors pair. Pour plus de commodités, il s'installera dans un immeuble contigu à celui de sa maîtresse. [...]

      

    Le second béguin - par ordre chronologique - de l'insatiable Florence n'est autre que le capitaine Ernst Jünger, la coqueluche des salons parisiens.

     

    C'est Gerhard Heller qui, le 28 mars 1942, a introduit l'auteur d'Orages d'acier dans le sanctuaire du Bristol et l'a présenté à Florence.

     

     

      

    La milliardaire fantasque et le héros de la guerre de 1914-1918, qui porte, ce soir-là, son uniforme de capitaine, ont exactement le même âge. Le port aristocratique de Jünger, droit dans ses bottes sans être pour autant figé par la raideur prussienne, son regard plein d'intelligence et de curiosité, sa culture prodigieuse impressionnent vivement la dame des «jeudis».

     

     

    Mireille Balin, de Tino Rossi à un jeune officier du Reich


    Mireille Balin, vedette consacrée depuis cette année 1937, s'est imposée à l'écran dans trois grands succès populaires consécutifs: Naples au baiser de feu, Pépé le Moko et Gueule d'amour.

     

    Sage et fidèle fiancée de Tino Rossi, campant un chanteur napolitain dans le premier de ces trois films, elle incarnait à l'opposé, dans les deux autres, des figures mythiques de la garce au côté d'un Gabin que le cinéma faisait apparaître pour la première fois sous les traits d'un héros tragique, vaincu par le sort. [...]

      

    Il n'est pas indifférent que Mireille Balin ait été successivement, à la ville comme à l'écran, la maîtresse de Jean Gabin et de Tino Rossi, autrement dit des deux vedettes masculines les plus adulées du public de l'époque, incarnant jusqu'à la caricature les pôles les plus extrêmes de la séduction à la française. [...]

     

    A l'automne 1941, lors d'une réception à l'ambassade d'Allemagne, Mireille fait la rencontre d'un jeune officier viennois, Birl Desbok : une prestance qui en impose au premier coup d'oeil, une aisance qui désarme ses interlocuteurs, en rien nazi mais un amoureux inconditionnel de l'idée qu'il se fait de la grandeur allemande, musicien et raffiné comme il se doit. Il est en outre célibataire et riche.

    Au bout de quelques semaines, il est devenu impossible d'ignorer leur liaison.

     

     

    Elle l'exhibe comme un trophée sexuel, ( expression masculine )

     

     

    il l'escorte comme une icône érotique, un pas en arrière, toujours impeccablement sanglé dans son uniforme. ( expression de l'auteur )

     

    Pas une création théâtrale, pas une table prestigieuse où elle ne s'affiche en sa compagnie.

      

    En janvier 1942, au théâtre des Champs-Elysées, lors de la représentation de Jeanne avec nous, une pièce de Claude Vermorel, l'entrée du couple fait se retourner les spectateurs de l'orchestre.

      

    Les noceurs plus blasés n'ont pas la même curiosité lorsque l'actrice et son sigisbée font leur apparition, toujours vers la même heure, Chez Eve ou au Grand Jeu, Chez Shéhérazade ou au Tabarin.

      

    Au petit matin, ils rentrent dans le superbe appartement de l'avenue d'Iéna, avec vue sur la Seine, qu'elle a acheté après que celui qu'elle occupait, boulevard Suchet, eut été réquisitionné par les Allemands.

     

     

    Un mâle chasse l'autre


    Femme de ménage, bonne à tout faire, fille de salle, cuisinière, lingère, institutrice, infirmière, demoiselle des Postes, hôtelière, commerçante, vendeuse, femme de prisonnier, lycéenne exaltée, gamine perverse: elle a mille visages mais une seule figure.

     

    Elle est celle qui couche avec l'ennemi.

      

    Le langage populaire n'est guère plus clément, qui parle de «saucisses» pour désigner les compagnes d'Allemands.

      

    Autrement dit encore une fois: de la chair à plaisir, un simple objet de consommation sexuelle, rien d'autre. [...]

      

    Entre 500 000 et 1,2 million de soldats allemands stationnent en France selon les périodes.

     

    Le pic est atteint au début de l'année 1944 avec la concentration des troupes d'opération destinées à contenir un débarquement allié dont tout laisse présager l'imminence.

    A ses débuts, la collaboration horizontale est donc moins affaire d'alchimie que d'arithmétique.

     

    [...] L'histoire de Ginette S., 30 ans, qui tient boutique dans un petit village de la Manche, illustre bien le fil en aiguille de ces rapports qui, insensiblement, jour après jour, glissent d'un domaine à l'autre, mélangent progressivement les genres et finissent au bout du compte par faire tomber les tabous et les inhibitions:

      

    «On s'est rencontrés à la boutique, c'était en 1942.

      

    Y venait avec les autres m'acheter de la marchandise.

      

    Son cantonnement se trouvait de l'autre côté de la place, je l'voyais souvent. J'avais bien remarqué qu'y m'regardait gentiment. Un jour, y me demande des allumettes. J'en avais plus qu'une boîte.

     

    Je lui ai dit: "Je les vends pas, je les donne... une par une! " Alors, chaque fois qu'il voulait s'en allumer une, y venait me voir. Y avait que la place à traverser...

      

    Au début, on se parlait presque pas, vu qu'y savait pas le français et moi, pas l'allemand. Mais quand on veut, on peut. J'avais fait quelques études dans le but de devenir professeur de mathématiques. Lui aussi, probablement.

      

    Au début, on faisait des maths ensemble en baragouinant.

    C'est comme ça qu'on s'est aimés et qu'on a décidé de se marier.»

     

    [...] Le cas de Micheline Bood, 15 ans en 1941, est autrement plus grave et symptomatique. Les Allemands qui peuplent sa vie affective ne sont ni des créatures oniriques ni des êtres idéalisés, juste des garçons un peu plus âgés qu'elle et qui ont l'incomparable attrait du fruit défendu. Elle aussi déteste par principe le «Boche» qu'elle s'est longtemps représenté sous les traits d'un reître.

     

    Au lycée Racine, elle s'affiche comme une gaulliste active, autant par conviction que par bravade.

     

    Par un après-midi de février 1941, deux camarades de classe l'entraînent à la piscine Neptuna du boulevard Poissonnière qui fait face au Rex, transformé en Soldatenkino.

    Ce qu'elle y découvre - un essaim de jeunes filles en apnée dans un océan de blondeur teutonne - heurte à la fois sa pudeur et son sens patriotique.

     

      

      

      

    Mais l'ambivalence se lit déjà entre les lignes de son journal intime:

      

    «Autour de nous, nous voyons: deux femmes, qui n'ont qu'un slip et un mouchoir tout à fait transparent en guise de soutien-gorge, dans les bras de deux Boches... si ce n'est trois.

      

    Deux autres individus s'embrassent sur le bord. A côté d'eux, une femme déguisée en zèbre est tendrement dans les bras d'un autre Boche, qui la laisse tout à coup tomber dans l'eau au milieu des rires de l'assistance.

      

    Un maillot de bain rouge qui a une tête de singe est assis à côté d'un jeune Boche, très bien celui-là, mieux qu'elle en tout cas. Elle lui parle de très près, et soudain lui colle sur la bouche un long baiser. Il a l'air un peu dégoûté, le Boche.

      

    Alors, elle en entreprend un autre, placé tout près d'eux.

     

    Derrière le dos du premier, la voilà qui l'embrasse.

    Et personne n'a l'air de trouver ces manières étonnantes! Je dis à Yvette:

      

    "Ce n'est pas une piscine, c'est un..." (je me comprends mais je respecte mon journal).»

     

    L'ultime âge d'or des maisons closes


    Confrontés à un développement massif de la prostitution lié à l'anomie de guerre, les hommes de la Révolution nationale, faute de pouvoir s'attaquer aux causes sociales et morales du mal, se préoccupent surtout d'en circonscrire les effets.

      

    Favoriser la prostitution close, plus facile à contrôler du point de vue sanitaire, c'est d'abord satisfaire aux exigences hygiénistes des Allemands, qui entendent limiter les relations sexuelles de la troupe aux seules maisons de tolérance.

      

     

     

    Philippe Pétain ne sera pas le plus difficile à convaincre.

    Militaire (très) longtemps célibataire, il ne conserve, à titre personnel, que de bons souvenirs des maisons qui ont jadis égayé sa vie de garnison.

     

     

      

    Ne dit-on pas qu'il en fit découvrir les joies au jeune lieutenant de Gaulle ? C'était avant 1914.

     

    [...] En lieu et place de l'ordre moral tant redouté, c'est la «divine surprise» d'une légalisation en bonne et due forme qui est bénévolement octroyée aux «tôliers».

      

    Le système, déjà impuissant en temps de paix à contenir la prostitution clandestine et à faire appliquer une stricte prophylaxie, n'ayant que trop montré ses limites, on le renforcera en l'adaptant aux circonstances. Tel sera l'esprit de l'arrêté du 23 décembre 1940 signé par le ministre de l'Intérieur, Marcel Peyrouton, véritable projet de statut officiel de la prostitution, allant de la fille publique à la pensionnaire des maisons.

     

     

    «Jamais, en France, les bordels n'ont été mieux tenus qu'en leur présence.»

      

    Ce constat de Fabienne Jamet, tenancière du One-Two-Two, nombre de tôlières ont dû y souscrire à l'époque, manifestant à l'égard des occupants une reconnaissance et une gratitude qui n'eurent d'égales que celles des pensionnaires des maisons. [...] Très prisé par cette pègre d'un nouveau genre, le One-Two-Two est un point de passage obligé dans le circuit de l'affairisme véreux.

      

    On y croise les Allemands des «bureaux Otto» et singulièrement le chef de cette centrale d'achats, Otto Brandl, dit «Otto», installé en France depuis septembre 1940 et devenu, au profit de l'Abwehr, le roi du marché noir parisien.

      

    Avec, dans son sillage, toute une faune cosmopolite, «une nouvelle génération d'hommes d'affaires», ainsi que la désigne pudiquement la tenancière du 122, rue de Provence, jouant le rôle d'intermédiaire entre les acheteurs allemands et les vendeurs.

      

    Quelques trafiquants de haut vol cherchent à s'ériger en protecteurs de la maison: Brennos, un Russe blanc qui vient là autant pour les facilités que procure la maison que pour les beaux yeux de la tôlière.

      

    Ou encore Frédéric Martin, alias Rudy de Mérode, alias von Montaigne, français de naissance mais agent allemand depuis 1933 et, pour l'heure, directeur de l'officine du 70, boulevard Maurice-Barrès, plus connue sous le nom de «Gestapo de Neuilly», dont la spécialité est la traque des communistes et l'extorsion de fonds.

      

    Mais les seigneurs des lieux s'appellent respectivement Mandel Szlolnikoff, dit «M. Michel», le plus gros fournisseur des Allemands, dont l'opulence ostentatoire s'accorde avec celle des lieux, et Joanovici, «M. Joseph», un ancien chiffonnier d'origine roumaine auquel les autorités d'occupation ont conféré le statut de «Juif économiquement précieux» (WWJ).

      

    Quand il ne trafique pas avec les bureaux d'achats allemands, «Joino» tient table ouverte, rue de Provence, pour la cour de ses obligés: hauts fonctionnaires, policiers, industriels, tous copieusement arrosés comme les repas qu'il y fait servir.

     

    Pourquoi tond-on?


    «Changeons, changeons. Qu'une chevelure impure abreuve nos ciseaux»

    (La République de Pau, 3-4 septembre 1944).

     

    Effacer la souillure. Les épurateurs changent, pas le projet hygiéniste.

    L'Etat français avait le sien.

     

    Au cours de l'été 1944, celui de la Résistance prend le relais.

      

    Le projet de «redressement moral» auquel Vichy aspirait, c'est finalement à la Résistance victorieuse qu'il revient de l'accomplir; tâche dont elle s'acquittera «virilement», dans un climat contagieux de violence guerrière. [...]

      

    Au moins 20 000 femmes furent tondues à la Libération, selon l'évaluation faite par l'historien Fabrice Virgili, soit environ 1 femme âgée de plus de 15 ans sur 1 000. [...]

     

    Afficher l'image d'origine

    En réalité, comme le précisera par la suite la Direction des affaires criminelles à la demande de certains préfets, aucun texte législatif ne permet de poursuivre du fait même de relations sexuelles avec les membres de l'armée allemande.

     

    [...] Exemplaire est à ce titre l'affaire de Mme Polge, épouse d'un footballeur bien connue à Nîmes.

      

    Devenue la maîtresse du commandant allemand de la place, qui arbore le patronyme authentiquement français de Saint-Paul et qui se réjouit de ce retour inattendu aux sources cévenoles de sa famille protestante, elle s'est servie de son influence d'alcôve pour monnayer de multiples services contre du ravitaillement.

      

    Son train de vie, l'un des plus fastueux de la ville, a déjà scellé son sort lorsqu'elle comparaît, le 22 septembre 1944, devant la cour martiale de Nîmes. Attiré par la personnalité de l'accusée, le public est venu en masse comme à une corrida. Voici ce qu'en rapporte Le Populaire du Bas-Languedoc, du Rouergue et du Roussillon, organe fraîchement issu de la Résistance:

      

    «Sait-on que Mme Polge a avoué recevoir tous les jours de Mme G., bouchère à La Placette, 1 kilo de viande, recevoir régulièrement 2, 3 litres de lait par jour, recevoir du commandant boche Saint-Paul, très régulièrement, et ceci deux ou trois fois par semaine, du gibier, se faire chausser, se faire coiffer sans qu'il lui en coûte 1 centime?

      

    Tout cela en récompense de certains services.

      

    Et pendant ce temps-là, la classe ouvrière et ses enfants crevaient de faim...»

      

    La peine de mort vient finalement sanctionner cette transgression patriotique dont on ne sait plus très bien ce qui, de la collaboration sexuelle avec l'ennemi ou de l'accaparement au préjudice de la collectivité, la caractérise au premier chef. Le 2 octobre est jour de carnaval funèbre dans la cité des Arènes.

     

     

    L' «arrogante» Mme Polge, après avoir été tondue, est promenée à travers la ville jusqu'au poteau d'exécution.

     

    Son cadavre, devant lequel défile une foule nombreuse, est couvert de crachats.

    Epilogue hautement symbolique: on lui fera subir les derniers outrages à l'aide d'un manche à balai.

     

    [...] Dans la plupart des cas, la tonte aura donc été un châtiment sexué, mis en oeuvre et exécuté par la Résistance locale.

     

    Son intégration au processus de libération est telle que l'ordre de raser les «embochies» constitue souvent la première décision des chefs de groupe FTP et FFI, soucieux d'imposer leur pouvoir par une démonstration de force et d'affirmer leur autorité auprès des populations fraîchement libérées.

      

    C'est ainsi qu'en Bretagne 80% des tontes recensées (217 sur 272) ont eu pour exécutants des hommes du maquis et de la Résistance militaire.

     

    [...] Les pièces de l'instruction ouverte à la suite d'une plainte déposée par deux victimes en Indre-et-Loire montrent bien dans quel cadre extrajudiciaire mais paralégal - entre châtiment et sanction - le processus des tontes a cherché à se situer dès les premières heures de la Libération. Le 2 septembre 1944, Blanche L. (50 ans), couturière, et sa fille Yvette (24 ans), employée de bureau, sont appréhendées par deux FFI en armes à leur domicile de Château-Renault.

    Sans ménagement, elles sont conduites à la salle des fêtes communale transformée en PC des FFI.

      

    Les rejoignent au fil des heures sept autres femmes du village arrêtées dans les mêmes conditions.

    Vers minuit, Blanche et sa fille comparaissent en compagnie des autres suspectes devant un tribunal de résistants.

     

    Blanche et sa fille sont accusées d'avoir ravitaillé deux Allemands.

     

    Les preuves à charge sont inexistantes, hormis le témoignage, cité au cours

    de l' «audience», d'un enfant de 9 ans qui a rapporté à son père des propos tenus par le mari de Blanche et celui, plus dérisoire encore, d'un voisin, Marcel P., qui a vu deux soldats allemands boire du rhum dans le jardin des L.

      

    Au matin, les deux femmes sont tondues par le coiffeur du village, membre des FFI, et promenées à travers les rues du village en compagnie de leurs soeurs d'infortune.

     

      

    Acte insensé voire téméraire dans ce contexte, les deux tondues déposent plainte le 10 octobre auprès de la gendarmerie de Château-Renault en désignant nommément l'artiste capillaire.

     

    Fait plus inouï encore, une enquête est diligentée et les chefs de la Résistance locale sont auditionnés dans les formes.

    Il en ressort que l'ordre d'arrêter les femmes ayant collaboré avec l'ennemi a été donné à tous les chefs de groupe par Marceau, de son vrai

    nom Marceau Monprofit, le commandant des FTPF d'Indre-et-Loire.

      


     

      

    http://www.lexpress.fr/culture/livre/1940-1945-annees-erotiques-de-la-grande-

    prostituee-a-la-revanche-des-males_823431.html#UP0G9KBu6jQAr1JG.99

      

     

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    Quand il s’agit d’évoquer la Libération, curieusement, ce sont toujours les mêmes images qui me viennent à l’esprit.

     

    Les scènes de liesse populaire, les défilés de résistants paradant dans les rues des villes et des villages libérés, les cérémonies patriotiques, les drapeaux suspendus dans les rues, les bals et les flonflons sur les places publiques… les tontes des “collaboratrices”.

     

    La nature de cette accusation constitue un premier clivage entre les sexes, relatif quand les accusations de dénonciation, de collaboration économique ou politique touchent femmes et hommes de manière similaire, marqué pour les accusations de relations sexuelles uniquement reprochées aux femmes.

     

    La Libération de la France a été une période complexe où se mêlèrent joie et enthousiasme pour certains mais aussi crainte et tristesse pour d'autres.


    Pour cimenter cette joie collective, un exutoire commun permet d'exprimer ces retrouvailles : s'en prendre aux collaborateurs, aux prisonniers allemands, à tous ceux qui ont eu des comportements jugés indignes.


    Parmi ceux-là, les femmes qui ont eu des relations affectives avec des soldats allemands seront tondues dans le meilleur des cas...


    Pour la plupart d'entre elles, c'est presque toujours la même histoire, celle d'une France occupée dans laquelle des jeunes filles, par insouciance ou inconscience, franchissent les interdits et commettent l'impensable : le délit d'adultère avec l'ennemi de la Nation.

     

     

     

    La France sera "virile ou morte".

     

    C'est à partir de cette phrase que l'historien Fabrice Virgili fonde son étude sur les tontes des femmes entre 1943 et 1946.

     

     

     


    Cette pratique fut tristement et pourtant massivement répandue sur l'ensemble du territoire français de 1943 à 1946.

     

     

    Les femmes tondues sont les femmes qui ont subi, à l'issue ou lors d'un conflit majeur, diverses humiliations, dont la tonte de leur chevelure, de la part de compatriotes indignés de leur comportement, généralement des relations intimes volontaires avec les soldats ennemis.

     

    La nature de cette accusation constitue un premier clivage entre les sexes, relatif quand les accusations de dénonciation, de collaboration économique ou politique touchent femmes et hommes de manière similaire, marqué pour les accusations de relations sexuelles uniquement reprochées aux femmes.La "collaboration horizontale" est vécue, dans le prolongement de l'adultère à la Nation, comme une véritable souillure dont est victime le pays. C'est le corps de Marianne qui en est à la fois l'auteur et la victime. Un avocat, dans une forme de justice particulière aux Cours martiales, peut ainsi réclamer "une punition de rigueur (pour sa cliente, coupable) d'avoir déshonoré la femme française".

     

    Le caractère sexué de la collaboration relève un discours spécifique qui reflète l'image d'une femme incapable d'agir de sa propre initiative.

     

     


    Soit qu'elle suive l'homme avec qui elle partage sa vie (les femmes de collaborateurs sont autant condamnées que leurs maris), soit qu'elle se conforme à une nature jugée insouciante, irresponsable, cupide ou immorale.


    Ce sont les explications avancées par certains tribunaux pour expliquer les actes des collaboratrices.

     

    Les "faiblesses du sexe faible" participent à la représentation des collaboratrices.

     

    La tonte est une sanction de faits sans gravité.

     

    Les relations sexuelles avec les Allemands n'influent en rien sur le cours des événements.


    C'est un acte symbolique de rupture avec l'ennemi qui produit sa propre image.


    Elle devient peu à peu le châtiment unique et exclusif des relations avec les Allemands et la marque provisoire d'une culpabilité sexuelle.
    La coupe de cheveux n'est pas le châtiment d'une collaboration sexuelle mais le châtiment sexué d'une collaboration.

     

     

     

     

    Dans sa thèse, Fabrice Virgili, recense le nombre de tontes et leur périodicité.


    20 000 femmes furent tondues entre 1943 et 1946, mais seulement la moitié

    fut accusée de "collaboration horizontale".

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


    Un tiers pour les femmes détenues, c'est à dire ayant eu des

    relations sexuelles avérées ou non avec l'ennemi.

     

    Les femmes tondues sont les femmes qui ont subi, à l'issue ou

    lors d'un conflit majeur, diverses humiliations, dont la tonte de leur

    chevelure, de la part de compatriotes indignés de leur comportement,

    généralement des relations intimes volontaires avec les soldats ennemis.

     

     

     

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    Scène d'épuration.

      

    L'épuration

     

    Dans l'ensemble de l'Europe, plusieurs millions de personnes ont soutenu, à des degrés divers, la cause de l'Allemagne nazie.

      

    Pour les opinions des pays occupés, la libération du territoire ne suffisait pas à tourner la page.

      

    Le châtiment des collaborateurs était exigé, partout, spécialement par les organisations de résistance, comme une des conditions nécessaires pour atténuer les souffrances et les déchirures des années de guerre.

     

     

    Scène d'épuration

      

    Parfois, ces « exécutions capillaires » sont ordonnées sur décisions de petits chefs de maquis locaux.

    Pareille mesure touche Léonie B., Solange T., Jeanine L. et Jeanine D. (17 ans), les 12, 13 et 23 septembre 1944.

    Dans leurs dossiers respectifs, l’énoncé du « jugement » apparaît en toutes lettres : « À tondre ».

    Plus de trois mois après la libération de la Dordogne, le 6 décembre 1944, le lieutenant Jean Méthou, officier du BSM , ordonne la tonte publique de Rose S., couturière, « prostituée d’habitude ».

    La sentence est finalement exécutée à la prison de Bergerac  

     

     

    Femmes tondues devant le Palais de Justice à Bergerac, durant l'épuration de septembre 1944 

     

    L'exigence de morale et de justice n'était pas seulement ressentie comme un devoir de fidélité à l'égard des morts.

     

    Elle conditionnait l'avenir et les efforts de reconstruction.

     

     

    Nommée épuration en France, la répression de la collaboration prend des formes diverses [...] l'épuration judiciaire s'accompagne d'écarts importants dans la sévérité des peines prononcées en fonction des lieux, des juridictions et de la date du jugement. [...]

     

    Scène d'épuration.

    L'épuration extra-judiciaire (menée en dehors des tribunaux légaux)

    a fait de 9 000 à 10 000 morts, en grande majorité entre le 6 juin 1944 et le retour à un État de droit. Sur les 7 055 peines capitales prononcées par les tribunaux civils et militaires, dans la légalité, 1 700 ont été exécutées.

     

    Afficher l'image d'origine 

    Je CITE

     

    Ce matin on a bien ri.

    Les F F I ont tondu sur la place les collaboratrices…

     

     

    Afficher l'image d'origine

     

      Sources

    http://paril.crdp.ac-caen.fr/_PRODUCTIONS/memorial/femmes/co/module_les%20femmes%20dans%20la%20guerre_5.html

     

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    La terrible humiliation des femmes tondues

     

      

    Publié le 26/08/2001

    Tarn - TARN : Après la Libération d'Albi, le 26 août 1944

    La terrible humiliation des femmes tondues - DDM 

      La terrible humiliation des femmes tondues DDM

      

      

    Comme le précise la légende au dos d'une des photos d'époque, c'était à « Albi, samedi 26 août 1944 à 19 heures. Les femmes ayant pratiqué la collaboration horizontale sont tondues sur le Vigan. » Sur les photos, on voit ces femmes, mises à genoux comme en signe d'expiation.

    Au nombre de neuf sur les photos, la plupart sont jeunes, parfois belles. Deux hommes, l'un avec une blouse blanche de coiffeur, l'autre vêtu d'une sorte d'uniforme, leur rasent les cheveux aux ciseaux. L'une, déjà tondue, sa chevelure éparpillée autour d'elle, échange un regard avec une autre, qui y passe.

    Sur une autre image, prise quelques minutes auparavant, on aperçoit la même debout, bras croisés, attendant son tour.

    C'est une jolie brune coiffée avec art, avec une robe blanche qui lui arrive aux genoux.

    Une autre, vêtue de sombre, aux cheveux tirés en arrière avec une raie au milieu, passe sa main gauche sur le visage, comme pour écraser une larme.

    Tout autour, la foule. Surtout des hommes jeunes. Beaucoup arborent un béret sur la tête et la cigarette ou la pipe au bec.

     

      

    Rigolards, ils ont l'air de s'amuser beaucoup.

    Quelques uns ont un fusil.

     

    A l'arrière- plan, quatre individus sont montés sur quelque chose pour mieux profiter du spectacle.

     

     

    Cette scène, dont le 26 août 2001 marque le 57e anniversaire, Yves Bénazech, 89 ans, est un des derniers témoins à pouvoir la raconter.

      

    L'auteur du livre « Les Terroristes de l'Espérance », chronique du Tarn sous la Résistance, le fait volontiers, pour l'Histoire.

     

     

    C'est important pour les générations futures d'expliquer ce qui s'est passé, sur cet épisode peu glorieux de la Libération, comme sur d'autres qui le furent davantage.

    La tonte des femmes a marqué les esprits.

    Il faut dire ce qu'il en fut réellement.

      
    « Déchainements »

    Cet événement sinistre s'est inscrit dans les journées troublées qui ont suivi la Libération d'Albi le 19 août 1944. Avec la liberté retrouvée, relate Yves Bénazech, « tous les déchainements ont été rendus possibles.

     

    Pendant 15 jours à trois semaines, ce fut la pagaïe.

    C'était fou. N'importe qui faisait n'importe quoi.

      

    C'était avant que les autorités soient remises en place, avec la nomination d'un préfet, des consignes précises données aux policiers et l'aide des chefs de maquis, qui ont participé à remettre de l'ordre.

      

    Au début, il sortait des gens avec des galons de partout, que l'on surnommait les naphtalinards.

      

    Des types qui n'avaient rien foutu pendant la Résistance ont sorti l'uniforme.

     

    Avant la Libération, on était 2.500 au maquis.

      

    Cinq ou six jours après, on était 10.000 environ.

      

    Des gens que l'on n'avait jamais vus jusque là sont apparus.

      

    Tout un tas de gens qui s'étaient compromis se sont dépêchés de se mettre en avant à la Libération. »

      

    Les femmes tondues ne furent pas les seules victimes de ces exactions.

      

    « Il y a eu des gens tués, on se demande pourquoi.

      

    Parfois par jalousie ou par vengeance.

      

    Pour leur prendre leur femme...

      

    C'est facile quand on a une arme à la main, si on n'est pas bien équilibré. »

     

     

    Yves Bénazech met la tonte des femmes sur le compte de ces éléments incontrôlés.

    Il ne nie pas que des vrais résistants aient pu figurer dans la foule du Vigan:

      

    « Certains en étaient capables. Mais ce n'était pas des ordres donnés par la Résistance.

      

    C'était des actes individuels. Des individus sont allés ramasser des femmes, celles dont ils considéraient qu'elles allaient avec les Allemands.

     

    Certaines couchaient avec des officiers.

      

    Mais il y en avait certainement d'autres qui n'avaient rien fait. Ils sont allés les chercher chez elles. Ils en ont pris d'autres au Bon-Sauveur, parmi les internées. »

    Yves Bénazech en connaissait quelques unes de vue, mais ne leur avait jamais parlé.

     

     

     Scène d'épuration.

      

      

    Ce jeune policier était entré au commissariat d'Albi en 1942.

    En tant qu'agent, il participait à des gardes devant les bâtiments allemands, comme la feld-gendarmerie, rue Séré-de- Rivières.

     

    « Le soir, on voyait ces femmes entrer... »

     

    Les femmes tondues « n'étaient pas des prostituées.

     

    C'étaient des femmes libres qui s'étaient mêlées aux Allemands.

      

    Les prostituées n'ont pas été inquiétées.

    De leur part, on considérait que c'était normal.

    Elles étaient dans des bordels.

    Il y en avait un derrière le marché couvert, rue Athon,

    il me semble »,

    se souvient Yves Bénazech.

     

     

    Le soir du 26 août 1944, la place était noire de monde « comme tous les jours. Il se passait sans cesse des choses » dans l'effervescence de la Libération. « Le coiffeur du coin avait été réquisitionné.

    On lui avait demandé de couper les cheveux aux femmes. » Ensuite, leurs tourmenteurs leur avaient peint une croix-gammée sur le crâne nu et les avaient faites poser, à genoux, alignées l'une à côté de l'autre.

    Yves Bénazech parle d'un accès « de bestialité ». Il est très dur envers ses auteurs. « C'est désastreux ce qu'ils ont fait.

    Ils adoptaient les méthodes des nazis. Si on recommence à faire ce que les Allemands faisaient, ça ne va plus. On ne s'était pas battus pour ça », dit cet ancien résistant. « Tondre les femmes, c'est une drôle d'humiliation.

    La dignité humaine ne comptait plus. »

     

    Scène d'épuration

     

    A l'époque, Yves Bénazech était de retour au commissariat après son passage dans le maquis. Alors âgé de 30 ans, il était chargé de récupérer du matériel et des gens présumés coupables. Quelqu'un, dans la foule qui assistait à la tonte des femmes, l'avait prévenu ainsi que Charles d'Aragon, le vice- président du Comité départemental de la Libération (CDL). Ils sont intervenus pour arrêter ça.

    « D'Aragon avait l'autorité pour le faire. Il a pris les ciseaux du coiffeur.

    Il a gueulé. Il a dit que c'était indigne. Il leur a fait lâcher les femmes.

    On les a libérées et on les a renvoyées sans les embêter.

    La foule s'est dispersée. »

    Ceux qui les avaient tondues n'ont pas été poursuivis. « Elles ont marché avec les boches. On les tond », déclaraient-ils. « Ils trouvaient ça normal. » Yves Bénazech pense « qu'il y a dû avoir des larmes » chez leurs victimes même s'il n'en a pas vu. « A Toulouse, ils les avaient fait défiler nues. Il y en a une qui s'est suicidée après. »

    Plus tard, Yves Bénazech a croisé une ou deux de ces femmes dans les rues d'Albi. Il ne sait pas ce qu'elles sont devenues.

    Alain-Marc DELBOUYS.

     

     


    André, 74 ans: « Ce n'était pas très glorieux »

    «Je passais. Je n'ai pas participé ni rien. Je l'ai vu », confie André, 74 ans, de Saint- Juéry. Agé alors de 17 ans, il a assisté à l'épisode des femmes tondues sur le Vigan le 26 août 1944. La place d'Albi était « toujours pleine les premiers temps après la Libération. Il y avait tellement de monde » que le jeune homme d'alors n'a eu qu'une vision partielle de la scène.

    Mais il assure que « ce ne sont pas des militaires qui ont fait ça. Il n'y en avait aucun. C'était des civils. Les filles étaient jeunes. Elles avaient 25 ans au maximum, même moins. L'ambiance était assez difficile à décrire. Cela a été fait de manière sauvage. »

    André l'interprète comme « une ruée », dans laquelle ces filles se sont trouvées prises.

    « Ce sont certainement des vengeances de voisinage, émanant peut-être de gens qui auraient voulu se payer ces filles. Je ne pense pas que c'était des filles de haute moralité. Ce n'étaient pas des prostituées, plutôt des filles faciles. »

      
    « HONTE POUR EUX »

    Selon André, elles étaient plus de neuf, plutôt une quinzaine. « Sur les photos, elles n'y étaient pas toutes. Cela s'est peut-être fait en plusieurs endroits. »

    Il se souvient en effet d'avoir ensuite, en tant que militaire, avoir gardé des femmes tondues à l'hôpital, « pour les protéger et pour les empêcher de partir ». Cinquante sept ans plus tard, André estime qu'il n'est « pas là pour juger. Mais ce n'est pas très glorieux pour ceux qui ont tondu ces femmes.

    Les Albigeois ont leur mea culpa à faire.

    Plus tard, cela s'est reproduit sur l'île d'Oléron sur des jeunes filles.

    C'était des soldats de mon groupe qui l'avaient fait.

    J'avais honte pour eux. Après, je suis allé m'excuser auprès des parents.

    Nous étions des libérateurs, pas des justiciers. »

    A.-M. D.

     

     


    Robert, 80 ans: « Elles allaient avec l'ennemi »

    Robert Ruffel, 80 ans, de Saint-Juéry, n'était pas sur le Vigan le 26 juin 1944.

    Mais il connaissait une des filles tondues à la Libération.

    « Elle habitait rue de la Rivière à Albi. Elle avait 20 ou 25 ans.

    On se tutoyait.

      

    Pendant l'Occupation, elle se baladait avec un Allemand. »

    Après la Libération, pour masquer sa chevelure perdue, la jeune femme

    « portait un foulard, comme toutes ».

    Il n'en a jamais parlé avec elle, mais Robert Ruffel pense que « ça a été terrible » pour cette fille « connue dans Albi. Ce n'était pas une prostituée.

     

    C'était une fille sérieuse. Et puis il a fallu cette saleté de guerre...

    Après qu'elle ait été tondue, ça été fini. Elle était devenue très maigre. Elle est morte peut-être une dizaine d'années après. »

    Il suppose que c'était « de chagrin ».

    Pourtant, l'octogénaire n'est pas tendre envers ces femmes qui « faisaient » avec les Allemands, avec qui elles « se promenaient bras dessus, bras dessous.

    Elles s'affichaient avec l'ennemi. Je dis que ceux qui les ont tondues ont bien fait. »

    « Leur table était garnie... »

    « Ce n'était pas normal d'aller avec les Allemands, ajoute Evelyne Ruffel, l'épouse de Robert. Elles, elles avaient tout ce qu'elles voulaient, et nous, on crevait de faim. Quand on n'avait plus de pain, elles avaient tout ce qu'il fallait sur la table.

    En plus, nos maris risquaient leur vie.

     

    -Au STO, où j'ai passé trois mois, on s'est retrouvé un jour avec un pétard sur le ventre, simplement parce qu'on s'abritait de la pluie.

     

     

    Ça ne fait pas plaisir », fait valoir Robert. « Et ceux qui ont été torturés?

    C'est pire que de se faire couper les cheveux.

    Si on m'avait donné à choisir, j'aurais dit: Rasez-moi la tête! »

     

    Peut-être que la femme qu'il connaissait agissait par amour?

     

    « Ne dites pas n'importe quoi », dit Robert, pour qui elle était plutôt motivée

    « par la faim ».

    A.-M. D.

     

    SOURCES

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