• Selon une circulaire émise le 16 janvier 1942 sous la référence 42/Sü/9 873 par le Service central de sécurité du Reich (RSHA), plus de 30 000 évadés parcouraient en permanence les territoires allemands ou contrôlés par le Reich.

    Suite à ce constat, les autorités estiment le temps venu de mettre un terme à cet état de fait et décrètent que « l’évasion n’est plus un sport »1.

     

    L'entrée du camp pendant la guerre

    On reconnaît bien l'entrée du camp, telle qu'elle apparaît, à l'envers, dans l'aquarelle de Vanderheyde (détail à gauche).

    Le fait qu'il s'agit d'une photo de propagande se manifeste par le caractère impeccable des uniformes des prisonniers, distribués pour l'occasion

    Précisons au préalable que les déportés de Rawa Ruska étaient tous de nationalité française ou belge (en très grande majorité française).

    Ils avaient été mobilisés en 1939 (certains étaient même sous les drapeaux depuis 1936) et avaient participé à la très dure et très meurtrière bataille de France de 1940 (environ 100 000 tués en seulement 2 mois) jusqu'à ce que nos troupes submergées par un ennemi infiniment plus puissant en matériel mécanique et aérien, soient contraintes à cesser le combat en juin 1940.

    Deux millions de ces combattants furent faits prisonniers, dont la plupart d'ailleurs, après l'armistice, en violation des conventions internationales (et même des conditions d'armistice édictées par les nazis), exténués, démoralisés, accablés par la défaite. Les jours et les semaines qui suivirent la capture furent terribles : - longues marches épuisantes (40 à 50 km par jour) sans ravitaillement pendant plusieurs jours, couchant la nuit, parfois complètement trempés par suite d'orages, dans des pâtures à vaches boueuses, tout cela accompagné de mauvais traitements, coups de crosses et coups de baïonnettes ; il y eut même des exécutions au cours de tentatives d'évasion ou dans les cas d'impossibilité physique de suivre la colonne.

    Ces longues marches furent suivies du transport vers l'Allem

    Cette décision vise à impressionner les détenus, prévenus qu’ils perdent la protection de la convention de Genève, déjà peu scrupuleusement appliquée, en cas d’utilisation d’habits civils et de faux documents. Le message est également adressé aux gardiens des prisonniers, menacés d’être affectés sur le front de l’Est en cas de relâchement de leur attention.

    Mirador à Rawa-Ruska

     

    Mirador à Rawa-Ruska
    D'après La Déportation, sous la dir. d'André Leroy, Paris, 1967, p. 235.

    Surtout, cette circulaire permet de prendre conscience de l’ampleur du phénomène d’évasion.

    GAILLAC (81)

    - Histoire. Deux Gaillacois sont passés en 1942 par un camp disciplinaire d'Ukraine.

     

    À l'est d'Auschwitz, aux confins de la Pologne et de l'Ukraine, les nazis avaient transformé une ancienne caserne de l'Armée Rouge en camp disciplinaire.

     

    À partir d'avril 1942 et jusqu'en 1943, le camp 325 de Rawa-Ruska, destiné

    aux « fortes têtes », aux prisonniers évadés récidivistes.

    Plus de 20 000 Français mais aussi des Belges y ont séjourné.

     

    Agriculteur à Montans, Élie Bousquet a franchi le portail de son premier camp de prisonniers en avril 1940.

     

    L'année suivante, première évasion avec un copain pour quelques jours seulement et la sanction : sept semaines de commando disciplinaire dans une carrière de pierre.

    Peu après, Elie et deux autres prisonniers reprenaient le large après avoir scié les barreaux de leur baraquement :

     

    « Nous nous sommes fait prendre bêtement par un groupe de bûcherons allemands qui nous avaient repérés ».

    De Rawa-Ruska, il se rappelle d'abord cet avertissement placardé à l'entrée du camp :

     

    « S'évader n'est plus un sport ».

     

    Intégré à un commando de 500 hommes pour refaire des routes (avec des outils pour 300 travailleurs) :

     

    « Nous étions logés dans une écurie. Il y avait un robinet d'eau pour tout le camp, alors nous nous abreuvions parfois dans les flaques de pluie. Le matin, on nous servait du café, infusé avec des branches de sapin et la soupe de midi était à peine améliorée avec cinq ou six grains de millet… Toutes les semaines, nous subissions une fouille qui durait 24 heures. On ne pouvait pas s'évader. J'ai entendu parler d'un tunnel mais il a été vendu par un espion des Allemands ».

     

    « Le commandant du camp s'appelait Fournier

    Il se baladait tout le temps avec un pétard »

     

    « Le 14 juillet 1942, nous avons fait une mauvaise farce aux Allemands, en défilant avec des drapeaux français que nous avions fabriqués en cachette. »

     

    LE TRIANGLE de la MORT 

     

    Le Triangle de la mort

     

    UN TRAIN TROP LOIN

    Comme Élie Bousquet, Raymond Roque avait 24 ans en 1942 lorsque son périple des camps l'a conduit à R awa-Ruska pour une dizaine de jours.

    « Avec deux prisonniers, je me suis évadé d'un camp de Saxe, en février 1942. Nous avions repéré des trains en partance pour la France. Nous nous sommes enfermés dans un wagon à destination de Fontainebleau. Les Allemands étaient méfiants ; le général Giraud venait de s'évader. A la frontière française, près de Belfort, les Allemands ont pesé le wagon et nous ont dénichés. »

    « Nous avons été conduits à Colmar, puis Nancy, Strasbourg et en Allemagne, à Ludwigsburg, parqués à 500 dans d'anciennes écuries. C'était le centre de rassemblement avant le départ pour Rawa-Ruska.

     

    Nous avons chanté « La Marseillaise » et notre hymne « Dans le c… »

     

    « Après huit jours de train, à 50 bonhommes par wagon, un pain, une boîte de conserve chacun, nous sommes arrivés à Rawa à la tombée de la nuit. »

    Pour Raymond, les prochaines étapes ont été le chantier d'une gare de triage, près de Cracovie, et pire un chantier en Ukraine, à -30°C, puis à partir de février 1943, une compagnie disciplinaire de nettoyage des zones de bombardement, près de Berlin.

    Henri Beulay


    En savoir plus sur

    http://www.ladepeche.fr/article/2005/02/01/311382-ils-racontent-la-vie-a-rawa-ruska.html#IISdSOwuHpGzkpYb.99

     

     

     

     

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  • Coco Chanel, agent du Reich


     
    Aude Lancelin
     
     
    Paru l’an dernier aux Etats-Unis, «Dans le lit de l’ennemi», livre de révélations sur les années d’Occupation de la couturière, a fait l’effet d’une bombe.
     
    Le 4 octobre, cette biographie signée Hal Vaughan arrivera en France.
     
     

     Elle est d'abord chanteuse de music-hall :

    un soir de 1905, elle chante

    « Qui qu'a vu Coco dans le métro »

    et en gardera son surnom.

     

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    Extraits exclusifs.

    On en savait déjà beaucoup sur la collaboration de Coco Chanel, son antisémitisme invétéré et sa tentative infructueuse d’évincer les frères Wertheimer du capital de sa maison.

    Paru fin 2011 aux Etats-Unis, le livre d’Hal Vaughan, ancien grand reporter et vétéran de la Seconde Guerre mondiale, apporte pourtant les preuves qui manquaient encore au dossier – l’Américain ayant eu accès à des archives nazies récemment ouvertes au public. 

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    «C’est un vrai scoop, des pièces jamais produites», affirme Edmonde-Charles Roux, auteur de la biographie de référence sur Gabrielle Chanel, l’Irrégulière (Grasset, 1974).

     

    Bien davantage qu’une «collaboratrice horizontale», amoureuse d’un agent allemand, comme certains veulent encore le penser avec indulgence, le livre met en scène une lionne irréparablement blessée par la vie, mais aussi extraordinairement dure, prête à tout pour sauver sa fortune et ses proches, y compris au pire :

    festoyer à Paris avec des délateurs de juifs, utiliser les lois d'ayrianisation contre ses rivaux en affaires, ou se rendre à Berlin en 1943 pour soudoyer un proche d'Himmler.

    Pro allemande à la manière d'Hélène, la femme de Paul Morand, un des intimes

    de la couturière ?

    Pas exactement.

    Plutôt pro-Chanel, envers et contre le sort du monde entier.

     

    Ainsi que la créatrice de génie l’affirma un jour à l’écrivain dans une confidence extraordinaire aux échos presque sadiens, mêlant inextricablement les diktats de la mode à ceux de l’idéologie totalitaire : 

     

    «Je veux être de ce qui va arriver. J’irai pour cela où il faudra. Je suis prête à crever sous moi des sociétés entières comme on crève un cheval».

    Reste à savoir le sort que cette biographie captivante, écrite sans excès d’acrimonie et encensée jusque dans l’exigeante New York Times Books Review, connaîtra en France, où l’on n’aime pas voir écorner les mythes quand ils sont aussi lucratifs.

    Les éditions Albin Michel s’attendent à un silence presque complet de la presse nationale sur le sujet.

    EXTRAITS:

    Chanel – jadis orpheline sans le sou, puis maîtresse d’un homme fortuné, devenue la grande dame de la mode – a gagné une fortune en libérant le corps des femmes pendant la guerre de 1914-1918.

    Maintenant, dans les premiers jours de ce conflit [en 1940], elle considère que la guerre est une affaire d’hommes.

    Mais elle lui offre également l’occasion de punir ses employées pour avoir osé faire grève, trois ans auparavant.

     

    Elle licencie près de 3 000 ouvrières :

    les couturières qui taillent les robes, les petites mains qui cousent chacun de ses modèles et les vendeuses qui s’occupent des boutiques.

     

    Ainsi se venge-t-elle de ces femmes déterminées qui, en 1936, avaient exigé de meilleurs salaires, des journées de travail plus courtes, et l’avaient chassée de ses ateliers et de ses boutiques.

     

    C’est une revanche contre les grèves massives provoquées, d’après elle, par le gouvernement SFIO de Léon Blum, soutenu, au début, par les communistes. [...] Pour Chanel, Blum et ceux qu’elle appelle «les politiciens juifs de gauche» sont des bolcheviks qui menacent l’Europe.

     

    Les convictions extrémistes de la styliste ont été affûtées au cours des années par ses amants – les hommes qui l’ont arrachée à la pauvreté et l’ont aidée à lancer sa carrière.

    En outre, Paul Iribe [amant de Chanel brutalement décédé en 1935] a alimenté sa phobie du judaïsme.

     

    Son antisémitisme se révèle tellement virulent qu’Edmonde Charles-Roux le considère comme «répugnant».

    Bendor [surnom du duc de Westminster, autre ancien amant] et ses célèbres diatribes antisémites y ont également contribué.

    A 57 ans, Chanel se sent prête à tomber de nouveau amoureuse.

    Et voilà qu’en cette année tragique une nouvelle aventure s’annonce au moment où Dincklage, devenu un officier de haut rang dans l’armée d’occupation, entre dans sa vie et s’apprête à lui faire la cour.

     

    C’est la dernière grande histoire d’amour de Chanel.

     

    Il ne reste qu’un unique témoin vivant qui ait connu de façon intime cette romance au cours de la guerre. Gabrielle Palasse-Labrunie, 15 ans, rend visite à Auntie Coco lorsqu’elle rencontre le baron, fin 1941, dans Paris occupé.

    Elle se souvient :

     

    «Spatz [le surnom de Dincklage] était sympa, séduisant, intelligent, toujours bien habillé et agréable – il souriait beaucoup et parlait couramment français et anglais... Un bel homme, bien né. Il est devenu notre ami».

     

    Au cours des années suivantes, Dincklage va favoriser les relations de Chanel avec les dignitaires nazis à Paris et à Berlin.

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    Il jouera de ses contacts au sein du haut commandement pour lui permettre de vivre au septième étage du Ritz. Un lieu de résidence pratique, car les entrées et les sorties de service donnent sur la rue Cambon, à quelques mètres de la boutique et de l’appartement luxueux du 31.

     

    La curieuse histoire mettant en scène un général allemand qui aurait reconnu une Chanel désespérée dans le hall du Ritz et lui aurait offert spontanément d’y loger semblerait n’être qu’une nouvelle affabulation de la créatrice.

     

    Seul Dincklage ou un autre personnage haut placé aurait pu lui obtenir une suite dans la Privatgast, la section réservée aux amis du Reich.

     

    L’occupant autorise Cocteau, Serge Lifar, le fameux danseur né en Ukraine,

    et René de Chambrun, le gendre de Laval, à fréquenter le Ritz.

    Ils y déjeunent et dînent, souvent à la table de Chanel.

    Ils côtoient Joseph Goebbels, l’ancien supérieur de Dincklage, et Hermann Göring.

     

    Chanel estime que «les Allemands sont plus cultivés que les Français. Ils se fichaient complètement de ce que faisait Cocteau parce qu’ils savaient que son œuvre, c’était de la frime».

    Notons le nom d’un autre invité et protégé de Dincklage :

    un certain baron Louis de Vaufreland [agent de la Gestapo].

     

    L’hiver 1940-1941 se montre particulièrement rigoureux – mais beaucoup moins au Ritz.

     

    Chanel «s’affiche avec un serviteur du IIIe Reich et d’Hitler»

    A Berlin, Dincklage connaît un singulier honneur : il est reçu par Hitler et Goebbels, le ministre de la Propagande, son ancien supérieur lorsque Spatz était en poste à l’ambassade d’Allemagne à Paris, en 1934. Un rapport du contre-espionnage français sur cette réunion au sommet évoque son rôle crucial en France.

    Dincklage se réjouit de l’humeur triomphale qui règne à Berlin au cours de l’hiver 1941. La Wehrmacht a conquis l’Europe de l’Ouest et va bientôt s’emparer de la Yougoslavie et de la Grèce. En secret, Hitler planifie l’invasion de l’Union soviétique ; elle devrait intervenir au printemps.

    Nous ne savons rien des activités de Vaufreland à Berlin durant son voyage avec Dincklage. Cependant, un document des archives du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), les services de renseignements gaullistes à Londres, explique qu’après Berlin «Louis de Vaufreland a été envoyé en Tunisie. Il prétendait être alsacien et utilisait son alias de “Richmond”».

    Entre-temps, Vaufreland a gagné le titre de V-Mann : c’est un homme de confiance, l’agent no F-7667, nom de code «Piscatory». Dincklage organise alors une rencontre entre Vaufreland et Chanel.

    Cette première réunion semble si naturelle que Chanel ne réalise pas immédiatement que l’aventure qui va suivre a, en réalité, été planifiée par son amant et qu’elle va l’entraîner à travailler, de fait, pour les Allemands.

    Toujours aussi opportuniste, Chanel croit savoir comment manœuvrer dans Paris occupé et faire libérer son neveu André Palasse du stalag où il est interné. C’est un problème urgent.

    A Corbère, elle a appris qu’André avait peut-être contracté la tuberculose. Le renseignement militaire allemand va l’aider, mais il y aura un prix à payer. Chanel semble une cible parfaite pour les recruteurs allemands : elle a besoin de quelque chose que l’Abwehr [le service de renseignements de l’armée allemande] peut lui offrir et elle a des relations haut placées à Londres, en Espagne et à Paris.

    Vaufreland et Chanel forment, semble-t-il, une paire d’agents plutôt improbable. Le baron, dandy nonchalant, affiche ouvertement son homosexualité. Un rapport des Français libres de Londres le décrit en ces termes : «Trente-neuf ans, blond roux, un play-boy aristocrate ; alias connus : Pescatori [sic], marquis d’Awygo, de Richmond». 

     

    Dans un autre document, on parle d’un «homosexuel grassouillet de taille moyenne et toujours impeccablement vêtu». Plus tard, un autre rapport de la France libre expliquera qu’au moment où il rencontre Chanel Vaufreland est déjà responsable de l’arrestation de résistants gaullistes travaillant clandestinement à Casablanca.

    Le supérieur de Vaufreland à l’Abwehr est un certain Neubauer qui intervient bientôt pour conclure le marché avec Chanel. Comme Dincklage, il s’habille en civil et parle un excellent français. Au cours du printemps 1941, Neu- bauer rencontre Vaufreland et Chanel dans la boutique de la rue Cambon.

     

    Neubauer assure à la créatrice qu’il l’aidera à faire libérer André si elle permet aux Allemands d’obtenir des informations politiques sensibles à Madrid.

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    Dès 1941, l’Abwehr inscrit Gabrielle Chanel dans ses registres berlinois sous le nom d’agent F-7124, nom de code «Westminster».

    Chanel sait que les Allemands font respecter avec la plus grande rigueur les lois antisémites, en particulier celles touchant à l’aryanisation du commerce et des affaires.

    A la Noël 1941, elle explique qu’avec les nazis au pouvoir elle espère reprendre le contrôle de sa société, pour l’instant aux mains des Wertheimer, qui ont fui aux Etats-Unis. Chanel et Dincklage prévoient probablement que, si Hitler remporte la victoire – comme le croit le monde entier ou presque –,

     

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    Chanel reviendra à la tête de la société des Parfums Chanel «aryanisée».

     

    Pour elle, la récompense serait incommensurable.

     

    A l’instar de nombre d’Anglais et d’Allemands, dont Bend’or, duc de Westminster, Chanel et son amant espèrent sans doute la signature d’une paix séparée entre Londres et Berlin. Avant-guerre, ils ont tiré profit du commerce avec l’Allemagne et ils veulent le voir restauré.

    Rares sont ceux qui ont oublié qu’Hitler a promis de remettre sur le trône le précédent roi devenu duc de Windsor.

    Or Edouard est un intime de Chanel. Avec le retour des échanges commerciaux entre les deux nations, les deux pays formeraient une force considérable et les parts de Chanel dans sa société deviendraient inestimables.

    Chanel est rassurée : l’Abwehr a rempli ses promesses quant à la libération de son neveu André. Comme promis, Vaufreland contacte alors l’un de ses amis, un dignitaire allemand, le prince Ernst Ratibor-Corvey. Celui-ci suggère à Vaufreland de présenter Chanel au Dr Kurt Blanke qui supervise l’aryanisation et la confiscation des biens juifs depuis ses bureaux de l’hôtel Majestic. Chanel va donc lui demander conseil.

    Dès le début de l’Occupation, Berlin a nommé Blanke, 40 ans, juriste et membre du parti, à la tête du bureau parisien responsable de l’Entjudung, l’«élimination de l’influence juive».

     

    Jusqu’en 1944, il jouera un rôle clé dans la spoliation des biens juifs et le transfert des commerces et entreprises juives dans d’autres mains.

    Chanel et Blanke se rencontrent à l’hôtel Majestic au début de l’hiver 1941-1942. Après cet entretien, elle pense qu’elle se rapproche de la victoire sur les Wertheimer et qu’elle va reprendre le plein contrôle des Parfums Chanel.

     

    Mais elle a lamentablement sous-estimé la clairvoyance et la finesse des deux frères.

     

    De longue date, ils ont conçu un plan pour sauver leurs affaires si les nazis mettaient la France à genoux.

    L’hiver 1943 est extrêmement rigoureux. Les températures chutent, la bise souffle sur Paris. L’humeur plonge en même temps que les thermomètres. L’image de l’ennemi, le bel et fier aryen défilant sur les Champs-Elysées en flirtant avec de jolies demoiselles, se transforme : il s’agit maintenant de soldats autoritaires, arrogants, trop âgés pour se battre sur le front russe. A la réticence résignée du Parisien succède le renoncement lugubre de l’occupé.

    A la fin de l’année, une franche hostilité se manifeste plus ouvertement. En 1943, un dignitaire nazi rapporte à Berlin qu’il n’est plus temps de nier «le rejet de tout ce qui est allemand» et l’espoir partagé par les Français «d’un effondrement imminent de l’Allemagne et d’une victoire alliée au cours de l’année».

     

    Dincklage et Chanel se demandent s’ils pourront échapper à la fureur de la Résistance. Les relations de Chanel avec les nazis, son antisémitisme virulent et sa déclaration :«La France a eu ce qu’elle méritait», faite lors d’un déjeuner sur la Côte d’Azur en 1943, sont enregistrés dans les dossiers des renseignements français de Londres. Ainsi Chanel, Jean Cocteau et Serge Lifar [nommé par Göring à la tête des ballets parisiens] sont-ils désignés à la vindicte. Dincklage sait sa vie menacée.

    Les agents clandestins britanniques et français travaillant en France et les Français libres de Londres possèdent des dossiers relatifs à ses missions sur la Côte d’Azur, à Paris et en Suisse.

    Sa coopération avec la Gestapo, les juifs qu’il a dénoncés en France et le fait qu’il ait rencontré un jour Hitler, tout est consigné. C’est désormais inévitable : Chanel et Dincklage subiront des représailles. Ils savent que le rideau descend sur leur petit monde.

    Mais ils ont un plan. Elle doit rencontrer son vieil ami l’ambassadeur britannique sir Samuel Hoare, à Madrid. Il s’agit d’une répétition de sa mission madrilène avec Vaufreland, mais cette fois c’est une cause en laquelle elle croit. Chanel sait, grâce à Sir Samuel, qu’elle pourra correspondre avec le duc de Westminster à Londres via le réseau de communication de l’ambassade britannique à Madrid.

     

    Avec l’aide de Bend’or, elle espère informer le Premier ministre Churchill que certains dignitaires nazis voudraient renverser Hitler et cesser les hostilités avec la Grande-Bretagne.

    Churchill doit le comprendre : il serait désastreux que l’Allemagne tombe aux mains de l’Union soviétique. [Cette opération baptisée«Modelhut» mènera Chanel jusqu’à Berlin fin 1943, à la rencontre de Schellenberg, homme de confiance d’Himmler.]

    Depuis 1942, la couturière figure sur les listes noires officielles des Forces françaises de l’intérieur. En cette première semaine de septembre 1944, une poignée de jeunes FFI la conduisent devant un comité d’épuration.

    Les biographes de Chanel révèlent qu’elle méprise ces jeunes en bras de chemise, chaussés de sandales.

     

    Cependant, le groupe qui l’interroge ne sait rien de son travail clandestin ; ils ignorent tout de sa collaboration avec l’Abwehr ou de sa mission en 1941 avec Vaufreland à Madrid.

     

    En outre, ils ne connaissent pas son rôle clé dans la mission «Modelhut».

     

    D’après tous les récits, Chanel se sent plus insultée par la grossièreté et la conduite des FFI que par son arrestation.

     

    Après quelques heures d’un interrogatoire mené par le comité d’épuration, elle revient rue Cambon.

     

    Selon sa petite-nièce, Gabrielle Palasse-Labrunie, lorsque Chanel rentre chez elle, elle explique à sa fidèle Germaine : 

    «Churchill m’a fait libérer».

    Bien qu’il n’y ait pas de preuve, Mme Labrunie et certains biographes de Chanel pensent que le Premier ministre [ami de la créatrice avant-guerre] est intervenu en personne pour la faire relâcher, par l’intermédiaire de Duff Cooper, l’ambassadeur britannique auprès du gouvernement provisoire de De Gaulle.

     

    Paul Morand écrit à ce propos que Churchill a ordonné à Cooper de «protéger Chanel». Germaine, la femme de chambre, s’est livrée à la petite-nièce de Chanel : 

    «Après le départ de Mademoiselle de la rue Cambon, elle a reçu un message urgent [du duc] de Westminster» par l’entremise d’une personne inconnue qui lui a dit : 

    «Ne perdez pas une minute, [...] quittez la France».

    Quelques heures plus tard, Chanel part dans sa Cadillac avec chauffeur en direction de la Suisse, et plus précisément de Lausanne.
     

    • Article paru dans le numéro 805 de Marianne, daté du 22 septembre 2012.

     

    et ces liens

    http://fr.timesofisrael.com/coco-chanel-espionne-des-nazis-sous-loccupation/

    http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20110824.OBS9081/coco-chanel-agent-de-l-allemagne-nazie.html

     

     Elle est d'abord chanteuse de music-hall :

    un soir de 1905, elle chante

    « Qui qu'a vu Coco dans le métro »

    et en gardera son surnom.

     

    Elle ouvre sa première boutique de chapeaux en 1909 à Deauville, puis à Biarritz et Paris. Indépendante, résolument libre de ses idées et de ses choix, elle est aussi ingénieuse et audacieuse. A ses mannequins, coiffés à la garçonne, comme elle, elle fait porter des pantalons, et raccourcit considérablement leurs jupes.

     

    Très vite, elle se retrouve à la tête d'une équipe de centaines d'employées, et de cinq immeubles.

    Parmi ses créations phare, le cultissime parfum N°5, en 1921, dont Marilyn Monroe avait dit qu'elle le portait pour dormir. Le double C qui est apparu sur son flacon est resté le symbole de la maison. Aux événements de mai 1968, la vague hippie change la donne de la mode.

     

    Chanel devient tyrannique, s'enferme dans son monde, fait d'essayages, de défilés, de mannequins et de courtisanes

    Le 10 janvier 1971, à l'âge de 87 ans, elle meurt dans sa suite de l' Hôtel Ritz à Paris. Elle est enterrée au cimetière du Bois-de- Vaux à Lausanne, Suisse.

     


    Son auteur, Hal Vaughan, un journaliste américain installé en France, affirme s'être appuyé sur de très nombreuses archives françaises, anglaises, allemandes et américaines.

     

     

    Dans «Sleeping with the enemy, Coco Chanel's secret war» (Au lit avec l'ennemi, la guerre secrète de Coco Chanel), il affirme qu'en 1940, à 57 ans, Gabrielle Chanel, dite Coco, est recrutée par l'Abwehr, les services de renseignements de l'état-major allemand. Elle devient alors l'agent F-7124, nom de code Westminster, du nom de son ancien amant et ami le duc de Westminster.

    «Elle estimait après 1933 que Hitler était un grand européen»

    «Férocement antisémite bien avant que cela soit un moyen de plaire à l'occupant allemand, elle devint riche en se faisant apprécier des très riches et partageait leur détestation des juifs, des syndicats, des francs-maçons, des socialistes et du communisme. Elle estimait après 1933 que Hitler était un grand européen», écrit l'auteur, spécialiste de la Seconde guerre mondiale. 

    Pour l'Abwehr, raconte-t-il, elle se rend en mission en Espagne en août 1941 avec un autre agent, le baron Louis de Vaufreland, chargé de recruter de nouveaux agents. Elle espère, précise l'ouvrage, obtenir en échange la libération d'un neveu emprisonné dans un camp allemand, André. Elle est alors très amoureuse d'un officier allemand et agent nazi, le baron Hans Gunther von Dincklage, dit «Spatz», avec lequel elle entretiendra une très longue liaison.

    C'est lui qui, selon Hal Vaughan, lui permet durant ces années d'occupation de vivre au 7e étage du Ritz à Paris, hôtel de luxe fréquenté notamment par Hermann Goering et .

    Grâce aux nazis, elle aurait tenté de prendre le contrôle du parfum Chanel

    Coco Chanel (1883-1971) fut interrogée par les FFI à la Libération sur des soupçons de collaboration liés à sa prestigieuse adresse du Ritz. Mais elle a farouchement nié. Un autre livre («Les comtesses de la Gestapo»), paru en 2007 en France, accréditait déjà cette thèse.

    L'auteur la dédouane aussi, un peu, la présentant plus comme une femme passionnément amoureuse qu'une collaboratrice convaincue. Avant de l'égratigner férocement : elle aurait tout de même utilisé ses nouvelles relations pour ravir la propriété de Chanel n°5 des mains de la famille juive Wertheimer, avec qui elle s'était associée en 1924, six ans après la naissance du parfum le plus célèbre de la planète, pour le produire et le distribuer dans le monde entier. En vain : la maison aux deux C enlacés appartient toujours, et intégralement, à Alain Wertheimer et Gérard Wertheimer, les petits-fils de Pierre.

    Un deuxième livre, «Coco Chanel : an intimate life», à paraître en novembre, évoque aussi, moins largement semble-t-il, cette partie de la vie de la créatrice. 

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    Postoloprty : massacre en catimini

     Jaroslava Gissübelová

     

          

     

     

    Postoloprty, Postelberg en allemand, est une ville d’un peu plus de 5000 habitants, dans la région d’Ústí nad Labem, en Bohême du nord.

     

    Ses origines remontent à l’an 1125.

     

    Le nom de la commune est tristement connu pour avoir été, en juin 1945, le lieu du plus grand massacre commis contre les Allemands des Sudètes sur notre territoire.

     

    64 ans après, l’histoire sombre qui s’inscrit dans le cadre de l’expulsion sauvage des Allemands des Sudètes du territoire de la Tchécoslovaquie d’après-guerre, est partiellement dévoilée. La police a retrouvé deux des auteurs du massacre qui fut pendant plus de 40 ans un tabou du régime communiste.

     
    Télécharger: MP3
     

     

    Plusieurs milliers de citoyens allemands de la région de Postoloprty ont été rassemblés, fin mai 1945, dans les casernes locales pour être ensuite envoyés dans un camp provisoirement aménagé dans l’ancienne faisanderie.

     

    Là bas, ils ont du attendre leur expulsion ‘dans les règles’ établies par la conférence de Potsdam, hors du territoire des anciennes Sudètes.

     

    Ce fut le cas des femmes, des enfants et des personnes âgées.

     

    Mais plus de 760 hommes ont été fusillés sans jugement, dans la faisanderie, et leurs corps jetés dans des fosses communes. Parmi eux, cinq garçons étaient âgés de 12 à 15 ans. Aujourd’hui, on connaît les noms des assassins de ces cinq garçons.

     

    Ils étaient deux : le capitaine de l’armée tchécoslovaque Vojtěch Černý et le commandant de police Bohuslav Marek.

     

    L’enquête ouverte aussitôt après 1989 par la police tchèque a été trois fois suspendue, faute de preuve.

     

    On écoute Šárka Poláčková porte-parole de la police criminelle de Žatec qui a fini par retrouver les deux hommes :

     

     

     

    Bohuslav Marek (le deuxième à gauche), photo: ZDF

     

    « L’enquête a été rouverte en 2006 à l’initiative de la police allemande. En trois ans, on est parvenu à réunir suffisamment de preuves permettant d’identifier les auteurs des cinq meurtres. Ni l’un ni l’autre ne seront traduits en justice car ils sont morts, tous les deux. »

    Bohuslav Marek est décédé en 1969, Vojtěch Černý en 1991. Lors de l’enquête, la police tchèque s’est adressée aux survivants allemands expulsés après la guerre en Allemagne. Entre 2007 et 2009, elle a entendu 37 témoins. La plupart d’entre eux étaient présents dans la faisanderie au moment de l’exécution.

     

    A l’exception de quelques détails, ils ont témoigné à l’unanimité de ce qui s’était passé, en identifiant sur des photographies Bohuslav Marek.

     

    De leurs dépositions, il ressort que les garçons ont été arrêtés lors d’une tentative de fuite du camp d’internement. Des gardes les ont battus, puis, sur ordre du capitaine Černý, exécutés sous les yeux des autres détenus.

     

    Le site du serveur Aktualne.cz est le premier à avoir publié les résultats de l'enquête et les noms des coauteurs du massacre de Postoloprty.

     

    Prokop Tomek, photo:

     

    Des multiples excès commis en cette période agitée d’après guerre, le massacre de Postoloprty a été le plus dramatique, observe l’historien Prokop Tomek :

     

     

    « Entre 800 et 1000 personnes y ont été tuées. Les évaluations les plus modérées dénombrent 10 000 homicides commis lors de l’expulsion sauvage : le nombre de victimes lors du massacre de Postoloprty représente donc un dixième des civils allemands ayant trouvé la mort sur notre territoire. En plus de cela, il faut distinguer le cas de Postoloprty des excès relevés ailleurs. Ici, ce fut l’armée tchécoslovaque implantée dans la région qui a procédé à ‘l’épuration’ du territoire. La situation était tout autre par exemple dans le cas de la marche de mort de Brno tristement connue : cette marche a elle-aussi été à l’origine d’un véritable drame humain mais il s’agissait alors d’un acte spontané, d’un débordement de haine après la guerre.

    Pour ce qui est des autres affaires jamais élucidées, elles sont toujours relativement nombreuses. »

     

     

    Photo: www.nacionaliste.comPhoto: www.nacionaliste.com

     

    Lors de la marche de mort de Brno, les 30 et 31 mai 1945, près de 20 000 Allemands ont été sauvagement expulsés de la métropole morave, parmi lesquels 1700 sont morts.

     

    Le 9 juin 1945 à Chomutov, au nord de la Bohême, 140 Allemands ont été tués.

     

    Le 18 juin, dans la commune morave de Horní Moštěnice près de Přerov, une expulsion sauvage a fait 300 victimes.

    Même avant le coup de Prague de février 1948, une enquête sur le cas de Postoloprty avait été ouverte, avant que ne règne un long silence, observe l’historien Tomek :

     

     

    Les casernes de Postoloprty

     

    Les casernes de Postoloprty

     

    « Une commission parlementaire a été créée en 1947 pour enquêter sur l’affaire. On a procédé à l’exhumation de 763 corps, mais en réalité c’était plutôt une tentative de balayer les traces. Les corps ont été ramenés au crématoire et incinérés secrètement. De ce fait on ne pourra plus jamais identifier les personnes mortes ici, connaître leurs noms, savoir combien elles étaient. La loi 115 en vigueur en 1946 justifiait, en fait, des actes motivés par le sentiment de revanche pour les crimes nazis. »

    Dans quelle mesure, le fait de retrouver, 64 ans après, les personnes concrètes responsables du massacre de Postoloprty, est-il important pour Peter Barton, directeur du bureau du Rassemblement sudéto-allemand à Prague ?

    Peter Barton, photo: www.sks-praha.com

     

    Peter Barton, photo: www.sks-praha.com 

     

    « Je dirais, tout d’abord, Dieu merci qu’il en soit ainsi, que 64 ans après, on ait pu en arriver là, mais bien entendu, pour les familles qui y ont perdu leurs proches, leurs amis, il est peu important de savoir qui avait pris part aux assassinats, rien ne peut les justifier. Mais c’est, au moins, une partie de la justice, et il est important, à mon sens, de s’occuper de ces affaires, même après tant d’années, pour faire triompher la justice, quand même. »

     

     

    Un mémorial des victimes civiles de guerre allemandes mais aussi tchèques sera érigé à Postoloprty.

     

    Selon le maire Miroslav Hýlek, il faut mettre un point final aux tristes souvenirs du passé.

     

    L’idée d’un mémorial commun a toutefois ses opposants qui se demandent si cela constitue réellement un pas vers une mise au point historique.

     

     

     

     

     

     

     

     

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    ruines de Berlin en 1945
     

    C'est ce même jour, qu'elle appelle « le jour de la catastrophe », que la Berlinoise anonyme de notre chronique subit le sort du vaincu :


    « Dehors, c'est un défilé sans fin ; des juments rebondies, des poulains entre les jambes ; une vache qui réclame en meuglant le trayeur.

     

    Voilà qu'ils installent la roulante au garage d'en face. C'est la première fois que nous voyons des figures humaines ; de larges crânes, tondus ras, des gaillards bien nourris, d'humeur joyeuse.


    « Mais dans toutes les caves on chuchote, on tremble.

     

    Si quelqu'un pouvait décrire la vie grouillante et effrayante de ce monde souterrain, cette vie retirée, divisée en alvéoles, les uns ignorant l'existence des autres! Dehors, le ciel est bleu, sans nuages...


    « Je recule vers la cave, traverse la cour intérieure. Il me semble avoir semé le Russe qui me poursuivait. Mais soudain, il se dresse à mes côtés, se glisse avec moi dans la cave. Il titube, éclairant nos visages, un à un, avec sa lampe de poche. La cave se fige en glace... »


    Cette femme parle un peu le russe, elle peut s'entretenir avec les vainqueurs. Mais ce jour-là ses connaissances linguistiques ne lui sont d'aucun secours, pour utiles qu'elles se révéleront par la suite.
    « Je hurle, je hurle... Derrière moi, la porte de la cave se ferme.

     

     

     chute de Berlin en 1945

     

     

    L'un d'eux me prend par les poignets et me pousse dans le couloir.

     

    L'autre m'entraîne aussi en appliquant sa main sur ma gorge; je ne peux plus crier, je n'ose plus crier de peur d'être étranglée.

     

    Tous deux me houspillent, voilà que je tombe à terre. Mon trousseau de clefs retentit d'un bruit métallique sur les dalles. Ma tête heurte la marche inférieure, je sens le ciment touchant mon dos.

    En haut, devant la porte d'entrée, par où filtre une faible lumière, un des hommes fait le guet... »

     

     
     
     
    réfugiés allemands en 1945
     
     
    Mme J. résume ainsi ses impressions :
     
     
    Le comportement des soldats soviétiques était ambivalent.  
     
    Ils n'avaient pas la moindre pitié pour tout être féminin qui tombait entre leurs mains; mais ils prenaient soin des malades et des blessés.  
     
     
    Lorsque le professeur Sch. refusa un jour l'accès du bunker à une femme allemande assez gravement blessée parce qu'il ne voyait aucun moyen de la traiter ou de la loger, les Russes insistèrent sur un ton péremptoire et exigèrent que le professeur l'opérât.
     
     
    Les officiers russes étaient pimpants et courtois;
     
     
    les soldats marqués par d'âpres combats, mais ni déguenillés ni sales.
     
    Le pire était ces infects Mongols qui nous abordaient sans cesse et que nous ne comprenions pas !  
     
     
     
    berlin 1945
    D'un récit que le pasteur Heinrich Grüber a mis à ma disposition, je relève les phrases suivantes :
     

    Nous commençâmes à enlever les barrages antichars et à combler les tranchées.
     
    Les vivres encore disponibles furent collectés et rationnés.
     
    Pour constituer quelques réserves, des hommes furent chargés de s'emparer des chevaux blessés et de les abattre.
     

    Il fallut bientôt transformer la maison paroissiale en hôpital militaire; dans la demeure de l'Ortsgruppenleiter, on installa une maternité.
     
    On y soignait aussi les femmes violées.
     
    Les excès se multipliant, j'en appelai au commandant soviétique.
     
     
    On me promit de punir les responsables, mais nous ignorions la plupart du temps leurs noms.
     
     
    Il arrivait aussi que des soldats pris en flagrant délit fussent abattus d'un coup de pistolet par leur officier.
     
     
     
     
     
     
     
    atrocités dans Berlin en 1945

     

     

    Les récits allemands nous fournissent-ils un tableau plus complet, plus véridique?

     


    Oui, je me souviens de l'arrivée des Russes,

    nous dit Mme P.

    Un soldat soviétique grimpa sur les barricades près de la station de métro, Weinmeisterstrasse, et agita un drapeau rouge.

     

     

    Trois ou quatre Berlinoises lui sautèrent au cou.

     

    Les soldats se précipitèrent dans les caves et se livrèrent au pillage.

     

     

    Ils emmenèrent aussi des femmes et des jeunes filles, mais ma cadette (17 ans à l'époque) put se cacher.

     

    Dans la maison de derrière on assista bientôt à un vrai trafic de femmes.


    Mme J. est depuis 1933 secrétaire de direction dans une clinique de gynécologie de Charlottenburg :

     


    A cette époque, j'étais dans le service du professeur Sch. Pendant trente ans, jusqu'en 1952,

     


    il avait rempli les fonctions de médecin-chef.

     

    Le 30 avril 1945 les Russes se présentèrent dans notre villa à Westend et mirent tout le monde dans la rue. Ma mère et moi fûmes accueillies par des amis ; mais d'affreux excès nous obligèrent à nous réfugier dans la clinique.

     


    C'était le ler mai.

     

    Les Russes avaient également occupé la clinique et l'on nous conseilla d'aller ailleurs, car les Russes préparaient de grandes festivités. Il était facile de s'imaginer ce qu'ils feraient après avoir bu.

     

    Je réussis à me grimer en petite vieille.

     

    Les malades — il n'y avait plus qu'une douzaine de cas graves — ne risquaient rien, puisqu'elles se trouvaient dans la partie de l'établissement restée clinique ; les autres ailes du bâtiment avaient été transformées en campement.

     

    Ils occupèrent aussi les étages supérieurs, évacués par nous depuis quelque temps à cause des bombardements et de la canonnade.


    Une salle de l'établissement servait aux Russes d'écurie. Une autre, d'hôpital militaire. Pendant les toutes premières opérations, nos infirmières devaient tenir des lampes à pétrole. Les soldats russes se présentèrent au bureau de mon père et lui demandèrent :

     

    • Toi professeur? »

     

    Ravis d'apprendre qu'il était médecin, ils se firent traiter par lui : leurs maladies vénériennes, dont ils avaient une peur sans bornes, étaient la plupart du temps imaginaires.

     

    On ne se demande jamais qui étaient ces soldats de l'armée Rouge, sans même parler des motifs qui les poussaient à la violence.

     

    Personne n'a jamais entrepris 1 jusqu'à ce jour le moindre effort pour jeter ! quelque lumière sur les faits. Il est courant mais grotesque d'affirmer,

    qu'un homme de lettres soviétique d'origine juive du nom d' Ilya Ehrenbourg aurait pu « inciter » les millions de soldats de Joukov et de Koniev

    à déshonorer les femmes allemandes.

     


    D'autre part, les citoyens soviétiques qui sont au courant de violences subies par les femmes allemandes de la part de militaires ayant appartenu au ler front de

     

    Biélorussie ou au ler front d'Ukraine considèrent qu'il s'agit d'un sujet tabou. Un Allemand entretenant des relations amicales avec un citoyen soviétique au point de discuter avec lui très franchement de toutes sortes de problèmes ne doit pas s'aviser de toucher à ce sujet I

     

    On comprend d'ailleurs qu'un Allemand soit mal placé pour évoquer

    ce chapitre en Russie étant donné les atrocités commises dans ce pays.

     


    On peut résumer l'attitude allemande et l'attitude soviétique

    face aux viols de la manière suivante :

     

    pour les Allemands, il n'y avait que cela;

    pour les Soviétiques, les viols n'existaient pas.

     

     

     

    berlinoises en 1945


    Vingt ans après la fin de la guerre, on propose toujours, en U.R.S.S., l'image immaculée du combattant de Berlin telle que la Pravda l'avait créée en mai 1945 :

     

    le soldat soviétique y faisait figure de héros et de missionnaire appelé à servir de modèle au fasciste corrompu et à ses victimes fourvoyées.

     

    Plusieurs textes affirment que les Berlinoises considéraient les récits de viols par les soldats soviétiques dans les territoires occupés par eux, et surtout en Prusse-Orientale, comme de la propagande nazie, si bien qu'elles étaient mal préparées au danger qui les menaçait.


    . On notait que les soldats soviétiques s'acharnaient contre les femmes et jeunes filles surtout pendant les premières heures et les premiers jours de l'occupation; d'autres, en revanche, prétendent que les combattants de la première vague se sont comportés correctement et que ce furent les unités d'occupation qui mirent la ville à feu et à sac.

     

    Selon ces derniers témoignages, les journées les plus funestes furent celles qui suivirent les deux premiers jours.


    Mais ce n'était certainement pas la règle : tous les témoignages concordent pour affirmer que les premiers soldats de l'armée Rouge se précipitaient déjà, une torche électrique à la main, dans les caves pour s'emparer aussitôt de leurs victimes.


    OÙ étaient passés les hommes allemands qui auraient dû défendre leurs femmes? Nous savons que le célèbre acteur Friedrich Kayssler fut abattu d'un coup de pistolet parce qu'il était intervenu contre l'agresseur de sa femme de ménage.

     

    Nous savons qu'une demi-douzaine de Berlinois (parmi des centaines d'autres) payèrent leur courage de leur vie.

     

    Nous savons qu'une douzaine d'autres réussirent (en réalité, il y en eut probablement quelques centaines) à préserver leurs femmes et d'autres femmes, en usant de circonspection et de ruse.

     

     

    Ethnic German survivors of the death march from the Polish city of Lodz arrive in Berlin, Dec 14, 1945. These are the only survivors of a group of 150.:  

    Friedrich Luft raconte :


    La maison voisine s'était écroulée la veille, fauchée par un obus.

    Trois personnes avaient péri dans le sous-sol.

     

     

    This German woman and her baby are two survivors of the 1945 Łodz death march which involved all ethnic Germans who lived in that Polish city. Their expulsion in the middle of winter caused many of them to die from exposure. The two in the photo are among the ten who survived, and reached Berlin, out of a group of 150. (December 14, 1945):

    J'ignore ce qui nous poussa à les retirer des décombres :

     

    probablement le goût bien connu de l'Allemand pour le travail bien fait. Nous avons donc récupéré les corps pour les déposer dans notre jardin; là nous les avons couverts d'un tapis.

     

    berlinoise dans berlin en 1945


    Plusieurs jours de suite, je jouai aux Russes la même comédie macabre :

     

    je les conduisais au jardin, pendant que nos femmes se cachaient dans les combles et, retirant le tapis, leur montrais deux cadavres de femmes en éclatant en sanglots.

     

    Je constatais, non sans émotion, que les Russes fondaient également en larmes et m'offraient parfois, en se signant de la croix (qu'ils portaient sur eux),

    un simple morceau de pain.

     

    Ensuite, ils s'en retournaient, tout remués, probablement à la recherche d'autres partenaires.

     

    Mais nos femmes durent leur sécurité, du moins momentanée, à ce stratagème.

     
    femmes dans les ruines de berlin en 1945
     
     
    Nous savons que quelques époux furent forcés d'assister au viol de leurs femmes; on les' laissait parfois en vie, d'autres fois on les tuait.
     
     
     
    Berlin 1945:
     
     
    Quelques-uns n'ont jamais surmonté ce traumatisme psychique.

    Mais les autres, l'immense majorité des hommes allemands s'abritaient derrière le dos des femmes; certains avaient peur et étaient d'une lâcheté défiant l'imagination ; les femmes avaient peur aussi, mais elles étaient d'un courage exemplaire !
     
     
     
    A German girl being led from a Berlin train station –  having been gang-raped by Polish youths (typically, war orphans)  who regularly boarded trains to rob or rape German refugees fleeing Poland:  
     
     
    C'étaient elles qui sortaient des caves pendant les bombardements et les tirs d'artillerie pour chercher de l'eau, pour faire la queue en quête de quelques vivres.

    Avec rien, elles confectionnaient des repas, préparés au feu de bois; elles qui avaient l'habitude de faire la cuisine au gaz et à l'électricité, se mettaient à la recherche de brindilles.
     
    Elles cachaient les jeunes filles et les défendaient contre les soldats soviétiques, parfois en se sacrifiant elles-mêmes
     
    1) Elles apportaient de la soupe aux hommes alités pour des coliques hépatiques ou néphrétiques qui duraient le temps du danger (les femmes ignoraient ce genre de coliques
     
     2) Elles clouaient des planches aux fenêtres sans carreaux; elles déblayaient la ville en gardant dans une certaine mesure leur bonne humeur.
     
     
    SOURCES
     
    http://www.histoire-en-questions.fr/deuxieme%20guerre%20mondiale/allemagnenazie-chute-berlin-propagandes.html

     

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    Je CITE :

     

    Bonsoir,

     
    Je suis la fille du manager de Young Perez, Léon Bellières.

    Je vous joins un article que mon père avait dans ses papiers.

    C'est un article découpé dans un journal de l'époque.


    Je ne peux pas vous en dire plus car mon père est décédé lorsque j'avais 7ans et j'en ai plus de 60.

     
    Je possède quelques de photos de Young, si cela vous intéresse, je peux vous envoyer des copies,

     


    Cordialement.


    Edwige BELLIER


    Image:


    Young Perez (bel) 1.jpg

     

     

    Victor Younki, le petit gars de Tunis, avait vingt ans quand il devint le plus jeune champion du monde francais de l'histoire de la boxe.

     

    Cela se passait le 26 octobre 1931 au Palais des Sports de Paris devant 16000 spectateurs : une victoire par K.O. au deuxiטme round contre Frankie Genaro, catיgorie mouche.

     

    Victoire aussi rapide que ses coups : Younki deroutait ses adversaires par son extraordinaire vitesse de frappe et d'esquive, un feu follet des rings. Il s'etait choisi un nom de guerre : Young Perez.

     



    Mais Young Perez etait juif. En 1942, il est arrete et deporte a Auschwitz. Il tente l'יvasion, est repris, tabassי et en garde de terribles migraines.

     

    Un officier du camp, amateur de boxe, organise un combat sadique entre le minuscule mouche et un poids lourd allemand, que Young Perez a encore la force de battre.



    Trois ans d'enfer passent. Janvier 1945, l'Armיe Rouge approche d'Auschwitz, les nazis transferent des deportés a l'intיrieur du Reich, au camp de Gleiwitz.

     

    Le 22 janvier, Young Perez reussit a piquer un sac de pain qu'il distribue aux copains affames.

     

    Les gardes lui ordonnent d'arrêter.

     

    Il fait mieux : sous leur nez, il enjambe deliberement des barbeles, comme naguere les cordes des rings, pour donner ses quignons de pain.

     

    Il a 33 ans, c'est son 134eme et dernier combat : il tombe sous les balles, comme Gavroche devant la barricade de la rue de la Chanvrerie dans Les Miserables.

     

    Young Perez ne sera jamais un has-been.

     

     

     

     

     

     

     Un documentaire sur le glorieux boxeur est actuellement en préparation sous la direction de Sophie Nahum, sa petite-fille.

     

     

    Sophie Nahum raconte : « Au milieu des années quatre-vingt, mon grand-père André Nahum, alors médecin à Sarcelles, voit arriver une femme dans son cabinet.

     

    Elle lui dit : “Docteur, vous qui œuvrez pour la mémoire des juifs tunisiens (il avait écrit plusieurs livres sur le sujet), ne voudriez-vous pas raconter la vie de mon frère, il a été injustement oublié par l’Histoire ? ”

     Son nom était Victor Perez, son pseudonyme de boxeur : Young ».

     La jeune femme est réalisatrice de documentaire et décide de consacrer un sujet à ce boxeur.

     

    « Ce jeune homme issu du quartier très pauvre de la hara à Tunis, parti à Paris pour boxer, était devenu le plus jeune champion du monde de l’histoire de la boxe en 1931, ils n'avaient pas encore 21 ans.

     

    Quelques années plus tard, il était revenu en héros à Tunis, un stade avait même été nommé en son honneur.

     

    Ce que mon grand père ignorait c’est ce qu’il était devenu par la suite.

     

    Arrêté à Paris, déporté à Drancy puis à Buna Monowitz, le camp de travail d’Auschwitz, puis exécuté après la libération du camp pendant la grande marche. »

     Le destin tragique de ce champion a été évoqué récemment dans un film de Jacques Ouaniche, « Victor ‘Young’ Perez » avec Brahim Asloum dans le rôle titre, précisément inspiré du livre d’André Nahum,

     

    « Quatre boules de cuir ou l'étrange destin de Young Perez champion du monde de boxe, Tunis 1911-Auschwitz 1945 ».

     

     Par le plus pur des hasards, Sophie croise le comédien Tomer Sisley qui lui parle de ce héros qui le fascine. « Lorsqu’il avait entendu parler de Victor Young Perez pour la première fois, lui aussi avait tout de suite bouleversé par son histoire, par le destin tragique de ce juif tunisien adulé, martyrisé puis oublié » raconte t’elle.

     

    La documentariste décide de donner vie à ce boxeur de génie arraché trop tôt à la vie par la Shoah.

     

    Sophie Nahum enchaine les rendez-vous avec des personnes qui ont croisé la route de Victor Perez, tous avaient plus de 80 ans.

     

    « Dans l’instant, j’ai entrevu la possibilité de pouvoir enfin raconter cette histoire dans un documentaire.

     

    Pas un documentaire historique classique non, un documentaire enlevé, accessible à tous, guidé par Tomer un acteur connu, et aimé, c’est sûr, saura attirer l’attention des plus jeunes, les intéresser un peu à la Shoah.

     

    Cette période de l’histoire devenue souvent très compliquée à enseigner dans les lycées » confie t’elle.

     

     

     Avec Tomer Sisley, Laurent Preece qui co-réalise et co-produit et Arnaud Mansir un chef opérateur exceptionnel, le projet devient réalité.

     

    Elle tourne en France, en Pologne et à Tel Aviv, à la rencontre d’hommes qui l’ont connu à Paris où il a vécu et enseigné son sport, à Drancy ou à Auschwitz.

     

    Des rencontres extrêmement fortes avec des compagnons d’infortune qui eux aussi ont traversé l'enfer.

     

    Le film documentaire est tourné mais aujourd’hui les budgets manquent pour conclure ce projet. Un appel est donc lancé auprès d’internautes pour l’aider à la boucler

     

    « Pour moi, ce film est mon plus beau projet » conclut Sophie Nahoum.

     

     

    http://www.actuj.com/2015-02/culture/1461-tomer-sisley-sur-les-traces-de-victor-young-perez

     

     

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