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Les soldats américains, les Tommies anglais regardent d'un air étonné ou scandalisé ces femmes, la tête et le sexe tondus, que l'on promène par les rues, encadrées de mitraillettes vindicatives, ces hommes qui, le cou pris dans le carcan d'un portrait du Führer, sont hués par la foule;
ils assistent au sac des maisons habitées par les collabos; ils feignent de ne pas entendre le claquement des détonations annonçant, ici ou là, quelque exécution sommaire.
Ils interviennent parfois, mais ce n'est pas leur rôle, c'est celui de la nouvelle administration gaulliste.
Et puis, toujours à la poursuite des Allemands, leur passage dans les régions libérées est si bref I
Dans les villes, l'oppression de quatre années d'occupation, les privations endurées, la peur trouvent tout à coup leur exutoire dans l'explosion de la vindicte populaire.
Château-Gontier, qui a connu, la veille même de sa libération, des heures affreuses marquées par l'exécution de sept Français
( otages et résistants) fusillés dans la cour du collège à l'aube du 6 août, voit s'organiser, dès le lendemain, une active chasse aux collaborateurs.
Comme le rapporte Marc Vallée :
« Plusieurs ont réussi à se cacher ou à s'enfuir. Les autres sont arrêtés à leur domicile ou dans les endroits les plus divers où ils ont vainement essayé de se dissimuler. Sous la menace de mitraillettes, par les rues de la ville, ils sont emmenés et emprisonnés... »D'autres, « attachés et en cortège, sont conduits jusqu'au lieu de la tuerie. Là, ils sont obligés d'enlever, poignée par poignée, la terre fraîche jusqu'à ce que soient mis à jour les sept cadavres ».
Ailleurs, quelques femmes ou jeunes filles dont la conduite fut légère avec les Allemands sont fort cruellement tondues à ras sur la place publique et leurs chevelures, ô dérision, accrochées à leurs portes ».Dans toutes les villes de France libérées, grandes ou petites. les mêmes scènes se reproduisent à quelques variantes près : parfois on ajoute à l'humiliation des femmes tondues en leur tatouant des croix gammées sur la peau.
Dans le Midi, les heures de la libération seront parfois atroces.A Nîmes, un pauvre minus qui a revêtu l'uniforme de la Milice est pris à partie par la foule et lynché;à Montpellier, les mères de famille emmènent leurs enfants sages voir fusiller les miliciens.
Ceux-ci sont férocement traqués à travers tout le territoire :il est vrai que leur participation active à la tragique bataille du Vercors, livrée par 20 000 Allemands contre 3 500 maquisards, du 13 juin au 23 juillet 1944, a soulevé une profonde émotion dans toute la France; le rôle des miliciens, particulièrement odieux, a consisté à se faire passer pour une unité F.F.I., révélant ainsi des positions tenues par des résistants qui furent tous exterminés.Il est vrai aussi que la vengeance n'atteint pas toujours les seuls responsables : au Grand-Bornand, siège de l'école des cadres de la Milice, où des dizaines de miliciens sont fusillés, il y a parmi eux de tout jeunes gens, presque des enfants, de quinze à seize ans; on leur promet la vie sauve s'ils renient leur uniforme.Les malheureux ont le triste courage de refuser et de tomber en criant :Vive la France I
On ne tue pas que des miliciens.Il n'y a pas que la couleur de l'uniforme qui soit criminelle, il y a aussi celle de la peau :les gitans et autres romanichels ont, dans les maquis, la fâcheuse réputation d'être des indicateurs. Malheur aux roulottes ILes tziganes, capturés, sont emmenés pour une « corvée de bois »et abattus en cours de route.Mais il y a aussi l'anonyme troupeau des civils innocents tués par un cruel destin :pourtant il avait fait du renseignement au profit des Anglais.
Destin de l'ancien combattant, fervent pétainiste, du médecin dévoué pour qui les partis n'existent pas, destin du chef d'entreprise payant de sa vie la mise à la disposition de l'Allemand de ses usines ou ateliers.Mais on meurt encore pour moins que cela :d'une imprudence verbale, d'un rendez-vous pris avec un collaborateur notoire, d'une rencontre fortuite avec l'occupant et pour des motifs n'ayant rien à voir avec la guerre.http://www.histoire-en-questions.fr/vichy%20et%20occupation/francais%20contre%20francais/chasse%20aux%20collabos.html
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Papillon réalisé sur une étiquette scolaire préencollée, appelant les jeunes à se mobiliser contre la Milice qui traque les requis du Service du travail obligatoire (STO) et à rejoindre les Forces unies de la Jeunesse patriotique (FUJP) qui regroupent depuis la fin 1943 les principales organisations de jeunes de la Résistance.
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Le chagrin et la pitié
Dans Le chagrin et la pitié de Marcel Ophuls (1969), diverses figures de la vie de Clermont-Ferrand sous l’occupation sont soumises à l’œil de la caméra et interviewées.
Le film donne une impression pénible qui tient au choix du réalisateur.
Aucun commentaire d’ensemble, pas de discours historique.
Par contre, droit absolu au témoignage. Inévitablement, l’opération tourne à l’autojustification, qui prend elle-même la tournure d’une autosatisfaction.
Il y a quand même des exceptions. Les frères Grave, agriculteurs, résistants, déportés à Buchenwald, sont de belles figures.
Le fond d’humanité, d’où ils témoignent, les exempt du pénible besoin d’autosatisfaction.
Le témoignage de l’ancien SS français de la division Charlemagne,
Christian de la Mazière est, lui, insoutenable.
Le principe de son autojustification est difficile à saisir (car il se montre plutôt critique envers ses engagements de jeunesse), mais on le sent à la pointe de son autosatisfaction manifeste. On en retire l’impression qu’il est devenu nazi par jouissance d’être ce qu’il était.
C’est du plus terrible en matière de justification de l’inhumain : on expose complaisamment les cheminements de pensée, les circonstances qui ont fait franchir le pas de la barbarie.
On présente son engagement comme le déroulement d’un destin.
Pourtant, un témoignage fait sursauter.
C’est celui du commerçant Marius Klein.
Au moment où Vichy promulguait les lois contre les juifs, il avait glissé, dans le journal local Le Moniteur, une annonce où il avertissait sa clientèle qu’il n’était pas juif (comme son nom pouvait le faire penser). Surpris par la caméra, près de trente ans après les faits, il tente lui aussi de se justifier.
Mais sa justification ne peut être de même nature que celle des autres acteurs de cette chronique.
Il n’a pas à assumer un acte de grande infamie, il ne peut évidemment pas se tresser des lauriers non plus. Il doit simplement assumer un acte de petitesse, de petite lâcheté. Lui qui n’était pas juif, il a tenu, en 1941, à faire savoir qu’il ne l’était pas, pour éviter les persécutions.
Dans un entretien récent, Marcel Ophuls tient absolument à en faire le représentant d’une
« forme d'antisémitisme tout à fait "ordinaire," et finalement plus menaçante que les déclarations des ultra fachos politiques actuels !
Or c’est là un aveuglement, lui-même né d’une autosatisfaction typique de l’intellectuel d’aujourd’hui. Marius Klein, voilà l’ennemi véritable, voilà la vraie menace. Le boutiquier de Clermont Ferrand qui a tremblé pour son commerce et, avec ses petits moyens (une annonce dans un journal local qui serait passée inaperçue sans la caméra de Marcel Ophuls), a tenté de parer au danger.
Oui, ce n’est pas glorieux.
Mais ce n’est pas, non plus, terrifiant.
C’est simplement la lâcheté ordinaire, banale.
Or que se passe-t-il ? C’est bien lui qui recueille l’infamie dans ce document de plus de quatre heures. Les autres acteurs de l’époque ont, eux, l’occasion inespérée de sculpter leur propre statue.
Le chagrin et la pitié utilise aussi quelques documents filmés de l’époque. Je voudrais attirer l’attention sur un d’entre eux.
Si l’on a le DVD, je conseille de le visionner attentivement, et de faire un ou deux arrêts sur image. Ce sont quelques rushes d’une scène de femmes tondues. J’aurais aimé trouver sur le net une image de cette scène.
A défaut, je montre celle-ci, qui sera parlante à sa façon.
Dans les images du film, on voit une sorte de podium dressé dans un lieu public. Trois femmes se font tondre sous les lazzis de la foule. Un personnage retient particulièrement l’attention.
C’est un type qui a sauté sur le podium. Il paraît accoutré en FFI. Il n’a pas d’arme cependant. D’une manière un peu grotesque, des jumelles pendent à son cou. Elles paraissent être le seul insigne de sa fonction. Sans doute a-t-il joué un rôle non négligeable dans les derniers combats contre le nazisme, puisqu’il a des jumelles à son cou.
Que fait-il en ce lieu, où l’on voit un coiffeur tondre très professionnellement trois malheureuses pour la plus grande joie des assistants ?
Il fait le pitre. Cela devait être très important pour lui de faire des pitreries, à ce moment-là.
Je suis resté longtemps à méditer sur ce personnage. Je n’arrivais pas à me détacher de lui. Je sentais qu’il fallait en dire quelque chose. Il aurait eu le droit de passer lui aussi à l’histoire, au même titre que le boutiquier qui n’était pas juif et tenait à le faire savoir. Hélas, nul réalisateur de documentaire pour la télévision n’a cherché à retrouver sa trace.
Le témoignage qu’il aurait pu apporter, dans cette chronique d’une ville française sous l’occupation, n’existe nulle part.
Et voilà finalement ce que je cherchais à penser mais n’arrivais pas à formuler : c’est bien ce témoignage qui manque.
Cette horreur-là, il aurait fallu en écouter l’autojustification.
Pour apprécier ces vidéos - cliquer sur le logo central de RADIONOMY
( colonne gauche, en bas )le fond musical du blog sera supprimé.
attention, certaines vidéos sont dures...
la triste réalité de l'histoire de France
Chronique d'une ville française sous l'Occupation
17 juin 1940
25 août 1944
Le chagrin et la pitié est un documentaire réalisé en 1969 par Marcel Ophuls qui retrace la défaite de la France en juin 1940 et l'Occupation à Clermont-Ferrand.
Mais le réalisateur ne se cantonne pas à cette ville de la France profonde et son œuvre raconte une des périodes les plus tragiques de l'histoire de la France et des Français à travers différents témoignages et images d'archives.le Chagrin et la Pitié - VIDEO 1
Le Chagrin et la Pitié - vidéo 2
Le CHAGRIN et la PITIE - VIDEO 3
Le CHAGRIN et la PITIE - VIDEO 4
Le CHAGRIN et la PITIE - VIDEO 5
Le CHAGRIN et la PITIE - VIDEO 6
Le CHAGRIN et la PITIE - VIDEO 7
http://philo.over-blog.com/article-le-chagrin-et-la-pitie-112607747.html
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L'épuration
Dans l'ensemble de l'Europe, plusieurs millions de personnes ont soutenu, à des degrés divers, la cause de l'Allemagne nazie.
Pour les opinions des pays occupés, la libération du territoire ne suffisait pas à tourner la page.
Le châtiment des collaborateurs était exigé, partout, spécialement par les organisations de résistance, comme une des conditions nécessaires pour atténuer les souffrances et les déchirures des années de guerre.
Parfois, ces « exécutions capillaires » sont ordonnées sur décisions de petits chefs de maquis locaux.
Pareille mesure touche Léonie B., Solange T., Jeanine L. et Jeanine D. (17 ans), les 12, 13 et 23 septembre 1944.
Dans leurs dossiers respectifs, l’énoncé du « jugement » apparaît en toutes lettres : « À tondre ».
Plus de trois mois après la libération de la Dordogne, le 6 décembre 1944, le lieutenant Jean Méthou, officier du BSM , ordonne la tonte publique de Rose S., couturière, « prostituée d’habitude ».
La sentence est finalement exécutée à la prison de Bergerac
L'exigence de morale et de justice n'était pas seulement ressentie comme un devoir de fidélité à l'égard des morts.
Elle conditionnait l'avenir et les efforts de reconstruction.
Nommée épuration en France, la répression de la collaboration prend des formes diverses [...] l'épuration judiciaire s'accompagne d'écarts importants dans la sévérité des peines prononcées en fonction des lieux, des juridictions et de la date du jugement. [...]
L'épuration extra-judiciaire (menée en dehors des tribunaux légaux)
a fait de 9 000 à 10 000 morts, en grande majorité entre le 6 juin 1944 et le retour à un État de droit. Sur les 7 055 peines capitales prononcées par les tribunaux civils et militaires, dans la légalité, 1 700 ont été exécutées.
Je CITE
Ce matin on a bien ri.
Les F F I ont tondu sur la place les collaboratrices…
Sources
http://paril.crdp.ac-caen.fr/_PRODUCTIONS/memorial/femmes/co/module_les%20femmes%20dans%20la%20guerre_5.html
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La terrible humiliation des femmes tondues
Publié le 26/08/2001
Tarn - TARN : Après la Libération d'Albi, le 26 août 1944
La terrible humiliation des femmes tondues DDM
Comme le précise la légende au dos d'une des photos d'époque, c'était à « Albi, samedi 26 août 1944 à 19 heures. Les femmes ayant pratiqué la collaboration horizontale sont tondues sur le Vigan. » Sur les photos, on voit ces femmes, mises à genoux comme en signe d'expiation.
Au nombre de neuf sur les photos, la plupart sont jeunes, parfois belles. Deux hommes, l'un avec une blouse blanche de coiffeur, l'autre vêtu d'une sorte d'uniforme, leur rasent les cheveux aux ciseaux. L'une, déjà tondue, sa chevelure éparpillée autour d'elle, échange un regard avec une autre, qui y passe.
Sur une autre image, prise quelques minutes auparavant, on aperçoit la même debout, bras croisés, attendant son tour.
C'est une jolie brune coiffée avec art, avec une robe blanche qui lui arrive aux genoux.
Une autre, vêtue de sombre, aux cheveux tirés en arrière avec une raie au milieu, passe sa main gauche sur le visage, comme pour écraser une larme.
Tout autour, la foule. Surtout des hommes jeunes. Beaucoup arborent un béret sur la tête et la cigarette ou la pipe au bec.
Rigolards, ils ont l'air de s'amuser beaucoup.
Quelques uns ont un fusil.
A l'arrière- plan, quatre individus sont montés sur quelque chose pour mieux profiter du spectacle.
Cette scène, dont le 26 août 2001 marque le 57e anniversaire, Yves Bénazech, 89 ans, est un des derniers témoins à pouvoir la raconter.
L'auteur du livre « Les Terroristes de l'Espérance », chronique du Tarn sous la Résistance, le fait volontiers, pour l'Histoire.
C'est important pour les générations futures d'expliquer ce qui s'est passé, sur cet épisode peu glorieux de la Libération, comme sur d'autres qui le furent davantage.
La tonte des femmes a marqué les esprits.
Il faut dire ce qu'il en fut réellement.
« Déchainements »
Cet événement sinistre s'est inscrit dans les journées troublées qui ont suivi la Libération d'Albi le 19 août 1944. Avec la liberté retrouvée, relate Yves Bénazech, « tous les déchainements ont été rendus possibles.
Pendant 15 jours à trois semaines, ce fut la pagaïe.
C'était fou. N'importe qui faisait n'importe quoi.
C'était avant que les autorités soient remises en place, avec la nomination d'un préfet, des consignes précises données aux policiers et l'aide des chefs de maquis, qui ont participé à remettre de l'ordre.
Au début, il sortait des gens avec des galons de partout, que l'on surnommait les naphtalinards.
Des types qui n'avaient rien foutu pendant la Résistance ont sorti l'uniforme.
Avant la Libération, on était 2.500 au maquis.
Cinq ou six jours après, on était 10.000 environ.
Des gens que l'on n'avait jamais vus jusque là sont apparus.
Tout un tas de gens qui s'étaient compromis se sont dépêchés de se mettre en avant à la Libération. »
Les femmes tondues ne furent pas les seules victimes de ces exactions.
« Il y a eu des gens tués, on se demande pourquoi.
Parfois par jalousie ou par vengeance.
Pour leur prendre leur femme...
C'est facile quand on a une arme à la main, si on n'est pas bien équilibré. »
Yves Bénazech met la tonte des femmes sur le compte de ces éléments incontrôlés.
Il ne nie pas que des vrais résistants aient pu figurer dans la foule du Vigan:
« Certains en étaient capables. Mais ce n'était pas des ordres donnés par la Résistance.
C'était des actes individuels. Des individus sont allés ramasser des femmes, celles dont ils considéraient qu'elles allaient avec les Allemands.
Certaines couchaient avec des officiers.
Mais il y en avait certainement d'autres qui n'avaient rien fait. Ils sont allés les chercher chez elles. Ils en ont pris d'autres au Bon-Sauveur, parmi les internées. »
Yves Bénazech en connaissait quelques unes de vue, mais ne leur avait jamais parlé.
Ce jeune policier était entré au commissariat d'Albi en 1942.
En tant qu'agent, il participait à des gardes devant les bâtiments allemands, comme la feld-gendarmerie, rue Séré-de- Rivières.
« Le soir, on voyait ces femmes entrer... »
Les femmes tondues « n'étaient pas des prostituées.
C'étaient des femmes libres qui s'étaient mêlées aux Allemands.
Les prostituées n'ont pas été inquiétées.
De leur part, on considérait que c'était normal.
Elles étaient dans des bordels.
Il y en avait un derrière le marché couvert, rue Athon,
il me semble »,
se souvient Yves Bénazech.
Le soir du 26 août 1944, la place était noire de monde « comme tous les jours. Il se passait sans cesse des choses » dans l'effervescence de la Libération. « Le coiffeur du coin avait été réquisitionné.
On lui avait demandé de couper les cheveux aux femmes. » Ensuite, leurs tourmenteurs leur avaient peint une croix-gammée sur le crâne nu et les avaient faites poser, à genoux, alignées l'une à côté de l'autre.
Yves Bénazech parle d'un accès « de bestialité ». Il est très dur envers ses auteurs. « C'est désastreux ce qu'ils ont fait.
Ils adoptaient les méthodes des nazis. Si on recommence à faire ce que les Allemands faisaient, ça ne va plus. On ne s'était pas battus pour ça », dit cet ancien résistant. « Tondre les femmes, c'est une drôle d'humiliation.
La dignité humaine ne comptait plus. »
A l'époque, Yves Bénazech était de retour au commissariat après son passage dans le maquis. Alors âgé de 30 ans, il était chargé de récupérer du matériel et des gens présumés coupables. Quelqu'un, dans la foule qui assistait à la tonte des femmes, l'avait prévenu ainsi que Charles d'Aragon, le vice- président du Comité départemental de la Libération (CDL). Ils sont intervenus pour arrêter ça.
« D'Aragon avait l'autorité pour le faire. Il a pris les ciseaux du coiffeur.
Il a gueulé. Il a dit que c'était indigne. Il leur a fait lâcher les femmes.
On les a libérées et on les a renvoyées sans les embêter.
La foule s'est dispersée. »
Ceux qui les avaient tondues n'ont pas été poursuivis. « Elles ont marché avec les boches. On les tond », déclaraient-ils. « Ils trouvaient ça normal. » Yves Bénazech pense « qu'il y a dû avoir des larmes » chez leurs victimes même s'il n'en a pas vu. « A Toulouse, ils les avaient fait défiler nues. Il y en a une qui s'est suicidée après. »
Plus tard, Yves Bénazech a croisé une ou deux de ces femmes dans les rues d'Albi. Il ne sait pas ce qu'elles sont devenues.
Alain-Marc DELBOUYS.
André, 74 ans: « Ce n'était pas très glorieux »
«Je passais. Je n'ai pas participé ni rien. Je l'ai vu », confie André, 74 ans, de Saint- Juéry. Agé alors de 17 ans, il a assisté à l'épisode des femmes tondues sur le Vigan le 26 août 1944. La place d'Albi était « toujours pleine les premiers temps après la Libération. Il y avait tellement de monde » que le jeune homme d'alors n'a eu qu'une vision partielle de la scène.
Mais il assure que « ce ne sont pas des militaires qui ont fait ça. Il n'y en avait aucun. C'était des civils. Les filles étaient jeunes. Elles avaient 25 ans au maximum, même moins. L'ambiance était assez difficile à décrire. Cela a été fait de manière sauvage. »
André l'interprète comme « une ruée », dans laquelle ces filles se sont trouvées prises.
« Ce sont certainement des vengeances de voisinage, émanant peut-être de gens qui auraient voulu se payer ces filles. Je ne pense pas que c'était des filles de haute moralité. Ce n'étaient pas des prostituées, plutôt des filles faciles. »
« HONTE POUR EUX »
Selon André, elles étaient plus de neuf, plutôt une quinzaine. « Sur les photos, elles n'y étaient pas toutes. Cela s'est peut-être fait en plusieurs endroits. »
Il se souvient en effet d'avoir ensuite, en tant que militaire, avoir gardé des femmes tondues à l'hôpital, « pour les protéger et pour les empêcher de partir ». Cinquante sept ans plus tard, André estime qu'il n'est « pas là pour juger. Mais ce n'est pas très glorieux pour ceux qui ont tondu ces femmes.
Les Albigeois ont leur mea culpa à faire.
Plus tard, cela s'est reproduit sur l'île d'Oléron sur des jeunes filles.
C'était des soldats de mon groupe qui l'avaient fait.
J'avais honte pour eux. Après, je suis allé m'excuser auprès des parents.
Nous étions des libérateurs, pas des justiciers. »
A.-M. D.
Robert, 80 ans: « Elles allaient avec l'ennemi »
Robert Ruffel, 80 ans, de Saint-Juéry, n'était pas sur le Vigan le 26 juin 1944.
Mais il connaissait une des filles tondues à la Libération.
« Elle habitait rue de la Rivière à Albi. Elle avait 20 ou 25 ans.
On se tutoyait.
Pendant l'Occupation, elle se baladait avec un Allemand. »
Après la Libération, pour masquer sa chevelure perdue, la jeune femme
« portait un foulard, comme toutes ».
Il n'en a jamais parlé avec elle, mais Robert Ruffel pense que « ça a été terrible » pour cette fille « connue dans Albi. Ce n'était pas une prostituée.
C'était une fille sérieuse. Et puis il a fallu cette saleté de guerre...
Après qu'elle ait été tondue, ça été fini. Elle était devenue très maigre. Elle est morte peut-être une dizaine d'années après. »
Il suppose que c'était « de chagrin ».
Pourtant, l'octogénaire n'est pas tendre envers ces femmes qui « faisaient » avec les Allemands, avec qui elles « se promenaient bras dessus, bras dessous.
Elles s'affichaient avec l'ennemi. Je dis que ceux qui les ont tondues ont bien fait. »
« Leur table était garnie... »
« Ce n'était pas normal d'aller avec les Allemands, ajoute Evelyne Ruffel, l'épouse de Robert. Elles, elles avaient tout ce qu'elles voulaient, et nous, on crevait de faim. Quand on n'avait plus de pain, elles avaient tout ce qu'il fallait sur la table.
En plus, nos maris risquaient leur vie.
-Au STO, où j'ai passé trois mois, on s'est retrouvé un jour avec un pétard sur le ventre, simplement parce qu'on s'abritait de la pluie.
Ça ne fait pas plaisir », fait valoir Robert. « Et ceux qui ont été torturés?
C'est pire que de se faire couper les cheveux.
Si on m'avait donné à choisir, j'aurais dit: Rasez-moi la tête! »
Peut-être que la femme qu'il connaissait agissait par amour?
« Ne dites pas n'importe quoi », dit Robert, pour qui elle était plutôt motivée
« par la faim ».
A.-M. D.
SOURCES
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