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    Chronique de livre:

    Je suis Partout.

    Anthologie (1932-1944). (Auda Isarn, 2012)

     Je suis partout. Anthologie (1932-1944).

    Editions Auda Isarn (2012)

     

     

    Je suis Partout (JSP), le nom maudit... ou tout du moins mal connu. On a tous, en général, des idées sur ce qu'était ce fameux journal « collaborationniste » à la réputation sulfureuse; on a parfois lu quelques articles ici et là mais pas de quoi, je pense, se faire une idée très précise sur cette aventure de presse française à la sauce fasciste... La présente anthologie de textes parus sur 12 ans est donc une excellente introduction en la matière.

     

    En effet, le choix des articles reproduits ici diverge tant par les sujets que par les auteurs, ce qui permet d'obtenir un aperçu assez général de ce que fut JSP. 

    Le ton de nombre d'articles du présent recueil sera considéré

     

    comme radical voire violent.

     

    Oui, Je suis Partout était un journal de conviction où l'on ne mâchait pas ses mots et où l'on revendiquait haut et fort les étiquettes de fasciste, de nationaliste, d'antisémite ou d'anti-maçon.

     

    C'est l'époque. Tous les contributeurs de JSP n'avaient pas forcément les mêmes parcours ou idées sur tout, même si tous partageaient antisémitisme et anti-bolchevisme.

     

    En tout cas, les noms de Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau, Robert Brasillach, Georges Blond ou encore Alain Laubreaux en disent suffisamment...

     

    En plus de nombre d'articles des précités, on trouvera dans cette anthologie énormément d'articles écrits par des collaborateurs occasionnels, dont certains de renom: Abel Bonnard (alors membre de l'Académie française) ou encore Pierre Drieu La Rochelle...

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    C'est dire la qualité générale de tous ces papiers où l'on trouve une langue française riche, imagée et souvent savoureuse. Vous avez donc droit ici à environ 80 articles du journal, soit 650 pages pour la somme très raisonnable de 30 euros.  

    1932-1944. 12 années durant lesquelles JSP évoluera ; que cela soit politiquement ou au niveau de l'équipe de rédaction. On pourrait déjà distinguer les deux grandes périodes du journal: l'avant guerre et les années 1941-1944 (Et dans celles-ci, le tournant de 1943 qui voit le départ de Brasillach du journal; celui-ci devenant en plus en plus radical aux mains de Rebatet et de Cousteau). Pour un historique plus complet, le lecteur se reportera à l'émission consacrée par Méridien Zéro à JSP (Emission n°95).

    Je suis Partout était bien sûr avant tout un journal politique d'opinion, traitant de l'actualité nationale et internationale. Nationaliste français et maurrassien puis de plus en plus fasciste, voire national-socialiste en 1943-1944.

     

    Les ennemis sont tout désignés: la démocratie parlementaire, la république et ses serviteurs qui trahissent la France, toute la clique des ennemis intérieurs de la France -socialistes, communistes, antifascistes...-,

     

    les tièdes -bourgeois (pas au sens de classe sociale mais d'esprit bourgeois précise Rebatet) et réactionnaires-, les juifs etc.

     

    Avec la guerre, la liste s'allongera à différents "traîtres" tels les gaullistes ou ce "haut clergé oublieux, ingrat et infidèle au point de travailler pour l'étranger". Bref, JSP est "en guerre avec tout le monde" pour reprendre quelques mots de Philippe d'Hughes, préfacier de cette anthologie.

     

    Robert Brasillach fait quant à lui, en septembre 1942, la liste des "sept internationales contre la patrie": communiste, socialiste, juive, catholique, protestante, maçonnique et financière.

     

    L'éditeur, Auda Isarn, a eu d'ailleurs la bonne idée de reproduire plusieurs caricatures, notamment de Ralph Soupault, qui illustrent bien la manière dont on représentait tous ces ennemis... Parmi les textes les plus corrosifs, on trouvera évidemment ceux, extrêmement politiquement incorrects, du grand Rebatet (qui, pour certains d'entre eux, avaient déjà été édités il y a quelques années dans des recueils d'articles dont le tirage était resté assez limité). On mentionnera par exemple son fameux article de 1941 sur Marseille, "la vie la plus malhonnête de France" pour reprendre ses mots ou encore « Le fait juif » de 1944.

    Ne réduire le journal qu'à cela serait toutefois stupide et cette anthologie permet justement à tout un chacun de se faire une réelle idée du contenu du célèbre hebdomadaire: à côté des textes politiques, se trouvaient des articles aux visées plus idéologiques mais également nombre de papiers culturels (allant des chroniques littéraires aux considérations historiques en passant par toutes sortes d'articles traitant qui de patrimoine, qui de tourisme).

    Autre grand attrait du journal: ses reportages ou l'évocation d'épisodes de la guerre par des témoins directs. Les "choses vues" sont de premier intérêt, on suit ainsi les journalistes de JSP en Allemagne (1936, à l'occasion du congrès de Nuremberg; en 1941; en 1943), dans l'Espagne en guerre (1938), à Katyn en 1943 etc.

     

    Le journal, durant la guerre, se soucia toujours grandement du sort des prisonniers français et on trouvera notamment dans ce volume un bel article de Robert Brasillach contant ses souvenirs de captivité.

     

    JSP était aussi célèbre pour ses rubriques sur le cinéma et la musique et les romans publiés en feuilletons (par René Barjavel ou d'autres).

     

    Cette formule politique/culture assura le grand succès du journal qui tirait ainsi plus de 300.000 exemplaires en 1944, à l'aube de la "libération".

     

     

    Si les articles des années 30 ont toute leur place (on y voit l’intérêt du journal pour les différents fascismes européens), ceux datant des années 1941-1944 me semblent de premier intérêt car on y voit l'évolution du regard porté sur les évènements de cette époque vécue alors à JSP comme charnière. On retrouve l'atmosphère d'alors qui est décrite par l'un des rédacteurs du journal, fin 1941, comme une "sorte de cataclysme historique" car on a "l'impression d'assister à l'écroulement de tout un monde de valeurs et d'habitudes, et de voir s'édifier peu à peu sous nos yeux une société nouvelle, de nouvelles façons de vivre et de sentir".

     

    Le IIIe Reich, continue-t-il, lutte "pour le bien et le salut de l'Europe, contre la bestialité bolchevique". L'Allemagne nouvelle? C'est, pour François Dauture, "un motif d'espérer et un enseignement exaltant". Rebatet, en 1943, dans un article titré L'espérance est fasciste déclare quand à lui: "Si c'est justement à sa trop grande latinité qu'a tenu la faiblesse du fascisme italien, eh bien! disons:

     

    "l'espérance est national-socialiste" !!!!

     

    A partir de 1943-1944, la situation paraissant de plus en plus difficile pour l'Allemagne et pour l'Europe tant espérée, le journal se veut jusqu'au boutiste et ne fait que renforcer sa virulence à tous égards, les textes de Lucien Rebatet en témoignant mieux que n'importe quel discours.

     

    Pour l'auteur des Décombres, le national-socialisme, c'est "la révolution juste, nécessaire, la seule qui puisse sauver l'Europe et lui rendre son équilibre".

    Et sur la situation de la France? Que trouve-t-on? La défaite de 1940 est une expérience amère mais la politique de collaboration avec l'Allemagne laisse entrevoir des lendemains bien plus radieux que ceux qu’incarnait la république déchue qui a amené la France au désastre.

     

    En 1941, Robert Brasillach souligne bien un accord de principe sur la Révolution Nationale. Cela n'empêche pas Je suis Partout de dire ce qu'il pense réellement de celle-ci et de critiquer la mollesse et tous les (nombreux) travers d'icelle.

     

    Le même Brasillach, en octobre 1941, déclare ainsi, un an après Montoire:

     

    "Montoire n'était pas seulement le symbole de cette réconciliation, pas seulement l'espérance de la prochaine liberté.

     

     

    C'était aussi le symbole que beaucoup de choses allaient changer en France et que la justice, en particulier, serait faite".

     

    Déçu par un an de politique française, il déclare encore:

     

    "nous voulons seulement espérer- notre espérance, c'est de voir préciser les directives de l'an passé".

     

    La déception de l'équipe deJSP sur la situation politique française ne fera que se renforcer, celle-ci se positionnant nettement pour un fascisme à la française qu’on ne retrouvait pas à Vichy. Fin 1943, Pierre-Antoine Cousteau profite ainsi de ses articles pour fustiger très violemment le régime de Vichy auquel est reproché de ne pas être fasciste et de n'avoir pas collaboré avec les réels fascistes français qui, eux, voulaient vraiment utiliser le pouvoir pour faire quelque chose de grand, de neuf. La Révolution Nationale a été faite, dit-il, par une clique d'anciens notables de la IIIe république et non pas par les authentiques fascistes français.

     

    Cela explique: "Tous les balbutiements.

    Tous les ratages. Toutes les extravagances.

    Toutes les trahisons.".

     

    D'ailleurs, pour Pierre-Antoine Cousteau, il n'y a pas que Vichy qui est en faute mais également les français qui ne savent pas ce qu'ils veulent et qui agissent comme un troupeau hébété qui n'a que faire de ceux qui ont tenté de l'éveiller, à l'image de Céline ou de Rebatet.

     

    Cependant, ajoute PAC, "Le reproche que l'on pourrait faire à Céline et à Rebatet, ce serait d'avoir surestimé la France, d'avoir trop fait confiance aux facultés de ce malheureux pays. Tout ce que nous voyons chaque jour -il suffit d'ouvrir les yeux- dépasse les peintures les plus sombres des deux visionnaires. (...)

     

    neuf français sur dix se comportent quotidiennement comme si de jure, ils avaient droit à l'étoile".

     

    Avec les articles de la dernière période de JSP (1943/1944) on comprend justement "en direct" que toute l'espérance qui avait été mise dans le rêve d'un nouveau monde était peu à peu mise à mal au regard de la guerre qui ne prenait pas la direction voulue (notons cependant qu'à l'image de Rebatet, plusieurs journalistes de JSP crurent en la victoire finale de l'Allemagne jusqu'à l'exil à Sigmaringen).

     

    L'amertume se mêle alors à la réaffirmation totale du journal en ses idéaux et ce, malgré toutes les difficultés du moment, chaque jour plus nombreuses (situation intérieure en France, menaces de mort sur les rédacteurs...).

     

    La fidélité à leur engagement fasciste était, pour les journalistes de JSP, une réalité à toute épreuve. Ils pouvaient affirmer effectivement en 1944:

     

    "Nous ne sommes pas des dégonflés" !!

     

    Rüdiger / C.N.C

    Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

     

    SOURCES

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2012/07/05/chronique-de-livre-je-suis-partout-anthologie-1932-1944.htm

     

     

     

     

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    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, de vastes zones de l’Europe sous domination allemande furent dotées d’un système organisé de bordels à l’initiative de la Wehrmacht.

     

    À peine les Allemands avaient-ils fait leur entrée dans Paris, que le Haut Commandement de l’Armée de Terre (okh) donna l’ordre d’installer des bordels spéciaux pour les officiers et les soldats sur l’ensemble du territoire français occupé.

     

    Le bordel de la Wehrmacht entra dans le quotidien de l’occupation au même titre que la librairie du front et le foyer du soldat.

     

     

    Bordel militaire allemand à Brest en 1940. 

    Soldats allemands entrant dans unSoldatenbordell à Brest (France) (1940). Le bâtiment est une ancienne synagogue

     

    Il ne représentait que l’un des axes d’un catalogue exhaustif de mesures destinées à réglementer les relations sexuelles entre les troupes d’occupation et la population civile féminine.

     

    L’action de l’administration militaire à l’encontre des femmes des couches populaires soupçonnées de proposer des services sexuels ou d’entretenir des contacts non contrôlés avec des membres de la Wehrmacht fut au moins aussi importante.

     

    Les poursuites contre les prostituées et les Françaises soupçonnées de prostitution allèrent jusqu’à l’envoi en camp d’internement.

     

     

     

     

    Bordel militaire allemand à Brest en 1940. 

    Soldats allemands entrant dans unSoldatenbordell à Brest (France) (1940). Le bâtiment est une ancienne synagogue

     

    Repérées et poursuivies sur la seule base de leur fréquentation des soldats allemands, ces Françaises n’ont pas eu un rôle important dans le déroulement général de la Seconde Guerre Mondiale et elles n’ont pas eu non plus bonne réputation.

     

    Pourtant, elles furent soumises à des contraintes policières et médicales qui visaient exclusivement les femmes.

     

    La dimension spécifiquement sexuée de la conduite de guerre et de la politique d’occupation allemande n’est à ce point flagrant dans aucun autre domaine d’autant que l’administration militaire accordait une attention considérable au contrôle de la prostitution.

     

    Par ailleurs, une des particularités du système des bordels de la Wehrmacht était de permettre aux membres d’une armée qui menait une guerre d’anéantissement à l’Est, d’avoir accès à des femmes et de leur proposer des compensations sexuelles.

     

     

    Ceci est d’autant plus net dans le cas de la France occupée que le commandement militaire allemand voyait dans la France voisine une zone de détente pour les troupes du front de l’Est.

     

     

     

    Pour les allemands, en 1940, la France est la patrie des plaisirs sexuels.

     

    Les soldats, en particulier ceux qui partent sur le front de l'Est ou qui en reviennent, doivent y trouver le « repos du guerrier » ... sans les maladies vénériennes.

     

    Afficher l'image d'origine 

     

     

    L'un des premiers gestes de la Wehrmacht en France occupée sera donc de prendre le contrôle de la prostitution, de mettre en place un vaste système de maisons closes à destination exclusive des Allemands, de pousser les Françaises à y travailler, et d'interdire à ses troupes tout autre type de relations sexuelles.

     

    Chez Madame Coste 

     

    La réglementation de la prostitution et des relations sexuelles par les occupants

     

     

     

    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, de vastes zones de l’Europe sous domination allemande furent dotées d’un système organisé de bordels à l’initiative de la Wehrmacht.

     

     

    À peine les Allemands avaient-ils fait leur entrée dans Paris, que le Haut Commandement de l’Armée de Terre (okh) donna l’ordre d’installer des bordels spéciaux pour les officiers et les soldats sur l’ensemble du territoire français occupé.

     

    Le bordel de la Wehrmacht entra dans le quotidien de l’occupation au même titre que la librairie du front et le foyer du soldat.

     

    Il ne représentait que l’un des axes d’un catalogue exhaustif de mesures destinées à réglementer les relations sexuelles entre les troupes d’occupation et la population civile féminine.

     

     

    L’action de l’administration militaire à l’encontre des femmes des couches populaires soupçonnées de proposer des services sexuels ou d’entretenir des contacts non contrôlés avec des membres de la Wehrmacht fut au moins aussi importante.

     

    Les poursuites contre les prostituées et les Françaises soupçonnées de prostitution allèrent jusqu’à l’envoi en camp d’internement.

     

    Repérées et poursuivies sur la seule base de leur fréquentation des soldats allemands, ces Françaises n’ont pas eu un rôle important dans le déroulement général de la Seconde Guerre Mondiale et elles n’ont pas eu non plus bonne réputation.

     

     

    Pourtant, elles furent soumises à des contraintes policières et médicales qui visaient exclusivement les femmes.

     

    La dimension spécifiquement sexuée de la conduite de guerre et de la politique d’occupation allemande n’est à ce point flagrant dans aucun autre domaine d’autant que l’administration militaire accordait une attention considérable au contrôle de la prostitution.

     

     

    Par ailleurs, une des particularités du système des bordels de la Wehrmacht était de permettre aux membres d’une armée qui menait une guerre d’anéantissement à l’Est, d’avoir accès à des femmes et de leur proposer des compensations sexuelles.

     

    Ceci est d’autant plus net dans le cas de la France occupée que le commandement militaire allemand voyait dans la France voisine une zone de détente pour les troupes du front de l’Est.

     

    Nous évoquerons d’abord la façon dont les autorités d’occupation ont réglementé la prostitution et procédé contre les Françaises qui tenaient compagnie de façon gratuite ou payante aux soldats allemands.

     

     

    Puis nous examinerons la question des raisons et des orientations en vertu desquelles la Wehrmacht s’est efforcée de contrôler les contacts de ses troupes avec les femmes dans la France occupée entre 1940 et 1944.

     

    Le thème "Wehrmacht et prostitution" n’ayant pratiquement fait l’objet d’aucune étude scientifique. 

     

     

    Il faut citer en premier lieu le traité de vulgarisation..., les développements qui suivent s’appuient sur des documents de la Wehrmacht et de l’administration de Vichy tirés des archives allemandes et françaises.

     

    Services compétents

     

    La surveillance de la prostitution relevait du service de santé de la Wehrmacht. Les instances supérieures des bureaux sanitaires de l’okhédictaient, de Berlin, les instructions générales relatives au système des bordels et aux poursuites contre les femmes suspectées de prostitution, en France et dans les autres pays d’Europe sous domination allemande.

     

    La responsabilité de leur mise en œuvre concrète revenait principalement aux unités sanitaires de l’administration d’occupation allemande, c’est-à-dire plus précisément aux officiers de santé affectés aux Feldkommandanturen.

     

    La Feldgendarmerie, c’est-à-dire la police militaire, avait des attributions complémentaires liées à la répression de la prostitution.

     

    A partir du début de l’été 1942, lorsque la SS reprit les attributions policières de l’administration militaire, les représentants de la Gestapo entrèrent eux aussi en action.

     

    Toutefois, les officiers de santé continuèrent à assurer le rôle dirigeant.

     

    Pour le contrôle des relations sexuelles comme pour les autres domaines de la politique d’occupation, l’administration militaire s’appuya sur la coopération avec les autorités de Vichy.

     

    Les institutions policières françaises et les inspecteurs départementaux de la santé assurèrent une part essentielle de l’exécution des mesures de contrôle imposées par la Wehrmacht.

     

    Les ordonnances berlinoises de juillet 1940

     

    En juillet 1940, dès le deuxième mois de l’occupation donc l’okhpromulga deux directives ordonnant la mise en place de bordels de la Wehrmacht et la poursuite des prostituées sur l’ensemble du territoire français sous occupation allemande.

     

    Ce fut le médecin militaire de l’okh qui, le 16 juillet 1940, sous l’intitulé "prostitution et bordels dans la zone occupée de la France" édicta des ordonnances générales et fixa la ligne directrice suivante :

     

    "Tous les moyens doivent être mis en œuvre […] pour empêcher tout rapport sexuel avec des personnes de sexe féminin non soumises à un contrôle sanitaire".

     

    Le principal instrument préconisé pour faire obstacle à ces contacts indésirables était le bordel. Le texte invitait à réquisitionner les bordels existants pour les soldats allemands.

     

    Cette volonté de réglementation des autorités sanitaires allemandes du commandement en chef de l’armée de terre se concrétisa ensuite par un vaste catalogue de dispositions détaillées sur la gestion des bordels militaires, où les prescriptions policières et médicales côtoyaient les mesures de politique raciale.

     

     

    On peut lire textuellement dans une instruction :

     

    "Les prostituées de race juive et d’autres races étrangères sont à écarter".

     

    Ces obligations détaillées n’étaient certes pas encore accompagnées de l’ordre express d’établir des bordels militaires dans l’ensemble de la zone d’occupation. Le même mois, le 29 juillet 1940, le quartier-maître général à l’état-major général de l’armée de terre signait une ordonnance imposant la sélection et la réquisition de bordels français pour la Wehrmacht. Elle prescrivait aussi la fixation de tarifs afin de soumettre la formation des prix au pouvoir discrétionnaire allemand.

     

    L’ordonnance contenait également des directives concernant la poursuite des femmes soupçonnées de prostitution qui prolongeaient et élargissaient la pratique déjà introduite à cette date par les autorités d’occupation en France.

     

     

    L’okh chargeait l’administration militaire en France de faire enregistrer immédiatement toutes les prostituées par les autorités sanitaires françaises et de coopérer dans ce but avec la police française.

     

    Afin d’imposer le bordel comme le lieu des rapports sexuels entre les femmes autochtones et les occupants, l’ordonnance stipulait en outre l’interdiction de toute prostitution de rue par des moyens de police.

     

    Dès la mi-juillet 1940, le service sanitaire de l’armée de terre posa ainsi les principes d’une réglementation uniforme de la prostitution par l’administration militaire sur la totalité du territoire occupé.

     

    Le commandement allemand ordonnait non seulement la sélection et la réquisition, la puissance occupante, de certains bordels partout en France et leur surveillance par les bureaux de l’armée, mais il intervenait aussi dans le détail de l’organisation des maisons, des conditions de travail, du contrôle et des gains des femmes employées dans les bordels.

     

     

    Si on cherchait ainsi à fixer dans quels lieux et dans quelles conditions les autochtones auraient des rapports sexuels avec les soldats allemands, l’instruction complémentaire de sélectionner le personnel selon des représentations raciales prescrivait aussi qui devait travailler dans les bordels réservés à la Wehrmacht.

     

    Le fait que, dès juillet 1940, l’okh entreprenne de peser sur le contrôle de la prostitution dans la France occupée a donc une double portée.

     

    D’une part, comme les ordonnances évoquées le montrent, la mise en place des bordels militaires reposait sur une planification centrale et des instructions du haut commandement militaire.

     

    D’autre part, Berlin prit des mesures qui débouchaient sur une sorte de "bordel-standard d’occupation".

     

    Cette centralisation et cette standardisation du système des bordels inauguré par la Wehrmacht se démarquent radicalement de la réglementation de la prostitution dans la France de l’avant-guerre.

     

    L’okh exporta ainsi vers la France la réglementation introduite en 1939 dans le Reich allemand lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

     

    Le point de départ était visiblement une ordonnance prise le 9 septembre 1939 par Reinhard Heydrich, le représentant d’Heinrich Himmler, et qui prévoyait l’organisation administrative d’un système de bordel, ainsi que, conséquemment, la limitation et la criminalisation de la prostitution hors bordel dans les régions où opérait l’armée allemande.

     

     

    Sur la répression, insuffisamment.... Ces dispositions furent étendues au territoire français occupé, assorties de quelques dispositions complémentaires, telles que, par exemple, l’interdiction faite aux Français de fréquenter les bordels de la Wehrmacht et la fixation des tarifs.

     

    Sur la base des directives de Berlin, les autorités de l’occupation allemande instituèrent, au cours des mois suivants, un système de bordels et de prostitution qui, dans ses traits principaux, était en place à la fin de l’été 1940 et qui allait se maintenir jusqu’à la libération de la France en 1944.

     

    Les poursuites contre les femmes soupçonnées de prostitution

     

    A quoi ressemblait concrètement cette surveillance ?

     

    Immédiatement après leur arrivée, les Allemands organisèrent une chasse en règle contre les femmes soupçonnées de prostitution.

     

    Les unités de la Feldgendarmerieentreprirent, avec la police des mœurs française, des rafles et des descentes dans les rues, les cafés et les hôtels. Dans le même temps, les officiers de santé se lancèrent dans la recherche de ce qui fut appelé les "foyers de contagion".

     

    Ce qui signifie que les soldats trouvés porteurs de maladies vénériennes furent invités à indiquer les femmes avec lesquelles ils avaient eu des rapports sexuels.

     

    Les personnes ainsi dénoncées furent immédiatement arrêtées par la police. De nombreuses Françaises qui avaient fréquenté des soldats allemands furent ainsi repérées.

     

    Ces poursuites concernèrent en partie des Françaises qui gagnaient leur vie en offrant leurs services sexuels. Mais elles frappaient aussi des femmes des couches populaires arrêtées dans des cafés suspects ou en compagnie d’Allemands, ou bien qui travaillaient dans des logements et des entreprises allemandes.

     

    Les femmes ainsi interpellées furent examinées de force et, le cas échéant, soignées de force et enregistrées dans les fichiers de la police. En cas de récidive, elles étaient enregistrées comme prostituées et soumises à une surveillance médicale et à des contrôles policiers rigoureux.

     

     

    Si elles enfreignaient les dispositions prises à leur encontre ou contractaient une maladie vénérienne en travaillant avec des membres de la Wehrmacht, les autorités allemandes les expulsaient vers des régions où aucune troupe allemande n’était stationnée, ou les faisaient emprisonner.

     

    Les mesures par lesquelles les médecins militaires allemands visaient conjointement à contrôler les relations sexuelles et à satisfaire les besoins des troupes allemandes avaient pour caractéristique commune l’emprisonnement des femmes qui, par la volonté des officiers de santé, ne devaient pas avoir de contact avec les soldats allemands.

     

    Sous l’occupation allemande, l’emprisonnement des prostituées, qui relevait depuis le XIXèmesiècle du contrôle administratif de la prostitution, prit une dimension quantitative et qualitative nouvelle.

     

     

    On le voit notamment dans l’enfermement par l’administration militaire des "filles soumises" et des Françaises soupçonnées de prostitution non seulement dans des prisons, des hôpitaux et des maisons de redressement.

     

    Mais, à compter de l’automne 1941, les Allemands ont également employé une forme d’enfermement qui caractérise aussi le régime de Vichy et qui est perçue comme la quintessence du pouvoir national-socialiste : le camp d’internement.

     

    Nous illustrerons les mesures d’internement prises dans le cadre de la surveillance de la prostitution par l’exemple de deux camps situés dans le centre de la France. Il s’agit du camp de Jargeau dans le département du Loiret, où furent envoyées, à partir d’octobre 1941, au moins trois cent-trois femmes soupçonnées de prostitution, et du camp de La Lande dans le département de l’Indre-et-Loire.

     

    Dans celui-ci, soixante-quatre prostituées furent détenues par les autorités allemandes entre novembre 1942 et décembre 1943.

     

    Les sources qui nous sont parvenues montrent que l’internement de ces femmes dans ces camps fut principalement réclamé par les officiers de santé allemands.

     

    Parmi les internées se trouvaient des femmes simplement soupçonnées de s’être livrées à la prostitution et d’autres qui avaient travaillé en tant que "filles soumises en carte", ou "pensionnaires" dans les bordels de la Wehrmacht et qui avaient enfreint les consignes des officiers de santé, s’étaient enfuies des hôpitaux ou avaient contracté une maladie vénérienne au contact des soldats allemands.

     

    Une des rares possibilités de ressortir du camp de Jargeau

    était d’entrer dans un bordel militaire.

     

    Les prostituées internées pouvaient se porter candidates à ce travail.

     

    Les occupants décidaient alors eux-mêmes des prisonnières qui pouvaient être transférées dans un bordel.

     

    Cette association entre camp d’internement et bordel révèle l’empreinte typiquement nazie du contrôle administratif de la prostitution.

     

    La contrainte liée au recrutement à l’intérieur du camp, la sélection et le placement par les Allemands des candidates au travail dans les bordels constituaient l’expression d’un proxénétisme administratif et d’une répression administrative de la prostitution sans équivalent dans l’histoire française.

     

     

    Dans le même temps, le principe de base de la gestion de la prostitution par la Wehrmacht ne s’exprime nulle part avec autant de clarté que dans l’association camp-bordel car, ce faisant, l’administration militaire imposait de façon radicale sa volonté de décider dans quelles conditions et quelles Françaises auraient des rapports sexuels avec des membres de la Wehrmacht.

     

    Les bordels de la Wehrmacht

     

    Le système de bordels de la Wehrmacht n’était pas comparable aux maisons closes françaises traditionnelles.

     

     

    Certes, les occupants pouvaient partiellement recourir aux bordels déjà existants que la Wehrmacht avait réquisitionnés à leur intention.

     

    Mais dans le même temps, les médecins militaires allemands, qui assuraient ainsi indéniablement des fonctions de proxénètes, créèrent un grand nombre de nouveaux bordels en réquisitionnant des immeubles et en engageant des tenancières.

     

     

    La nouveauté était surtout la planification et la surveillance, ordonnées par les autorités militaires de Berlin.

     

    La frénésie réglementaire allemande s’incarnait en outre dans la différenciation des clientèles.

     

    A côté des bordels spéciaux pour les soldats et pour les officiers, les occupants installèrent ainsi des bordels réservés respectivement aux sous-officiers, aux employés civils allemands et au personnel de l’organisation Todt.

     

    La dimension quantitative du système était tout sauf négligeable, comme le montreront quelques exemples chiffrés.

     

    En novembre 1941, la puissance occupante gérait ainsi à elle seule dans la zone d’administration militaire A – soit à peu près le tiers de la zone Nord sous occupation allemande, hormis Paris – cent-quarante-trois bordels où travaillaient mille cent-soixante-six femmes.

     

     

    À Paris, on peut identifier au total quarante bordels réquisitionnés par les Allemands pendant l’occupation, auxquels s’ajoutent au moins douze bordels militaires en banlieue. Deux autres exemples : dans le Loiret, on comptait au total, dix bordels allemands ; en Charente-Maritime, au moins trente.

     

     

    Des milliers de Françaises travaillaient dans ces bordels.

     

    Ainsi, au cours de l’année 1942, dans la seule ville de La Rochelle, au moins deux-cent soixante et une femmes travaillaient dans les maisons réservées aux occupants..

     

    Les soldats allemands fréquentaient massivement ces lieux. A Angers, par exemple, les autorités d’occupation qui tenaient une "statistique des bordels" enregistrèrent, de février 1941 à février 1942, par mois en moyenne plus de huit mille clients dans les cinq à six bordels militaires de la ville.  

     

    Calcul sur la base des statistiques disponibles,....

     

     

     

    Objectif, justification

     

    et arrière-plan

     

    de la démarche allemande

     

     

     

     

    Quelles intentions conduisirent la Wehrmacht à mettre en place des bordels et à poursuivre les Françaises suspectées de prostitution ?

     

    Quelles mentalités furent ici à l’œuvre ?

     

    Au cœur de l’esquisse qui va suivre, trois aspects : premièrement, la politique démographique et sanitaire de surveillance de la prostitution par les Allemands, deuxièmement, le contrôle des relations sexuelles entre soldats allemands et femmes françaises, et troisièmement, la participation des soldats allemands aux fruits de la victoire. Un autre aspect important que nous ne pourrons qu’évoquer rapidement ici sera l’image de la France et des femmes chez les occupants.

     

    Maladies sexuelles et politique démographique

     

    Un aspect central pour la compréhension du système de bordels de la Wehrmacht qui est en même temps le plus déconcertant, est son caractère de politique sanitaire.

     

    Il s’exprime, par exemple, dans le fait que l’administration militaire allemande, dans ses rapports officiels, traite du contrôle de la prostitution sous la rubrique "épidémies" et que les médecins-chefs militaires désignaient explicitement les bordels de la Wehrmacht comme des "institutions de prévention des épidémies", et définissaient dans le même temps les femmes comme des "agents d’infection" potentiels.

     

     

    Il nous faut donc nous demander pour quelle raison la Wehrmacht traitait les relations sexuelles des soldats Allemands avec des Françaises d’abord comme un problème d’hygiène épidémiologique et renvoyait l’organisation des relations sexuelles dans le territoire occupé à la "lutte contre les maladies sexuelles".

     

     

    Il est tout aussi nécessaire d’expliquer pour quelle raison la Wehrmacht percevait les affections des organes génitaux comme une menace particulièrement sérieuse pour les capacités individuelles, comparativement à d’autres maladies, au point de prendre des mesures préventives en ce domaine et d’en faire un des thèmes principaux d’intervention de ses officiers de santé.

     

    L’attention extrême portée à la prévention des maladies sexuelles par l’administration militaire allemande s’explique par le lien entre objectifs militaires à court terme et objectifs de politique démographique à long terme.

     

     

    Il s’agissait bien évidemment pour la Wehrmacht de limiter les maladies chez ses soldats afin de les maintenir bons pour le service.

     

    Mais en même temps, elle considérait les cas de gonorrhée et de syphilis chez ses soldats comme une menace pour "le corps de la nation".

     

    Le service de santé des armées s’inscrivait ainsi dans une conception des maladies vénériennes comme élément de la politique de population qui s’était largement répandue au niveau international avant la Seconde Guerre Mondiale.

     

     

    Comme nous le savons depuis les recherches pionnières d’Alain Corbin, dès la fin du XIXème siècle, sous l’influence du darwinisme, la recherche médicale avait lié les maladies vénériennes aux pronostics de dépopulation et à la théorie de la dégénérescence, et mis ainsi en évidence son importance supposée aussi bien pour la quantité que pour la prétendue "qualité" de la population.

     

    Au premier plan se trouvait la théorie erronée de l’hérédité de la syphilis qui rendait cette maladie responsable de bon nombre de maladies et de phénomènes de déviance sociale.

     

    Il était extrêmement courant, dans l’Allemagne des premières décennies du XXème siècle, d’évoquer les dangers supposés des maladies vénériennes pour le développement de la population.

     

    Le gouvernement national-socialiste élu en 1933 fit (comme on le sait) de l’eugénisme un axe de sa politique.

     

    La conception démographique des maladies vénériennes se concrétisa ainsi de façon exemplaire dans le droit matrimonial nazi et dans la pratique des stérilisations forcées.

     

    Pendant la seconde guerre mondiale, elle modela aussi les mesures de prévention médicale de la Wehrmacht.

     

    Le service de santé allemand ne faisait pas seulement de la lutte contre la syphilis et la gonorrhée un objectif destiné à conserver la troupe en état de poursuivre des objectifs militaires.

     

     

    Les médecins militaires concevaient bien plus les cas de maladies vénériennes chez les soldats allemands comme un danger pour la nation allemande. Ils se référaient ainsi à un concept de maladie tourné vers le futur, où les maladies vénériennes tenaient une place spécifique et primordiale.

     

    La phobie de la contagion des occupants était renforcée par l’image négative de la France chez les Allemands et par les représentations stéréotypées qu’ils avaient des Françaises.

     

     

    Pour les Allemands, la France n’était pas seulement le pays de l’amour et des jeux sexuels, mais aussi, précisément, la terre de la contagion, de la prostitution incontrôlée et du risque de contamination, où d’innombrables Françaises vérolées menaçaient la santé des soldats allemands.

     

    Comme le montrent les documents allemands qui nous sont parvenus, l’okh considérait que la plus grande partie de la population civile française était porteuse de maladies vénériennes et les médecins militaires allemands étaient effectivement d’avis qu’occuper la France c’était mettre les pieds dans un territoire "infesté" par ces maladies.

     

     

    Les officiers de santé développèrent, dans le cadre de l’instruction des troupes, une image effrayante des Françaises, image destinée à réveiller chez les hommes la peur de la femme castratrice et qui se concrétisa dans un mode de pensée hygiéniste.

     

     

    La crainte de la Wehrmacht de voir l’armée allemande victorieuse vaincue par des rapports sexuels avec des Françaises atteintes des maladies vénériennes prit des proportions proprement fantasmatiques.

     

     

    Ainsi, le bruit se répandit dans les milieux de l’administration militaire que la Résistance incitait délibérément des prostituées infectées à entretenir des relations avec des soldats allemands pour affaiblir les troupes d’occupation.

     

    Le contrôle des relations sexuelles

     

    Malgré tout, les stratégies préventives et eugénistes, radicalisées par le ressentiment anti-français, ne suffisent pas à expliquer à elles seules la décision de développer une gestion organisée des bordels.

     

     

    Les motifs qui conduisirent le Haut Commandement de l’armée de terre à développer ce système dépassaient largement la volonté de réglementer la prostitution et d’empêcher les contacts entre soldats allemands et prostituées professionnelles en dehors des bordels.

     

    Car le commandement militaire allemand s’efforçait d’infléchir l’ensemble de relations sexuelles entre soldats occupants et femmes françaises, et dans cette entreprise, la prévention des maladies vénériennes était certes un élément moteur mais sûrement pas le seul.

     

    Il faut d’abord évoquer les considérations de politique raciale : les soldats allemands se virent interdire de fréquenter des "représentants de races étrangères", tandis que l’okh ordonnait la sélection raciale des pensionnaires de bordels.

     

     

    Tandis que la réglementation à base raciale des relations sexuelles était exportée hors du Reich (les "lois de Nuremberg" de septembre 1935 rendaient passibles de poursuites

    les relations sexuelles entre juifs et non-juifs),

     

     

    l’administration militaire développait sur les relations avec les femmes françaises des directives plus larges qui répondaient plus spécifiquement à la situation d’occupation et au quotidien de l’occupation.

     

     

    Son but était de dresser une barrière entre les soldats de la Wehrmacht et l’ensemble de la population française et elle martelait, dans d’innombrables notes de service destinées à la troupe, l’injonction de se tenir à distance de la population civile française.. De fait, il s’agissait bien des relations personnelles avec les Françaises. A chaque fois, le détail des mesures se référait explicitement aux contacts des occupants avec les Françaises.

     

    Le nombre et la fréquence des instructions détaillées des autorités d’occupation, à propos de la fréquentation des Françaises, est à peine concevable aujourd’hui.

     

    Les relations sexuelles des soldats allemands dans la France occupée étaient réglées dans le moindre détail par une quantité invraisemblable de dispositions.

     

    La Wehrmacht interdisait ainsi à ses membres de donner le bras aux Françaises, de s’asseoir avec elles sur les bancs des jardins publics ou de fréquenter les cafés et les manifestations publiques.

     

    De même, la troupe n’avait pas le droit de faire monter des Françaises dans des chambres d’hôtel ou des logements de la Wehrmacht, ou d’entretenir des relations de nature maritale dans la zone occupée.

     

    L’exploitation systématique des documents relatifs à la question permet quelques suppositions sur les motifs liés à cette limitation des contacts.

     

    Il s’agissait, sans aucun doute, de contribuer au maintien de la discipline militaire, c’est-à-dire d’éviter de donner l’impression que les soldats et officiers allemands stationnés en France et donc loin du front, pouvaient se consacrer à leurs plaisirs personnels ;

     

    le contact incontrôlé avec des femmes était considéré comme le symbole par excellence. Les autorités d’occupation étaient également soucieuses, face à la société française, de faire preuve de maîtrise de soi et d’autodiscipline jusque sur le terrain sexuel et de ne pas compromettre par le comportement personnel quotidien le mythe développé par la propagande d’une Wehrmacht toute puissante.

     

    En outre, l’administration militaire allemande attribuait une dimension nationale aux relations sexuelles en territoire occupé.

     

    Du moment que la propagande mensongère énonçait que la France avait imposé la guerre à l’Allemagne et provoqué ainsi d’innombrables morts dans les rangs allemands, le contact intime des troupes avec les femmes de l’ennemi vaincu prenait aux yeux des occupants des allures de trahison de l’honneur national.

     

     

     

     Afficher l'image d'origine

     

     

    A la discipline, à l’image de la puissance occupante, à la proclamation de la France comme ennemi national s’ajoutèrent, au fil du temps et de plus en plus, des éléments de sécurité policière et de contre-espionnage.

     

     

    Si les relations sexuelles en dehors des bordels avaient été initialement dénoncées comme une menace pour les forces allemandes (essentiellement pour des raisons d’hygiène épidémiologique), à partir de l’été 1941, les considérations militaires de sécurité et de contre-espionnage au sens large se développèrent.

     

     

     

    Les autorités allemandes ayant cru pouvoir constater que les groupes de résistance attaquaient de préférence les soldats accompagnés de femmes, elles multiplièrent les interdictions de contacts avec les femmes françaises   

     

    Militärbefehlshaber in Frankreich, Kommando Stab IIa,....

     

     

    Parallèlement, la surveillance des relations sexuelles prit une place importante dans les activités de contre-espionnage militaire, la Wehrmacht considérant que les contacts privés avec la population civile (particulièrement les femmes), pouvaient entraîner la divulgation d’informations militaires ou une influence politique sur des membres de la Wehrmacht.

     

    Enfin, les autorités d’occupation savaient que, dans le cadre du "travail allemand", la résistance communiste envoyait délibérément des femmes françaises vers des soldats allemands pour jauger le moral des occupants grâce à ces contacts personnels, pour essayer de les démoraliser et d’établir des liaisons avec les rares soldats allemands critiques à l’égard de la conduite de guerre nazie.

     

     

     

     

    Outre les considérations de politique sanitaire et raciale, divers facteurs directement liés à l’occupation vinrent donc peser de façon décisive sur le contrôle des relations sexuelles entre membres de la Wehrmacht et habitantes du territoire français. Les impératifs liés à la politique d’occupation conduisirent le contrôle de la prostitution par les Allemands bien au-delà de la régulation d’un marché du travail sexuel stricto sensu.

     

    Dans la pratique, l’interdiction des contacts ne s’exerça que partiellement sur les soldats et les sanctions furent majoritairement prononcées non pas contre les hommes allemands, mais contre les Françaises. Si la Wehrmacht accorda dans les faits quelques marges de liberté à ses hommes, tenir les troupes d’occupation à l’écart de la population civile resta la ligne de conduite dans l’organisation du quotidien de l’occupation.

     

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    La volonté d’éviter toute relation personnelle entre occupants et habitantes du pays occupé était la première motivation directe de la mise en place du système des bordels. Les états-majors allemands concevaient la fréquentation des bordels comme une alternative aux relations privées entre sexes.

     

    C’était donc souvent les mêmes notes de service, les mêmes instructions, qui invitaient à s’abstenir de contacts avec la population civile et qui fournissaient aux troupes les dernières informations sur le fonctionnement des bordels.

     

    Les bordels comme méthode d’encadrement :

     

    La participation des troupes aux fruits de la victoire

     

    La volonté des autorités militaires allemandes de limiter les relations incontrôlées avec la population civile ne débouchait pas fatalement sur la mise en place d’un système organisé de bordels.

     

     

    On aurait pu imposer aux soldats, par la menace de sanctions rigoureuses, l’abstinence sexuelle en territoire occupé.

     

    De fait, un certain nombre d’officiers allemands, favorables à une telle orientation, restaient sceptiques quant à l’organisation de bordels militaires dans la France occupée.

     

     

    L’okh rejeta cependant résolument les prises de position en ce sens okh, GenStdh., GenQu, Heeresarzt, Sammelverfügung Nr9,....

     

    Car la création des bordels propres à la Wehrmacht ne devait pas seulement empêcher les relations incontrôlées de soldats avec les femmes. Elle reposait aussi sur la volonté du commandement allemand de donner à la troupe la possibilité de rencontrer des femmes et d’offrir des distractions sexuelles aux soldats allemands.

     

    Le système de bordels de la Wehrmacht était en fait également un service offert par l’okh, en récompense de la participation loyale à la guerre de pillage et d’anéantissement qui déferlait sur l’ensemble du continent européen.

     

     

    Considéré comme un élément de la conduite des troupes, il était le pendant aux exécutions de masse par lesquels les dirigeants militaires allemands réagissaient aux désertions.

     

     

    Il montrait en effet aux soldats allemands, qu’en tant que membres de la Wehrmacht, ils bénéficiaient de satisfactions sexuelles et qu’on ne reculait devant aucun effort pour leur permettre de rencontrer des femmes françaises sans risque ni désagrément personnel, puisque la protection militaire et médicale était

    assurée au même titre qu’une tarification homogène.

     

    Réserver des bordels à la Wehrmacht signalait aussi aux soldats allemands qu’ils pouvaient participer à la victoire sur la France et que l’appartenance à la Wehrmacht était assortie d’avantages d’ordre privé.

     

     

    La fréquentation du bordel était l’une des attractions que le séjour en France procurait aux soldats de rang inférieur.

     

    La supériorité militaire allemande ouvrait les bordels français également aux membres des couches inférieures de la population allemande sous l’uniforme pour lesquels un voyage dans le pays voisin était impensable avant la guerre.

     

    La surveillance des bordels et de la prostitution imposée en France en 1940 devint un modèle pour les services sanitaires de l’okh lorsque, ultérieurement, ils introduisirent, dans de vastes zones de l’Europe sous domination allemande, des mesures destinées à poursuivre les femmes soupçonnées de prostitution et qu’ils mirent en place des bordels réservés aux troupes allemandes.

     

     

     

    En pratique, en dépit de la quasi-absence de recherches sur le sujet, il semble qu’on puisse affirmer qu’aucun autre pays ne fut couvert, comme la France, par un tel réseau de bordels.

     

    En outre, ni le caractère de modèle du système mis en place dans la France occupée, ni la planification décidée à Berlin, n’empêchèrent l’existence de différences importantes dans l’action effective de la Wehrmacht dans les divers pays occupés.

     

    Cela vaut en particulier pour la violence exercée contre les femmes.

     

    En Europe de l’Est, où les occupants allemands traînaient jeunes filles et femmes dans leurs bordels en les menaçant de mort ; dans ces lieux, il s’agissait davantage de viols organisés dans une atmosphère de terreur, que de prostitution.

     

    La surveillance de la prostitution par la Wehrmacht en France ne relève guère de l’histoire de la violence sexuelle contre les femmes pendant la guerre.

     

    L’administration militaire ne pourchassait pas les Françaises pour les contraindre à se prostituer avec les membres de la Wehrmacht.

     

    Au contraire, la répression la plus rigoureuse était dirigée contre les femmes des couches populaires qui fréquentaient des soldats allemands contre la volonté de la puissance occupante.

     

    En persécutant les Françaises soupçonnées de prostitution et en mettant en place le système des bordels, les autorités allemandes cherchaient d’abord à déterminer quelles femmes seraient en contact avec leurs soldats et dans quelles conditions.

     

    Leur objectif était de réglementer les relations sexuelles entre les troupes d’occupation et la population civile féminine.

     

    Leur réglementation, fondée sur des mesures de contrainte et de répression contre les Françaises concernées, faisait des hommes allemands les profiteurs de la conduite de guerre et de l’occupation.

     

     

     

    Bordel allemand dans

    une synagogue de

    Brest

     

     

     

    PHOTO © BArch, Bild 101II-MW-1019-07. DIETRICH

     

    Ce n’est pas exactement une synagogue, mais un mikvé (bain rituel juif).

     

    La scène se passe en 1940 à Brest.

     

    On voit deux soldats allemands s’apprêtant à entrer dans un bordel. Un troisième, hilare, regarde le photographe en levant le pouce, comme pour dire :

     

    «Super !»

     

    Sur la façade, on voit quatre étoiles de David en mosaïque. Dans la signalétique urbaine de l’occupant, la maison close se reconnaît au numéro de rue indiqué par un très gros chiffre, ici un «3».

     

    A gauche de la porte, une inscription en allemand :

     

    «Ouvert de 10 à 21 h. Chaque soldat allemand doit quitter cette maison à 21 h.

     

    Signé : le commandant.»

     

    A droite, une autre inscription :

     

    «Par ordre du commandant, cet établissement est fermé aux civils.»

     

    Cette photo fait d’une pierre trois coups :

     

    elle est la profanation d’un lieu rituel juif, elle informe de la disparition des Juifs de la ville, et elle montre le contrôle des relations sexuelles vénales entre occupants et occupés.

     

    Dans un premier temps, situons cette rue.

     

    La topographie de la ville de Brest d'avant-guerre était bien différente de celle de nos jours. La rue Guyot était le lien entre les deux rues principales de l’époque, la rue de Siam et la rue Louis pasteur, notamment par un grand escalier appelé "l'escalier du commandant".
    Quelques photographies de l'époque, extraites de la Bundesarchiv

     

     

     

      Après quelques recherches et quelques échanges, nous pourrions vous révéler directement nos conclusions, mais il nous semble intéressant de vous présenter l'approche dans les détails. Nous commencerons donc par le courriel du Conservateur des Archives Consistorials :

     

      Dans l’étude que nous effectuons sur les traces d’une communauté israélite à Brest, nous n’avons pas encore trouvé des éléments d’autant plus qu’en 1940, il apparaît qu’il n’y a pas de communauté affilée au Consistoire central.

     

    Je me pose la question s’il n’y a pas eu erreur sur les lieux (c’est fréquent). D’après vous, l’endroit correspond-il plus ou moins à ce que vous connaissez ?

     

    Sur ce premier point, nous pouvons affirmer que cette photographie, extrait des archives allemandes, concerne bien la ville de Brest dans le Finistère et non pas Brest-Litovsk en Biélorussie (dont la synagogue fut incendiée et détruite durant la guerre).

     

    En effet, les photographies allemandes et celles des ruines de Brest sont comparables, notamment le célèbre « escalier du Commandant » reliant (avant la guerre) la rue de Siam et la rue Pasteur et débouchait sur la rue Guyot.

     

    Mais si ces photographies ont bien été prises à Brest, de quel lieu s’agit-il ?

     

     Il est parmi mes connaissances un homme qui fut pompier durant la guerre, il avait environ 18 ans à cette époque.

     

    Hors, Monsieur A. G. m’a affirmé que la rue Guyot était connue comme un endroit malfamé où la prostitution régnait et que à sa connaissance, il n’avait jamais eu de synagogue ni autre lieu de culte israélite à Brest.

     

    A ce stade, nous avons la certitude du lieu, de la date mais toujours pas de trace de mikvé…

     

     

     

    Photographie de la rue prise de l'escalier

     

     

     

     

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  • PALESTINE, 1947. Joanovici se rend et sable le champagne au quai des Orfèvres. Le chiffonnier milliardaire est accusé d'intelligence avec l'ennemi

     

     
    «Monsieur Joseph» s'est rendu hier. 
     
     
     

    PALESTINE, 1947. Joanovici se rend et sable le

    champagne au quai des Orfèvres.

    Le chiffonnier milliardaire est accusé d'intelligence avec l'ennemi

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    Le célèbre chiffonnier milliardaire, en fuite depuis le 7 mars, recherché par quatre juges d'instruction et inculpé d'infraction à la loi sur les changes, intelligence avec l'ennemi, collaboration économique, vol et recel,a fait une entrée triomphale au quai des Orfèvres.
     
     
    A 11h22, Joseph Joanovici est sorti des bureaux de la direction de la police judiciaire.
     
    On dit qu'il a fêté sa reddition dans la nuit en sablant le champagne avec le directeur de la PJ. Il a les cheveux peignés et frisés, le visage rasé de frais.
     
    «Je n'ai rien à cacher», lâche-t-il, souriant et se prêtant de bonne grâce aux exigences des photographes.
     
    Un inspecteur lui tend un stylo, il signe un autographe, murmure:
     
    «Quelle gloire!»
     
     
    Afficher l'image d'origine
     
    Depuis sa fuite, au nez de la police parisienne, on l'avait signalé en Espagne, au Maroc, en Irlande, en Amérique du Sud.
     
    Il était bourgeoisement installé en zone américaine d'occupation, près de Munich.
     
    Il attendait son heure.
     
    L'affaire Joanovici s'est-elle achevée hier?
     
    Va-t-elle enfin commencer?  
     
    La légende de Clichy.
     
    Nous ne savons de sa jeunesse que ce qu'il a bien voulu confier.
     
    1925, l'année de ses 20 ans, il vient de fuir Kichinev, capitale de la Bessarabie, et trouve refuge dans une ruelle de Clichy.
     
    Ses premières nuits en France, il les passe dans une baraque ouverte à tous vents, et ses journées dans les rues.
     
    Il pousse une voiture à bras, fait la tournée des poubelles.
     
    Il raconte à qui veut l'entendre sa triste enfance de petit orphelin juif roumain,
     
     
    l'usine à 12 ans, la misère, les pogroms.
     
    A force de récits édifiants, l'aventurier conquiert les trois hommes qui feront sa fortune.
     
    Krug, le chiffonnier, à l'origine de sa prospérité fulgurante dans la revente des vieux métaux.
     
    Pierre Barré, le futur général, compagnon du général Leclerc.
     
    Le troisième homme, enfin, est un policier.
     
    Henri Verdier, alors sous-directeur de la police parisienne, a expliqué comment Joanovici a frappé à sa porte en 1933, se proposant, en bon patriote, de renseigner les forces de l'ordre
    sur les affaires louches de Clichy,
     
    Afficher l'image d'origine
    Le milliardaire des années noires.
     
    La plupart des documents compromettants pour Joanovici ont disparu à la Libération.
     
     
    Je CITE :
     
    " J’ai lu ce qui suit sur le site juif.org qui l’a lui-même repris duFigaro. Apparemment, une série de bandes dessinées « historiques » relate l’histoire de Joseph Joinovici à sa sauce. Dans le registre : bon, c’est vrai, il a collaboré, mais enfin, quoi, les temps étaient durs.
     
    Et puis n’oublions pas qu’il a sauvé 150 juifs ! Finalement, il mériterait bien 150 médailles « du Juste », pas vrai ?"
     
     
     
     
     
    On comprend pourquoi il avait hier un «moral de fer».
     
    Cependant, un rapport de police, que nous avons consulté, a échappé au mystérieux coup de balai.
     
    De 1933 à 1939, par l'entremise de sa Société de récupération, il a ravitaillé l'Allemagne nazie en laiton, plomb et cuivres nécessaires aux fabrications de guerre.
     
    Toujours d'après ce document, il reçoit jusqu'en 1939 des «touristes» venus d'outre-Rhin, munis d'appareils de photographie, chargés de missions spéciales.
     
     
     
    De janvier 1941 à avril 1943, M. Joseph a vendu aux Allemands plus de soixante mille tonnes de vieux métaux.
     
     
     
    Chiffre d'affaires:
    six à huit milliards.
    Bénéfices personnels: quatre milliards.
     
     
    Le double jeu
     
    .Joanovici a raconté lui-même, comme un fait de gloire, l'achat de son certificat d'aryanisme.
     
     
    Convoqué par la police aux Questions juives pour une «visite médicale», le juif bessarabien était arrivé en
    compagnie de deux «camarades» armés, deux Allemands de la Gestapo, ses nouveaux amis.
     
     
     
     
    Mais, en 1940, juste après la déclaration de guerre, n'a-t-il pas fait parvenir à Edouard Daladier, président du Conseil, un chèque de 4 000 dollars de la National City Bank de New York?
     
     
     
     
    C'était sa contribution à l'effort de guerre français contre l'Allemagne.
     
     
     
     
    En janvier 1944, le réseau de résistance Honneur de la police ne le comptait-il pas comme l'un de ses agents?
     
     
    Il en a été son plus important financier.
     
    Aujourd'hui, il peut dire «c'est moi qui ai permis la libération de Paris», il avait fourni camions et armes .
     
     
     
     
    Le préfet Edgard Pisani a déclaré en 1946, alors qu'il était directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, qu'il avait signé lui-même un certificat de combattant de la clandestinité au nom du chiffonnier.
     
     
     
    Les dossiers du juge Fayon.
     
     
    M. le juge Fayon ne lâchera pourtant pas prise, a-t-il annoncé hier. Il veut Joanovici dans son bureau.
     
    Il veut savoir pourquoi, en mars 1947, juste avant la fuite de son client à Munich, celui-ci avait son bureau à la préfecture de police. Il veut des comptes.
     
    Ces chèques qu'il a trouvés au domicile de Joanovici?
     
    Des ordres de paiement sans nom, ni chiffre. Joa, qui ne sait ni lire ni écrire, dessinait sur les talons: une semelle pour 100 000 F, un soulier, c'était 1 million, une botte, 10 millions. Le juge sait que ce sont des pots-de-vin versés à la police.
     
    Et il veut surtout que le chiffonnier réponde de l'affaire Scaffa. Robert Scaffa, un jeune résistant, a été exécuté par ses pairs de deux balles dans la tête à la veille de la Libération. C'était un «traître».
     
    M. Fayon est persuadé du contraire: Scaffa venait d'apprendre que Joanovici dénonçait les réseaux de résistance aux Allemands.
     
    Joanovici l'a su et a fait éliminer ce témoin gênant.
     
    Mais le juge a ses propres témoins, et des preuves.
     
    Lui aussi attend son heure.
     
     
    Epilogue.
     
    En 1949, Joanovici est condamné à cinq ans de prison, à l'indignité nationale à vie et à la confiscation de ses biens jusqu'à concurrence de 50 millions.
     
    Le dossier Fayon ne sera pas ouvert par la cour de justice.
     
    Le fisc et les douanes lui infligent une amende de un milliard pour non-paiement de taxes sur les métaux non ferreux exportés vers le IIIe Reich.
     
    Libéré en août 1951, il meurt en 1965.
     
     
     
     
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    Propagande et censure du régime de Vichy

    – Contre pouvoir: la Résistance et la voix de la France Libre

     

     

    Pendant l’occupation, la population française subit non seulement la propagande nazie mais aussi la propagande et la censure du régime de Vichy, à travers la presse, les campagnes d’affichages, la radio, les actualités et documentaires cinématographiques. Pour la contrer la résistance s’organise, de l’étranger par le biais d’émissions radio, et sur place avec les moyens du bord

     

     
     
     

    Propagande et censure du régime de Vichy

    – Contre pouvoir: la Résistance et la voix de la France Libre

    Pendant l’occupation, la population française subit non seulement la propagande nazie mais aussi la propagande et la censure du régime de Vichy, à travers la presse, les campagnes d’affichages, la radio, les actualités et documentaires cinématographiques.

    Pour la contrer la résistance s’organise, de l’étranger par le biais d’émissions radio, et sur place avec les moyens du bord.



    Propagande et censure du régime de Vichy – Contre pouvoir: la Résistance et la voix de la France Libre
     
     

    Propagande vichyste et censure en France occupée

    L’une des particularités de la propagande du régime autoritaire populiste et guerrier de Vichy c’est l’accent mis sur la figure emblématique du maréchal Pétain, l’imagerie maréchaliste.
     
    Son portrait décliné sous la forme du vainqueur de Verdun, du sauveur, du père, du grand père, est tiré a des millions d’exemplaires, sur differents supports (timbres postes, affiches…) et sert de base à une propagande collaborationniste qui vise à normaliser l’occupation mais qui aussi accompagne les discours d’un régime qui monte en épingle le passé national glorieux et prône la révolution nationale (travail famille patrie) pour rassembler tous les français.

    • Propagande et censure dans la presse écrite


    • En septembre 1939 l'ensemble des services chargés de la police administrative des moyens de diffusion, et notamment de la presse, sont réunis en un seul département placé sous l'autorité d'un chef de service de presse et de censure le commissariat général à l’information .
    • De 1939 à 1944 ce chef de service assure la fonction de relation publique auprès de la presse et fait pression pour qu'elle soutienne la politique gouvernementale.
    • Après juin 1940 l'agence Havas est démembrée. Une agence de presse d'état est créée en zone sud: l'Office Français d'Information (O.F.I.). En zone nord est mise en place une Agence Française d'Information de Presse (A.F.I.P.) dont la mission première est la propagande.

      S'agissant de la censure, la zone nord ainsi que l'Alsace-Lorraine et la zone "interdite" (les départements du Nord et du Pas-de-Calais), sont sous la seule autorité des services allemands.
    • En zone sud, le gouvernement de Vichy met progressivement en place des services de censure aux niveaux régional, départemental et local, qui quadrillent tout le territoire.

     

    • BRUXELLES pareil
    • Aucune publication ne peut y échapper


    • Le régime de Vichy codifie la censure sous forme de "consignes" écrites imposées à la presse.
    • S'y ajoutent des "consignes verbales", des notes confidentielles et secrètes. Ces milliers de consignes, certaines permanentes d’autres temporaires, visent les mises en page, intitulés, choix des sujets, choix des caractères typographiques. Non respectées elles peuvent conduire à des mesures temporaires de suspension voire à l'interdiction de publication.
    • A cela s’ajoute les restrictions de tirage (2 feuilles petit format) dues aux distributions arbitraires de papier dépendant des services allemands de la Propaganda Abteilung, et les difficultés économiques rencontrées.

      Apres l’occupation en 1942 de la zone sud et surtout à partir de 1943 les autorités allemandes s'engagent elle-même dans une politique de plus en plus agressive et répressive, qui mine la presse écrite et contribue à son effondrement. C'est par la voie des ondes que les français cherchent le plus souvent à obtenir ce que les journaux ne sont plus en mesure de leur fournir depuis bien longtemps: des informations. Mais là aussi Vichy veille.
    • Propagande vichyste sur les ondes

      Après la débâcle et la défaite, la radio doit devenir le principal instrument de propagande du nouvel "Etat français" et de sa politique réactionnaire. Cependant les émetteurs sont aux mains des allemands en zone nord occupée. Donc une onde unique et à caractère national va émettre installée au casino de Vichy: "Radio Vichy". Plusieurs ministères ou structures vichystes auront leurs propres chroniques radiodiffusées. L'audience reste faible cette radio est trop orientée vers la politique intérieure du Maréchal, et dédaigne la politique extérieure et les évènements liés à la poursuite de la guerre. Pour y remédier, des émissions de divertissement sont mises en place, dont des émissions musicales, qui dépassent en volume en juin 1941 celui de l’information.

      Pendant ce temps, en zone occupée La Propaganda Abteilung in Frankreich lance Radio Paris dès le 18 juillet 1940. Avec des moyens financiers importants, cette radio allemande en langue française recrute de nombreux journalistes collaborationnistes. Elle joue sur le même créneau divertissement que sa consoeur de Vichy profitant des nombreux concerts et spectacles donnés à Paris.

      Le retour de Laval au gouvernement en 1942, et l'invasion de la zone libre par les allemands, marque un nouvel élan de la radiodiffusion. Le 07 novembre 1942, la loi sur la radiodiffusion est révisée: les services sont centralisés, les émetteurs modernisés, le financement devient plus souple afin de rendre l'outil propagandiste radiophonique plus efficace. Un conseil supérieur de la Radiodiffusion est mis en place, et en 1943 les services de la Radio sont regroupés à Paris. Sous l'influence allemande et sous le poids de la guerre, le discours se radicalise et devient de plus en plus virulent.
    • Propagande vichyste dans les documentaires cinématographiques juillet 1940-novembre 1942

      Pendant l’occupation, les films projetés sont précédés d’un journal d’actualités et d’un documentaire. Entre fin juillet 1940 et novembre 1942, les actualités de la zone Sud sont produites par France-Actualités et Pathé-Gaumont, sous le contrôle de Vichy. En zone Nord une version française des actualités allemandes est diffusée, complétée par quelques reportages spécifiques à la France. Après l’occupation de la zone Sud, il n’y a plus qu’un journal franco-allemand, France-Actualités.

      Entre juillet 1940 et novembre 1942 Le régime de Vichy met en place à travers des documentaires une propagande d’intérêt national sur des thèmes rassembleurs:
    • le passé glorieux de la nation, les discours du gouvernement français, le thème de la Révolution nationale (travail, famille, patrie), et l’imagerie maréchaliste. Ces documentaires sont diffusés dans les salles du cinéma traditionnel, en complément des actualités et du film.

     

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    • Dans la zone Sud, ils sont aussi proposés dans le cadre de séances éducatives, destinées aux écoles et aux entreprises. Ils sont également diffusés dans les camps et les centres de formation de la jeunesse. Enfin, des salles de cinéma sont aménagées dans le cadre des grandes expositions organisées en zone occupée.


      Ces films de propagande sont présentés comme des documentaires faits de témoignages basés sur des informations réelles. Ils sont diffusés avant le film de fiction, comme les documentaires d’avant-guerre, et se présentent sous la forme d’un documentaire "classique". Ils font appel à une imagerie consensuelle de séduction, des images harmonieuses, qui s’emploient à gommer l’occupation, prônent un retour à la normale, à la paix, la cohésion la fraternité sur fond de voix off. Ces documentaires sont fondés sur une technique d’interpellation du spectateur, et sur un aller-retour constant entre un ton très affectif et une approche plus factuelle (graphiques, chiffres précis...), le tout présenté comme réel. D’autres documentaires visent à discréditer la résistance en présentant des résistants au patriotisme douteux, agissant par intérêt financier.

      L’occupation de la zone Sud en 1942 entraîne des changements radicaux, sur les écrans où seule la propagande allemande demeure, dominée par un discours d’exclusion et de dénonciation de l’ennemi. A noter que les français de la zone sud n’ont connu la propagande allemande qu’à partir de cette date de même qu’en zone occupée les français n’ont pas connu la propagande vichyste qui a disparu de tous les écrans de cinéma en 1943.
     

    La Résistance et la Voix de la France Libre

    La résistance en France s’organise et met en scène de jeunes patriotes nationaux sur des tracts des affiches souvent imprimées avec des moyens rudimentaires au pochoir ou avec des gravures sur bois pressées à la main, pour redonner confiance au peuple et capter son attention sur un futur ou la victoire est au bout du tunnel. Les français à l’affût du moindre signe d’espoir contre l’occupation vont se tourner ver la voix des ondes pour chercher une information qui leur fait cruellement défaut.

    • La voix de La France Libre

      Le 16 juin 1940 De Gaulle arrive en Grande-Bretagne en tant que sous-secrétaire à la Défense nationale. Le 18 peu avant 20h00 le cabinet britannique l'autorise à lire à la radio un texte pour le bulletin d'informations de 20h15 « Les français parlent aux français ». Les britanniques autorisent ensuite l'émission d'un programme français à la B.B.C. d'une demi-heure. Les responsables sont Darcie Gillie, Cecilia Reeves. L'émission originelle "Ici la France" débute dès le 19 juin 1940. Puis Michel de St Denis, sous le nom de Jacques Duchesne réunit une équipe dans le but d'organiser un programme radiodiffusé sur la B.B.C qui démarre le 14 juillet à 20h30. Cette émission prend bientôt le nom de "Les Français parlent aux Français". Au début de chaque émission, Jacques Duchesne lançait cette phrase "Aujourd'hui, (xeme) jour de la résistance du peuple français à l'oppression" qui se transforma en "Aujourd'hui (xeme) jour de la lutte du peuple français pour sa libération".

      Dès le printemps 1941, on écoute beaucoup la B.B.C dans les foyers français. malgré le brouillage et les sanctions sévères encourues. Le succès est dû au fait que les bulletins d'informations (12 par jour en 1944) rapportent assez fidèlement la réalité et sont plutôt objectifs dans les renseignements portant sur le déroulement de la guerre. Y sont associés également quelques divertissements : sketches, musique, témoignages. Des chansons et des maximes deviennent célèbre : le fameux "Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand" sur l'air de la "Cucaracha" par exemple.

      Au début de 1941, l'équipe française de la B.B.C. lance la campagne des V devant être peint partout en signe de victoire. Devant l'ampleur du phénomène, les allemands et Vichy tentèrent de le récupérer à leur avantage en dressant un V immense sur la tour Eiffel. Autre campagne : l'appel à la résistance au S.T.O. (Service de Travail Obligatoire) a permis de rassembler les réfractaires en maquis organisés en 1943. C'est par la biais des mêmes programmes que les "messages personnels" de la résistance sont transmis. L'information sur les actions des maquis est aussi relatée par la B.B.C.

      Par cette radio, la France Libre légitimise son action et sa raison d'être. Ses programmes ont joué comme un effet de contre-pouvoir face à la propagande vichyste et à celle encore plus puissante des nazis. Ainsi, n'étant pas totalement coupée des réalités, la population française a pu conserver un espoir et, pour certains, la volonté d'agir contre l'occupant.
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    HOTEL MARTINEZ sous l'OCCUPATION

    (La bataille pour l'hôtel Martinez)


     

    publié le 05/09/1998 à 20h15 par Christophe Deloire

    C'est la saga dramatique d'un palace mythique, le genre de récit que se transmettent de père en fils les avocats, administrateurs judiciaires et fonctionnaires d'une région.

     

    A la lecture des guides touristiques de la Côte d'Azur, l'histoire de l'hôtel Martinez paraît pourtant idyllique. C'est la version people.

     

    On citera juste, pour mémoire, quelques anciens résidents de l'hôtel : Paul Valéry, le prince de Galles, l'archiduc François-Joseph de Vienne et le duc de Montmorency. Sans oublier, plus récemment, les stars de Hollywood, festival de Cannes oblige.

     



    Martinez EmmanuelMais l'histoire vraie du Martinez, sans paillettes, est inconnue des clients. Celle-là est archivée dans les greffes des tribunaux. Des légions d'avocats y ont laissé leur énergie. C'est la lutte d'une famille déchirée, celle du fondateur de l'hôtel, Emmanuel Martinez, qui se bat pour récupérer un bien dont elle estime avoir été spoliée à la Libération. Depuis cinquante ans, Esther Rossini, la veuve, et Suzanne Digard-Kenny, la fille morganatique d'Emmanuel Martinez, ont intenté des dizaines de procès.

     

    En vain. Aujourd'hui encore, deux procédures sont en cours.

     

    L'une en cassation, l'autre devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. En outre, en début d'année, l'un des héritiers d'Emmanuel Martinez a envoyé une missive à Lionel Jospin.

     

    Le Premier ministre a transmis le dossier à la Mission d'étude sur la spoliation des juifs de France. Mais Emmanuel Martinez n'était pas juif. Son bien lui a été confisqué pour de tout autres raisons.

     

     

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    Emmanuel Martinez, né à Palerme en 1882, était de ces « cosmopolites » qui font fortune dans plusieurs villes à la fois.

     

    Directeur général du Ruhl et du Savoy à Nice, du Piccadilly Hotel à Londres, président du conseil d'administration du Carlton à Paris, Emmanuel Martinez voulait encore plus :

    il construisit et ouvrit en 1929 sur la Croisette ce qui devait être le plus impressionnant des palaces de France, le Martinez.

    En 1943, premier coup dur. Les Allemands réquisitionnent cent cinquante chambres de l'hôtel Martinez. Le 8 mai 1945, la cour de justice de Grasse condamne Emmanuel Martinez par contumace à vingt ans de travaux forcés pour « faits de collaboration avec l'ennemi ».

     

    Entre-temps, le Comité de confiscation des profits illicites de la Seine a demandé et obtenu la mise sous séquestre des biens de la Société des grands hôtels de Cannes (SGHC), propriétaire de l'hôtel Martinez, dont Emmanuel Martinez est l'actionnaire principal.

     

    Le martinez mis sous séquestre

    Pourquoi ? Parce que Emmanuel Martinez est déclaré « solidaire » d'un dénommé Michel Szkolnikoff. Ce personnage mystérieux, collaborateur notoire, aurait acquis une bonne part des actions du Martinez. Emmanuel Martinez a toujours nié avoir vendu ses actions. Michel Szkolnikoff, juif du Sentier, apatride d'origine russe surnommé « l'Empereur du marché noir », a fait fortune dans la vente de kilomètres de tissus à la Gestapo.

     

    A la Libération, Michel Szkolnikoff a été condamné pour collaboration.

    Ses biens ont été confisqués.

    La juridiction d'exception l'a aussi condamné à verser à l'Etat la somme

     

    de 3,9 milliards de francs de l'époque.

     

    L'hôtel Martinez est mis à contribution. Il paiera pour Szkolnikoff.

     

    C'est-à-dire que, à compter de 1945, tant l'actif que les bénéfices de l'hôtel serviront à payer à l'Etat cette amende faramineuse. Et cela bien après la mort de Michel Szkolnikoff, dont le corps carbonisé sera retrouvé en juin 1945 en Espagne, sur le bord d'une route. Emmanuel Martinez, lui, mourra en 1973 dans son lit, sans le sou, à l'âge de 91 ans.

    « Cela aurait pu n'être qu'une affaire de droit commun, explique un proche du dossier, qui fait allusion à la dénonciation abusive et au vol des actions dont a fait l'objet Emmanuel Martinez,

     

    mais c'est devenu une affaire d'Etat. »

     

    « L'Etat a volé l'hôtel à notre famille »,

     

    ajoute Phillip Kenny, petit-fils du fondateur.

     

     

    Cinquante ans après que l'Etat a confisqué l'établissement, la Société des grands hôtels de Cannes, représentante des héritiers, croit encore pouvoir obtenir gain de cause.

     

    Un argument ?

     

    « La justice a reconnu que l'Etat a confisqué l'hôtel à tort. »

     

    De fait, Emmanuel Martinez a été réhabilité en 1949 par la cour de justice de Lyon ; surtout, la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 avril 1974, a estimé qu'« en tout état de cause la preuve de la vente des actions par Martinez Emmanuel à Szkolnikoff Michel n'était pas rapportée ».

     

    En clair, il n'a pas été prouvé que Martinez était solidaire de Szkolnikoff. « L'injustice est évidente », assure Me Donald Manasse, avocat d'Esther Rossini-Martinez, veuve du fondateur de l'hôtel.

     

    L'hôtel de la « rue de Rivoli »

    L'affaire est d'importance.

    Même le gouvernement italien s'en est mêlé, puisque Emmanuel Martinez, « chevalier de la Couronne d'Italie », était ressortissant italien.

    En juillet 1967, après négociations, le ministre des Finances, Michel Debré, s'apprête à rendre l'hôtel à Emmanuel Martinez. Au cours d'une réunion avec les autorités italiennes, il dit considérer que l'amende et les dommages et intérêts, d'un total de 3,9 milliards de francs, ont été recouvrés. L'Etat n'a plus aucun prétexte pour garder l'hôtel sous séquestre. Pourtant, l'opération capote.

     

    Lors d'une visite en France, le 12 novembre 1979, le président du Conseil italien, Francesco Cossiga, évoque le différend avec Raymond Barre, alors Premier ministre.

     

    Et, le 19 mars 1980, l'ambassadeur d'Italie en France, Gian Franco Pompei, écrit à Victor Chapot, conseiller du président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, que « cette affaire fait beaucoup de tort à la France ».

     

    Aujourd'hui, selon le Quai d'Orsay, « ce contentieux n'a pas encore reçu un règlement définitif ».

     

    Des négociations sont toujours en cours.

     

    Les archives françaises et italiennes restent inaccessibles.

     

    En 1979, l'hôtel, jusqu'alors séquestré, est transféré à l'Etat, désormais propriétaire de plein droit du Martinez, surnommé « l'hôtel de la rue de Rivoli », tant les fonctionnaires du ministère des Finances, raconte-t-on, appréciaient l'établissement lors de leurs villégiatures.

     

    Le transfert à l'Etat autorise les pouvoirs publics à vendre l'hôtel par appel d'offres au lieu de procéder à des enchères publiques. Pratique, et surtout discret.

     

    L'appel d'offres est lancé en 1980.

     

    De bonne source, des sociétés étrangères sont « amicalement » dissuadées de se porter candidates : le Martinez doit rester français. En 1981, le gouvernement de Raymond Barre cède l'hôtel au groupe Concorde, filiale de la société familiale Taittinger.

     

     

    Dans l'acte de vente, daté du 24 avril 1981, soit deux jours exactement avant le premier tour de la présidentielle, la société Martinez-Concorde, filiale du groupe familial, est représentée par Jean Taittinger, ancien secrétaire d'Etat aux Finances et ministre de la Justice de Pierre Messmer. Montant de la transaction :

     

    65 millions de francs, auxquels s'ajoutent 1,5 million de francs de travaux obligatoires pour la mise en conformité de l'hôtel. Une très bonne affaire pour la famille champenoise, même si elle s'engage à exploiter l'hôtel et à ne pas le céder pendant une durée de trente ans, sauf accord de l'administration, et à garder les 400 membres du personnel.

    Si l'on déduit la valeur du fonds de commerce, le Martinez est en effet revenu à ses acquéreurs à 923 francs le mètre carré. « L'hôtel avait perdu son lustre d'antan et nécessitait de lourds investissements », argue aujourd'hui Thierry Taittinger, porte-parole de la famille.

     

    C'est exact.

     

    Encore faut-il ne pas oublier qu'une bonne partie de l'hôtel avait été rénovée au cours des années 70, à l'époque où l'établissement était déjà lié à la chaîne Concorde par un contrat d'affiliation.

     

    En 1986, la cour d'appel d'Aix-en-Provence estimait d'ailleurs la valeur de l'hôtel à 140 millions de francs juste avant sa cession.

     

    Soit, pour les Taittinger, une plus-value de plus de 100 % sur trois ans.

     

    De quoi sabler le champagne.

    Bien après la vente, l'affaire agite encore jusque dans les cercles élevés du pouvoir. Le 7 février 1996, dans une lettre à en-tête de l'Elysée, Jacques Foccart écrit à Alexandre Benmakhlouf, à l'époque directeur de cabinet du garde des Sceaux, que « l'Etat a vendu [le Martinez] dans des conditions peu orthodoxes à la chaîne hôtelière Concorde ».

     

    Le conseiller de Jacques Chirac et ancienne éminence grise du général de Gaulle ajoute : « Peut-être [faudrait-il] veiller à ce que justice soit rendue, tant il apparaît que l'administration a eu par le passé un comportement peu clair. »

     

    Quelques jours plus tard, c'est au tour du général Philippe Capodanno, proche deJacques Foccart, ayant lui aussi son bureau à l'Elysée, d'écrire :

     

    « Le service des Domaines est fortement impliqué dans cette affaire. »

    Une procédure est actuellement engagée à l'encontre des Domaines devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. La Société des grands hôtels de Cannes y demande simplement que les Domaines publient le bilan de plus de trente ans de gestion du séquestre.

     

    La cour d'appel d'Aix-en-Provence les avait pourtant condamnés en 1987 à rendre des comptes ; décision confirmée en cassation, mais jamais exécutée. A ce jour, les Domaines n'ont fourni en tout et pour tout qu'une dizaine de pages de comptes.

     

    Qu'y observe-t-on ? Que l'argent de l'hôtel perçu par l'Etat n'a été affecté qu'aux intérêts, et non au principal de la dette, ce qui revient à créer de facto une « amende perpétuelle ».

     

    Le ministère de l'Economie « ne communique pas sur ce sujet ».

    batailles juridiques

    S'ils obtiennent gain de cause, et si l'administration donne enfin des éclaircissements sur des décennies d'exploitation de l'hôtel, les héritiers d'Emmanuel Martinez n'en auront pas pour autant fini avec la justice. « Nous exigerons des dommages et intérêts à la hauteur du préjudice, au moins 150 millions de francs », menace Phillip Kenny. Jean-Pierre Jacquart, administrateur judiciaire chargé de la gestion de la SGHC, s'apprête à exiger encore plus :

     

    « 300 millions au minimum. »

     

    Le partage de l'éventuel pactole s'annonce conflictuel.

     

    Esther Rossini-Martinez, veuve du fondateur de l'hôtel, aujourd'hui sans ressources et recluse dans une maison de retraite à Gênes, en Italie, et Suzanne Kenny, la fille que l'hôtelier a eue avec une femme de chambre, communiquent par avocats interposés.

     

    De nouvelles batailles juridiques en perspective.

     

     

     

     

     

     

     

     

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