• Histoire de la Shoah: La formation d’un historien ne se fait pas seulement à coup d’études documentées (Retour sur l’Affaire Martin Gray)




    (Le Monde, 29/30 janvier 1984, p. 11.)

    Après la publication, dans le Monde daté 27-28 novembre 1983 d’un article intitulé « M. Gray, le camp de Treblinka et M. Max Gallo – Roman et brouillard », dans lequel M. Pierre Vidal-Naquet, historien, accusait M. Martin Gray d’avoir « inventé de toutes pièces un séjour dans un camp d’extermination où il n’avait jamais mis les pieds », M. Vidal-Naquet nous écrit :
    Le Monde des 27 et 28 novembre dernier avait publié, au milieu d’un article de J.-M. Théolleyre, le fragment d’une lettre que je vous avais adressée à la fin de juillet 1983 au sujet de M. Max Gallo et de M. Martin Gray. Reprenant les conclusions d’une enquête anglaise publiée dans le Sunday Times le 2 mai 1973 et qui s’était prolongée dans le New Statesman du 2 novembre 1979, je révoquais en doute, pour m’exprimer en termes modérés, le séjour de M. Martin Gray au camp d’extermination de Treblinka, et portais contre lui l’accusation grave d’avoir exploité un drame familial.

    Quand on se trompe, il est d’une élémentaire loyauté de le reconnaître. J’ai vu à deux reprises M. Martin Gray. Il m’a fourni un nombre important d’attestations qui, à moins d’être à leur tour mises en doute, établissent, sans conteste, la réalité de son séjour à Treblinka et de sa présence au ghetto de Varsovie. Je présente donc sur ce point mes excuses à M. Martin Gray et aux lecteurs du Monde.

    Je ne puis malheureusement en faire autant pour M. Max Gallo. Dans la préface où il indique ce qu’il appelle sa « méthode », il écrit : « J’ai recomposé, confronté, monté des décors, tenté de recréer l’atmosphère. » Cette méthode l’a mené loin : utilisant, comme l’a établi sans conteste l’enquête du Sunday Times, des ouvrages sur Treblinka qui n’étaient pas les meilleurs possibles, il a fait décrire à Martin Gray des lieux et des temps qu’il n’avait pas vécus. Il porte lui-même la responsabilité des soupçons qui ne pouvaient pas ne pas naître à la lecture de ce livre.
    Le moins qu’on puisse dire, en effet, est que le rapport entre ce qu’a vécu M. Martin Gray et ce qu’a écrit M. Max Gallo n’est pas clair. Martin Gray m’a, du reste, dit devant témoin qu’il n’avait pas lu son propre livre. Il m’a aussi affirmé avoir montré à Max Gallo un manuscrit de onze cents pages. Max Gallo n’y fait allusion ni dans sa préface ni ailleurs. Il pourrait pourtant être intéressant de confronter ces deux textes. Enfin, si M. Martin Gray peut à juste titre se plaindre d’être présenté comme un marchand de fausses antiquités alors que les documents qu’il m’a montrés établissent qu’il ne dissimulait pas le caractère récent des objets qu’il vendait, il ne peut que s’en prendre à M. Max Gallo, qui le présente effectivement comme fabriquant et faisant fabriquer des « antiquités ». Je regrette donc sur ce point de maintenir mon jugement : un historien, fût-il aussi romancier, ne devrait pas mêler les genres.

    [M. Max Gallo, à qui nous avons donné connaissance de cette lettre, nous a fait savoir qu'il s'en tenait aux termes de sa réponse en douze points publiée dans notre article daté du 27-28 novembre 1983. M. Gallo, porte-parole du gouvernement, y indiquait notamment : « J'ai recueilli en 1970-1971 les souvenirs de M. Martin Gray, survivant du ghetto de Varsovie et du camp de Treblinka. J'ai écrit avec lui Au nom de tous les miens, utilisant à la fois mon métier d'historien et ma vocation de romancier. » M. Gallo concluait sa réponse ainsi : « Quant à moi, ceci est ma première et ma dernière mise au point. »]

    « Au nom de tous les miens, de Gray, écrit-elle, est l’œuvre de Max Gallo, qui fut aussi le coauteur discret (“ghostwriter”) de Papillon. Pendant que je faisais pour le Sunday Times une enquête sur le livre de Gray, M. Gallo m’informa froidement qu’il ‘avait eu besoin’ d’un long chapitre sur Treblinka parce que le livre requérait quelque chose de fort pour retenir les lecteurs. Quand je dis moi-même à Gray, l’ ‘auteur’, que manifestement, il n’avait jamais séjourné à Treblinka et ne s’en était jamais évadé, il finit par demander, en désespoir de cause : « Mais quelle importance ? » Gitta Sereny (Sunday Times, 2 mai 1973, et New Statesman, 2 novembre 1979, pp. 670-673)

    Le Monde, 27-28 novembre 1983, rappelle certains arguments de l’enquête du Sunday Times de 1973, notamment que Martin Gray affirmait avoir vu la fausse gare de Treblinka, alors que, selon son récit, il n’avait séjourné dans le camp que trois semaines à partir de septembre 1942 et que la fausse gare ne fut construite qu’au mois de décembre suivant.
    Cet article du Monde reproduit une lettre où Pierre Vidal-Naquet, se référant à l’article du Sunday Times, reproche à Martin Gray d’avoir, en « exploitant un drame familial », « inventé de toutes pièces un séjour dans un camp d’extermination où il n’a jamais mis les pieds », et à Max Gallo d’avoir, en se prêtant à la réécriture de ce pseudo-témoignage, fait le jeu de « l’abjecte petite bande de ceux qui nient le grand massacre ».
    Le Monde, qui avait communiqué cette lettre de P. Vidal-Naquet à Max Gallo, publie dans le même numéro une réponse de Max Gallo en douze points, dont on retiendra ceux-ci :
    « 2. – J’ai écrit avec lui [= Martin Gray] Au nom de tous les miens, utilisant à la fois mon métier d’historien et ma vocation de romancier.
    6. – Mme Gitta Sereny, journaliste, qui préparait alors un livre sur Treblinka, fut l’âme de l’accusation.
    7. Elle me prêta des propos que je n’ai pas reconnus.
    8. Martin Gray a, je crois, intenté à l’époque une action en justice.
    12. (…) Quant à moi, ceci est ma première et dernière mise au point. »

    Voir aussi:

    Il y a quelques années, M. Max Gallo a réécrit (en franglais rewrité) un pseudo-témoignage de M. Martin Gray, qui, exploitant un drame familial, a inventé de toutes pièces un séjour dans un camp d’extermination où il n’a jamais mis les pieds. Dans le Sunday Times, il y a déjà plusieurs années, la journaliste anglaise Gitta Sereny avait démasqué cette imposture, qui fut publiée sous ce titre menteur: Au nom de tous les miens, en mettant en cause personnellement M. Max Gallo. Celui-ci aurait-il voulu rendre service à l’abjecte petite bande de ceux qui nient le grand massacre et qui se sont naturellement rués sur cette trop belle occasion, qu’il n’aurait pas agi autrement. Vidal-Naquet
    (Le Monde, 27-28 novembre 1983)

    NOTE à l’usage et à l’intention de Serge Thion

    (Pierre Vidal-Naquet, 6 février 1985)

    Serge Thion m’a fait parvenir un petit dossier intitulé : “Faussaires sans frontières” et dans lequel il se gausse de ma naiveté au sujet de Martin Gray. J’ai en effet affirmé successivement que Martin Gray n’avait pas été à Treblinka et qu’il y avait été. Je n’ai pas été le seul à penser ainsi : au vue (sic) du dossier d’attestation apporté par Monsieur Martin Gray, et qui était loin d’être tout en polonais, Brigitte Friang a eu la même réaction que moi. Elle me l’a dit en termes formels. En tout état de cause, d’une lettre au Monde à l’autre, mon opinion sur le livre intitulé Au nom de tous les miens est restée la même. Ai-je été naïf ? Il est bien possible, en effet, que je me sois trompé. Guitta (sic) Sereny et Michel Borwicz, qui connaissent tous deux bien ce dossier, le pensent. Pour ma part, désormais, sur cette affaire, je me tairai, puisque je me suis trompé au moins une fois. Cela étant dit, la note de Serge Thion n’en demeure pas moins stupéfiante. Serge Thion le note : “Les survivants de Treblinka sont hélas peu nombreux et assez bien connus des historiens spécialisés”. Pourquoi sont-ils peu nombreux ? Il est passé à Treblinka aux environs d’un million de personnes, comprenant notamment la quasi-totalité de la population du ghetto de Varsovie. Si Treblinka n’avait été, comme l’affirme M. Butz, qu’un camp de triage, les survivants auraient dû être extrêmement nombreux. S’ils sont si peu nombreux, c’est pour des raisons bien connues de tous, sauf malheureusement de M. Serge Thion et de la petite bande abjecte avec laquelle il persiste à s’associer. Ou bien faut-il voir dans cette constatation d’un fait une renonciation à soutenir les thèses révisionnistes ? Quoi qu’il en soit, en fait de falsification, il est difficile de dépasser les exploits de la petite bande en question. Je viens encore d’entendre avec une certaine stupéfaction, M. Pierre Guillaume affronter une ancienne déportée d’Auschwitz qui lui disait avec tranquillité ce qu’elle avait vu. Qu’importe ce qu’ont vu les témoins, pourvu que l’idéologie triomphe.

    Voir enfin un extrait de Pierre Vidal-Naquet:
    Qui sont les assassins de la mémoire?
    in Réflexions sur le génocide. Les juifs, la mémoire et le présent, tome III

    (…) Certes, il est clair que la prise de conscience, par les historiens eux-mêmes, de la spécificité du judéocide à l’intérieur de la Seconde Guerre mondiale n’a pas été immédiate du tout. Au point de départ, je veux dire à l’époque du procès de Nuremberg, on ne peut parler d’une conscience générale de ce qu’avait été la Shoah. Celle-ci était noyée dans l’ensemble des crimes du nazisme. Quand Chaïm Weizmann voulut faire entendre une voix juive à la barre de ce procès, il lui fut répondu que c’était inutile et que les juges avaient bien assez de matériel sur ce sujet. La guerre contre les Juifs est passée de la périphérie au centre de la réflexion sur la Seconde Guerre mondiale[15] après une longue période d’incubation.

    Il suffit, par exemple, de remarquer ceci: le symbole de la déportation, dans un pays comme le mien dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, était, pour les hommes, Buchenwald ou Dachau, pour les femmes, Ravensbrück. La raison en est évidente. C’était de Buchenwald, de Dachau et de Ravensbrück qu’étaient revenus, en 1945, le maximum de survivants. Or, ces camps, à l’exception de Ravensbrück, n’avaient pas de chambres à gaz et la chambre à gaz de Ravensbrück elle-même n’a joué qu’un rôle relativement marginal dans l’histoire du camp. Il faut même ajouter qu’il y a eu comme une « migration du récit » entre Auschwitz et Buchenwald, comme il y avait eu une migration des hommes en janvier-février 1945 entre ces deux camps. C’est ainsi que certains témoignages attestèrent l’existence d’une chambre à gaz à Buchenwald, chambre à gaz purement imaginaire et ce conte a, bien entendu, été exploité par Rassinier, puis par Faurisson.

    Si Auschwitz a, ensuite, pris le relais dans la conscience des Européens, c’est, bien entendu, parce que c’est à Auschwitz que les installations d’extermination fonctionnèrent de la façon la plus durable, mais c’est aussi parce qu’il est revenu beaucoup plus de survivants d’Auschwitz que des centres de mise à mort: Belzec, Chelmno, Sobibor, Treblinka. Auschwitz était un camp mixte, camp d’extermination, camp de concentration, camp-usine. Si l’on excepte les très rares survivants des Sonderkommandos, les survivants d’Auschwitz qui ont témoigné pour l’histoire nous renseignent moins sur la mort que sur la vie à Auschwitz. Tel est le cas, par exemple, de celui qui, à mon avis, a été le plus remarquable peintre des relations humaines à Auschwitz, Primo Levi. Il n’est d’ailleurs pas mauvais de rappeler qu’il a eu quelque difficulté à publier le premier de ses livres, Se questo è un uomo. Primo Levi était un chimiste italien, qui fut employé comme chimiste-esclave à Auschwitz III-Monowitz. Son témoignage sur l’extermination de ses compagnons de voyage tient en quelques lignes. Peut-être verrons-nous un jour une nouvelle migration du récit d’Auschwitz vers Belzec ou Treblinka?

    Si je prends maintenant ma propre expérience de fils de deux Français juifs qui trouvèrent la mort à Auschwitz, je dirai que pendant plusieurs années, je n’ai pas fait de vraie distinction entre camps de concentration et camps d’extermination. Le premier livre qui m’ait vraiment appris ce qu’était le camp d’Auschwitz fut La Nuit, d’Elie Wiesel, livre publié en 1958 aux Éditions de Minuit. J’avais déjà vingt-huit ans. Il se trouve que je déteste l’oeuvre d’Elie Wiesel, à la seule exception de ce livre. C’était pour moi une raison supplémentaire de le mentionner. Huit ans plus tard était publié chez Fayard, à grand lancement et à grand scandale le livre exécrable de Jean-François Steiner, Treblinka, et c’est pourtant ce livre qui m’a fait comprendre ce qu’était un camp de pure extermination. La formation d’un historien ne se fait pas seulement à coup d’études documentées. Même dans l’oeuvre d’un historien et, naturellement, dans sa vie, il y a une part d’irrationnel. Quand je parle du mouvement de la conscience historique, je ne puis raisonner comme si l’histoire de la destruction des Juifs en Europe avait constamment progressé depuis le simple recueil de témoignages et de documents jusqu’à l’élaboration scientifique telle qu’on la trouve dans la demière édition du livre de Hilberg. Cela serait une vue archisimpliste de l’évolution de l’historiographie. La notion de progrès doit être mise en question dans l’étude de l’historiographie comme elle doit être mise en question dans l’étude de l’histoire. Un livre comme The Holocaust, de Martin Gilbert [16], chronique plutôt qu’histoire, peut être utile, mais, comme cela a été souvent souligné, il marque une énorme régression par rapport à des livres très antérieurs, y compris à des livres ou à des recueils de documents écrits sur le terrain. Comme l’écrit Arno Mayer: « Aucun recueil de souvenirs, aucune oeuvre littéraire, aucune analyse historique n’atteindra jamais la précision et la pénétration qui distingue des ouvrages comme la Chronique du ghetto de Varsovie d’Emmanuel Ringelblum, le Journal du ghetto de Varsovie d’Adam Czerniakow ou la Chronique du ghetto de Lodz, 1941-1944, qui est une oeuvre collective. Ces trois chroniques de première main, écrites à l’intérieur des cités des mourants et des morts, sont d’une conception résolument modeme par la façon dont leurs auteurs établissent les faits, la chronologie, le contexte historique et décrivent la dynamique de la collaboration et de la résistance dans des conduites d’extrême impuissance. Chose plus remarquable encore, ces chroniques enregistrent l’impact qu’eut sur la vie quotidienne et le destin des ghettos le cours de l’histoire mondiale, et en particulier, celui de la guerre[17]. »

    L’extermination des Juifs, ce que beaucoup d’historiens ont tendance à oublier, se déroulait, en effet, non pas en marge de la Seconde Guerre mondiale, mais au coeur de celle-ci. En revanche, l’historiographie de cette extermination s’est développée, elle, pendant les décennies qui ont suivi, c’est-à-dire, en gros, pendant la guerre froide, et, naturellement, sans être épargnée par le mouvement de l’histoire elle-même. Cela peut être dit de toute entreprise historique, même lorsqu’elle porte sur un passé très lointain comme la Grèce ancienne, qui est mon domaine scientifique propre ; à plus forte raison est-ce vrai pour des événements aussi près de nous que ne l’est la Shoah.

    Raul Hilberg, qui est tout le contraire d’un « révisionniste », a dit un jour que ces canailles pouvaient être utiles dans la mesure où ils obligent les historiens de métier à exercer un sérieux contrôle sur leurs méthodes et leurs résultats. Est-ce vrai? Pouvons-nous dire qu’il y a des failles dans l’historiographie de la Shoah, des failles qui peuvent expliquer le très relatif succès des négateurs parmi des personnes qui ne sont pas toutes des gangsters?

    La réponse est positive et je vais essayer d’expliquer pourquoi.

    a) L’histoire peut, parfois, être hypercritique. C’est le cas, par exemple, de certaines pages du livre d’Arno Mayer, La Solution finale dans l’histoire. Le plus souvent, pourtant, l’histoire de la Shoah a été hypocritique. En particulier, bien des historiens ne se sont pas montrés suffisamment critiques quant à la valeur de leurs sources. En disant cela, je ne suis pas en train de suggérer que nous devrions supprimer des archives de la Shoah tout ce qui nous a été donné, oralement, par les témoins. Je pense même que nous n’avons pas encore assez exploité ce type de documents et que l’historien se doit de devenir un disciple de Marcel Proust, dans la mesure où la mémoire est inscrite, elle aussi, dans l’histoire. Mais la mémoire n’est pas nécessairement mémoire du vrai et nous avons à donner sa place et son importance à la fabulation. La mémoire doit être examinée en tant que telle. Nous avons beaucoup à apprendre d’elle, beaucoup de « faits », bien sûr, mais pas uniquement des faits. Je dirais volontiers que l’historiographie de la Shoah comporte deux chefs-d’oeuvre. La Destruction des Juifs en Europe, d’une part, livre qui repose dans sa quasi-totalité sur des documents écrits et des archives administratives, et Shoah, de Claude Lanzmann, un film qui est une oeuvre d’art et s’appuie exclusivement sur la mémoire vivante des témoins. Les faits sont, je pense, exacts, mais ils sont vus à travers l’écran de la mémoire, et c’est dans cette direction que doit s’orienter l’historien d’aujourd’hui.

    Je ne suis pas en train de suggérer que la Shoah appartient aux historiens, et aux historiens seulement. (…)

    * Nous devons traquer la preuve, même lorsqu’elle nous paraît écrasante. Par exemple, sur la question des chambres à gaz comme instruments techniques de meurtre, jusqu’à une époque très récente, notre documentation était pauvre, assez riche, bien sûr, pour que nous sachions qu’elles ont existé et fonctionné, mais pas assez pour savoir avec exactitude quand, comment, où elles ont fonctionné. C’est un ancien « révisionniste », Jean-Claude Pressac, pharmacien de son métier, qui a comblé cette lacune. Son livre, dont le sujet est résumé par son sous-titre: Technique and Operation of the Gaz Chambers, n’est certainement pas un bon livre d’histoire[21]. Pressac ne montre de véritable compréhension ni pour les victimes, ni même pour les bourreaux, mais il s’est donné une bonne connaissance technique du système qui était en fonction à Auschwitz, des entreprises qui l’ont fait fonctionner et des problèmes techniques qu’elles ont eu à résoudre. Cet ancien « révisionniste » visita Auschwitz pour prouver que les chambres à gaz, même là, n’avaient jamais existé. Quand il découvrit, dans les archives du musée – il travaille maintenant sur les archives de Moscou – la preuve du contraire, il fut terrassé par l’évidence ; malheureusement, cet ensemble disponible avait été, avant lui, négligé par les historiens.



    Cette entrée a été publiée le Lundi 4 Février 2008 à 6:39 et est classée dans antisionisme/antisémitisme, guerre et paix, histoire, livres.



    source
    http://jcdurbant.wordpress.com/

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  • «Survivre avec les loups» : la supercherie

    • Par Propos recueillis par Valérie Sasportas
    «Le succès de mon livre était pour moi un cri d'espoir, de rejet de l'horreur, et il aidait, surtout les jeunes, à comprendre ce qu'avait été le cauchemar des années de guerre. Aujourd'hui, je me sens traquée de nouveau et c'est un sentiment effroyable», confie Misha Defonseca (ici, avec Mathilde Goffart, la jeune actrice du film tiré de son roman «Survivre avec les loups»).

     

     

    EXCLUSIF - Dans une interview au Figaro, Misha Defonseca avoue qu'elle a inventé son histoire et dit enfin «sa» vérité sur son enfance.» LIRE AUSSI - Retour sur le roman «Survivre avec les loups»

    LE FIGARO. Comment vous appelez-vous vraiment ?

    Misha DEFONSECA. Je m'appelle Monique Dewael, mais depuis que j'ai 4 ans je veux l'oublier. Mes parents ont été arrêtés quand j'avais 4 ans. J'ai été recueillie par mon grand-père, Ernest Dewael, puis par mon oncle, Maurice Dewael. On m'appelait «la fille du traître» parce que mon père était soupçonné d'avoir parlé sous la torture à la prison de Saint-Gilles. À part mon grand-père, j'ai détesté ceux qui m'avaient accueillie. Ils me traitaient mal. Je me sentais «autre». C'est vrai que, depuis toujours, je me suis sentie juive et plus tard, dans ma vie, j'ai pu me réconcilier avec moi-même en étant accueillie par cette communauté.

    Alors, c'est vrai que je me suis raconté, depuis toujours, une vie, une autre vie, une vie qui me coupait de ma famille, une vie loin des hommes que je détestais. C'est aussi pour cela que je me suis passionnée pour les loups, que je suis entrée dans leur univers. Et j'ai tout mélangé. Il est des moments où il m'est difficile de faire la différence entre ce qui a été la réalité et ce qu'a été mon univers intérieur. Je demande pardon à tous ceux qui se sentent trahis.

    Comment réagissez-vous à la polémique qui enfle en France et qui remet en cause la véracité de Survivre avec les loups ?

    Je suis profondément triste. Cette histoire, je l'ai gardée si longtemps en moi !... Un jour, dans une synagogue, où je me sentais si bien, on m'a demandé de parler de moi, de mon histoire, à l'occasion de Yom Hashoa h, jour du souvenir.

    De retour chez moi, mon mari m'a convaincue de le faire, me disant que ça me libérerait. Lorsque je suis montée à la bima (chaire, NDLR), j'ai pris soudain conscience que j'allais parler pour la première fois. J'ai fondu en larmes et puis, doucement, par bribes, je me suis mise à raconter. L'assistance et les miens qui me réchauffaient de leur présence pleuraient.

    Mon histoire, je ne la livrais pas au grand public. Si j'ai commencé à parler dans plusieurs universités américaines, c'était à leur demande. C'est alors que j'ai été harcelée par une femme, Jane Daniel, qui se disait éditrice et qui voulait faire un livre sur ma vie. Pendant plus de deux ans, j'ai refusé, mais ma communauté et mes amis me disaient : «Grandis, Misha, fais-le pour les générations futures.» J'ai rassemblé mes souvenirs et le livre a été écrit. Je me suis partiellement reconnue dans cette histoire. C'était la mienne, même si sur certains événements, des dates notamment, j'ai dû accepter les suggestions de l'éditrice.

    Le succès de mon livre était pour moi un cri d'espoir, de rejet de l'horreur, et il aidait, surtout les jeunes, à comprendre ce qu'avait été le cauchemar des années de guerre. Aujourd'hui, je me sens traquée de nouveau et c'est un sentiment effroyable.

    N'avez-vous jamais été surprise que personne ne remette vraiment en cause l'authenticité de votre récit et ses invraisemblances ?

    J'ai raconté tout ce qui me revenait et comme cela me revenait. Sans jamais pouvoir vérifier, car j'étais une enfant. De tout mon être, j'ai ressenti, jour après jour, que mon histoire est vraie. Mes nuits ont été peuplées de cauchemars, la réalité s'y mêlait. Mais aujourd'hui une telle haine…

    Le fait que votre livre soit présenté comme une biographie et non une fiction a-t-il eu un impact, selon vous, sur son accueil ?

    Je n'en sais rien, et puis pour moi ce n'était pas une fiction. Mon avocat m'a dit que c'était «ma» vérité. Il a raison, c'est ma vérité et vous savez, moi, je n'ai jamais voulu l'écrire, faire de l'argent avec tout cela. Je ne voulais rien publier. C'est mon éditrice américaine, Jane Daniel, qui a vu dans ma vie une mine d'or, et c'est elle seule qui en a profité !!!

     

     

     SOURCES / Propos recueillis par Valérie Sasportas

    http://www.lefigaro.fr/culture/2008/02/28/03004-20080228ARTFIG00667-survivre-avec-les-loups-la-supercherie-.php

     

     

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  •  

    Miklos Gruner avait 15 ans quand il fut déporté de Hongrie à Auschwitz-Birkenau, en mai 1944, avec sa mère, son père, un frère plus jeune et un frère plus âgé que lui. Selon lui sa mère et son plus jeune frère auraient été tués dès leur arrivée dans le camp. Les trois restant furent ensuite tatoués sur le bras et envoyé dans une usine produisant du carburant de synthèse appartenant à IG Farben.

     

    Son père y mourut après six mois. Le frère aîné fut ensuite envoyé à Mauthausen. Et deux autres juifs hongrois, amis de feu son père, prirent Miklos sous leur protection.

    Ces deux protecteurs étaient les frères Lazar et Abraham Wiesel.

    Dans les mois qui suivirent Miklos Gruner et Lazar Wiesel devinrent amis. Lazar avait 31 ans en 1944. Miklos n’oublia jamais le nombre tatoué sur le bras de Lazar : A-7713. En janvier 1945 l’armée rouge s’approchait, les déportés furent transférés à Buchenwald. Ce transfert dura trois mois, par train et à pied. Durant ces trois mois, la moitié des déportés en transfert moururent, et parmi eux Abraham Wiesel.

     

    En avril 1945 Buchenwald fut libéré par l’armée américaine.

     

    Miklos et Lazar étaient parmi les survivants. Miklos avait la tuberculose et fut envoyé dans un sanatorium en Suisse et donc séparé de Lazar. Il émigra alors en Australie tandis que son frère aîné, survivant lui aussi, s’établit en Suède.

    Des années plus tard, en 1966, Miklos fut contacté par un journal suédois qui l’invita à venir en Suède pour rencontrer « un vieil ami » nommé Elie Wiesel. Miklos répondit qu’il ne connaissait personne ayant ce nom ; on précisa alors que ce Elie Wiesel était celui qu’il avait connu dans les camps sous le nom de Lazar Wiesel et que son tatouage était A-7713….Miklos se souvenait bien de ce nombre et fut alors convaincu qu’il rencontrerait son vieil ami Lazar ; il accepta alors l’invitation et prit l’avion pour la Suède, le 14 décembre 1986.

    Miklos :

    « L’idée de revoir Lazar me rendit très heureux, mais lorsque je débarquai de l’avion, je fus étonné de rencontrer un homme que je ne connaissais pas du tout, qui ne parlait même pas hongrois et parlait l’anglais avec un fort accent français…et notre rencontre fut terminée après quatre minutes…

     

    Comme cadeau d’adieu, il me remit un livre avec le titre « Night » [nuit] dont il était, dit-il, l’auteur. Je pris le livre que je ne connaissais pas à cette époque, mais déclarais à toutes les personnes présentes que cet homme n’était pas celui qu’il prétendait être ».

    Miklos se rappelle que durant cette étrange rencontre, Wiesel refusa de lui montrer son tatouage, disant qu’il ne voulait pas montrer son corps. Mais Wiesel montra ensuite son tatouage à un journaliste israélien que Miklos rencontra, et ce journaliste dit qu’il n’eut pas le temps de reconnaître le nombre, mais qu’il était certain que ce n’était pas un tatouage.

    Miklos :

    « Après cette rencontre avec Wiesel, je fis des recherches partout où cela fut possible, pendant vingt années et découvris que cet homme se nommant Elie Wiesel n’avait jamais été dans un camp nazi, car il ne figure sur aucune liste de déportés ».

    Miklos découvrit aussi que le livre qu’Elie Wiesel lui donna en 1986 avait en réalité été écrit en hongrois, en 1956, par son vieil ami Lazar Wiesel et publié à Paris avec le titre "A Világ Hallgat" , ce qui signifie "Le silence du monde".

     

    Le livre fut abrégé et réécrit en français avec le titre "La nuit", en anglais "Night", et publié avec le nom d’auteur d’Elie Wiesel.

     

    Dix millions d’exemplaires furent vendus dans le monde et Elie Wiesel eut même le prix Nobel en 1986, alors que, selon Miklos – le véritable auteur avait mystérieusement disparu.

    Et Elie Wiesel ne voulut plus jamais revoir Miklos et devint un personnage très connu. Il se fait payer 25 000 dollars pour parler pendant 45 minutes sur l’holocauste. Miklos informa le FBI que Wiesel était un imposteur mais n’eut pas de réponse. Il porta aussi plainte à l’académie royale des sciences de Suède, mais n’obtint pas de réponse non plus. Les journaux américains et suédois qu’il contacta ne voulurent rien savoir .

     

    Il eut des appels téléphoniques anonymes qu’il serait tué s’il ne se taisait pas, mais déclara qu’il n’avait pas peur de la mort, et qu’il avait déposé le dossier dans quatre pays différents pour que, si jamais il lui arrivait quelque chose, il puisse être publié. Le monde doit savoir, dit Miklos, que ce Elie Wiesel est un imposteur et qu’il allait dire la vérité dans un livre dont le titre serait "L’identité volée d’un prix Nobel" .
    ________________
    http://www.henrymakow.com/translated_from_the_hungarian.html
    traduction rapide de l'anglais par Manfred Stricker
    ________________
    Elie Wiesel sur ZioPedia.org
    Eliezer Wiesel (communément connu sous le prénom d’Elie), né le 30 septembre 1928, est un romancier américain de réputation mondiale,

     

    Prix Nobel de la Paix et activiste sioniste. Il est l’auteur de plus de quarante ouvrages, le plus célèbre d’entre eux – Nuit – étant des mémoires dans lesquels il décrit ce qu’il est censé avoir vécu durant l’Holocauste.

    Wiesel vit aux Etats-Unis où il enseigne, à l’Université de Boston, et où il assure la fonction de président de la Fondation Elie Wiesel pour l’Humanité [Elie Wiesel Foundation for Humanity]

    La vie et l’œuvre littéraire d’Elie Wiesel ont été profondément marquées par son vécu d’Auschwitz, qui diffère de tous les récits qui en ont été faits par des témoins oculaires sur un point majeur : les victimes n’auraient pas été exécutées dans des chambres à gaz homicides, mais – pire encore, peut-être – elles auraient été brûlées vives, lentement, dans d’immenses bûchers en plein air [1].



    « Pas très loin de nous, des flammes s’élevaient d’une tranchée – des flammes gigantesques. On brûlait quelque chose, là-bas. Un camion s’approcha du trou et la benne se releva, déversant sa cargaison : des petits enfants. Des bébés ! Oui, je l’ai vu – je l’ai vu de mes propres yeux ! Ces enfants, dans les flammes. (Doit-on s’étonner si j’ai totalement perdu le sommeil, après cela ?

     

    Le sommeil s’était envolé de mes yeux.) Ainsi, c’est ça, qui nous attendait. Un peu plus loin, il y avait une autre tranchée, plus grande, destinée aux adultes. « Père », dis-je. « Dans ces conditions, je ne veux pas rester ici, à attendre. Je vais me précipiter sur les fils de fer barbelés électrifiés.

     

    Cela serait préférable à cette lente agonie dans les flammes ». »

    L’original en français dit en réalité : « à végéter, des heures durant, dans les flammes » [2], ce qui est une description à laquelle la traduction anglaise n’a pas fait entièrement droit.

    « Les flammes s’échappaient d’une haute cheminée, dans le ciel plombé. Vous voyez cette cheminée, là-bas ? Vous la voyez ? Vous voyez ces flammes ? » [3]

    Heureusement, Wiesel a été sauvé, par miracle [4] :

    « Notre rang n’avait désormais plus que quinze pas à franchir. Je me mordais les lèvres pour que mon père n’entende pas claquer mes dents. Encore dix pas… Huit… Sept… Nous marchions lentement, comme si nous suivions un convoi, mais le convoi de notre propre enterrement. Plus que quatre pas... Trois…

     

    Et voilà : nous étions arrivés. Juste en face de nous : la tranchée, et ses flammes. Je rassemblai tout ce qui me restait de forces, pour pouvoir briser les rangs et me jeter sur les barbelés électrifiés. Au fond de mon cœur, je dis au revoir à mon père, et à l’univers entier. Et, malgré moi, les mots se formèrent et un murmure s’échappa de mes lèvres : « Yitgadal veyitkadach shmé raba » :

     

    « Puisse Son nom être célébré et béni ! » Mon cœur était sur le point d’éclater. Le moment était arrivé. J’étais face à face avec l’Ange de la Mort. Non ! Arrivés à deux pas de la fosse, on nous donna l’ordre de tourner à gauche, et on nous reconduisit à nos baraquements. »

    Le témoignage d’Elie Wiesel continue jusqu’à ce jour à entraîner la confusion chez ses lecteurs. Il décrit comment, alors que l’Armée Rouge était sur le point de libérer le camp d’Auschwitz en janvier 1945, les Allemands qui évacuaient ce camp laissèrent aux détenus malades le choix : soit ils prenaient la fuite avec eux ; soit ils attendaient sur place l’arrivée de l’Armée Rouge. Voici les propos authentiques rapportés par Wiesel, sur la manière dont lui-même et son père prirent leur décision [5] :



    « Le choix était entre nos mains. Pour une fois, nous pouvions prendre une décision nous-mêmes. Nous pouvions rester tous les deux à l’hôpital, où j’avais pu, grâce à mon médecin, le faire entrer tantôt en tant que patient, tantôt en tant qu’infirmier. Ou bien, nous pouvions suivre les autres, qui partaient. « Eh bien ; qu’allons-nous faire, Père ? » Il ne répondait rien. « Partons avec les autres évacués ! », tranchai-je. »



    Plusieurs années durant, Elie Wiesel et son père avaient vécu dans un véritable enfer, où des gens avaient été brûlés vifs, en masse.

     

    Les détenus survivants avaient été brutalisés et maltraités de toutes les manières imaginables.

     

    Et puis, au début 1945, il y eut une chance de s’échapper des griffes de ces criminels de masse et d’être libérés par les soldats russes, qui avançaient. Et que décident Wisie et son papa ? Ils décident de fuir leurs libérateurs, en compagnie de leurs assassins monstrueux ! Ils décident de demeurer des esclaves dans l’enfer créé par les Allemands diaboliques. Ils décident de s’enfuir, de sortir dans l’incertitude d’une nuit glaciale et noire, sous la garde de leurs Satans teutons… Il semble qu’Elie Wiesel et son père eussent plus redouté leur libération par l’Armée Rouge que les Allemands, ou le sort vraisemblablement fatal qu’ils encouraient en s’enfuyant.

    Leur cas n’est pas unique ;

     

    il est étayé par les déclarations de Primo Levi. A la journée du 17 janvier 1945, Levi écrit, dans son ouvrage intitulé Survivre à Auschwitz, qu’il aurait voulu suivre une sorte d’instinct collectif, et se joindre aux autres détenus qui s’étaient enfuis avec les SS, s’il n’avait pas été terriblement malade [6] :

    « Ce n’était pas une question de raisonnement. Moi aussi, j’aurais probablement suivi l’instinct du troupeau, si je n’avais pas été si faible : la peur est suprêmement contagieuse, et la réaction immédiate qu’elle provoque, c’est de vous pousser à fuir ».

    La peur qu’évoque ici Primo Levi, c’est cette peur qui s’empara des détenus – il évoque l’instinct grégaire – et qui les poussa à fuir avec les Allemands. Il semble que tant Wiesel que Levi n’avaient pas réellement peur des Allemands. Il ne semble pas qu’ils aspiraient à être libérés par les Russes, ni qu’ils auraient absolument tout tenté afin d’échapper aux Allemands.

    Et Levi nous donne même le résultat de ce referendum avec les pieds : 800 détenus – de surcroît : pratiquement tous invalides – décidèrent de rester à Auschwitz. Mais ce ne sont pas moins de 20 000 déportés qui suivirent les assassins de masse nazis dans leur fuite.

    Notes

    1. E. Wiesel, Night, Hill and Wang, New York 1960, p. 30
    2. E. Wiesel, La Nuit, éditions de minuit, Paris 1958, p. 58f.
    3. E. Wiesel, op. cit (note 1), pp. 25, 28.
    4. Ibid. p. 31
    5. Ibid. p. 78
    6. P. Levi, Survival in Auschwitz, Summit Books, New York 1986

     

     

     

     

    SOURCES / http://ostfront.forumpro.fr/t2000-elie-wiesel-est-il-un-imposteur-2012

     

     

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    Chronique de livre:

    Je suis Partout.

    Anthologie (1932-1944). (Auda Isarn, 2012)

     Je suis partout. Anthologie (1932-1944).

    Editions Auda Isarn (2012)

     

     

    Je suis Partout (JSP), le nom maudit... ou tout du moins mal connu. On a tous, en général, des idées sur ce qu'était ce fameux journal « collaborationniste » à la réputation sulfureuse; on a parfois lu quelques articles ici et là mais pas de quoi, je pense, se faire une idée très précise sur cette aventure de presse française à la sauce fasciste... La présente anthologie de textes parus sur 12 ans est donc une excellente introduction en la matière.

     

    En effet, le choix des articles reproduits ici diverge tant par les sujets que par les auteurs, ce qui permet d'obtenir un aperçu assez général de ce que fut JSP. 

    Le ton de nombre d'articles du présent recueil sera considéré

     

    comme radical voire violent.

     

    Oui, Je suis Partout était un journal de conviction où l'on ne mâchait pas ses mots et où l'on revendiquait haut et fort les étiquettes de fasciste, de nationaliste, d'antisémite ou d'anti-maçon.

     

    C'est l'époque. Tous les contributeurs de JSP n'avaient pas forcément les mêmes parcours ou idées sur tout, même si tous partageaient antisémitisme et anti-bolchevisme.

     

    En tout cas, les noms de Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau, Robert Brasillach, Georges Blond ou encore Alain Laubreaux en disent suffisamment...

     

    En plus de nombre d'articles des précités, on trouvera dans cette anthologie énormément d'articles écrits par des collaborateurs occasionnels, dont certains de renom: Abel Bonnard (alors membre de l'Académie française) ou encore Pierre Drieu La Rochelle...

    Afficher l'image d'origine

     

    C'est dire la qualité générale de tous ces papiers où l'on trouve une langue française riche, imagée et souvent savoureuse. Vous avez donc droit ici à environ 80 articles du journal, soit 650 pages pour la somme très raisonnable de 30 euros.  

    1932-1944. 12 années durant lesquelles JSP évoluera ; que cela soit politiquement ou au niveau de l'équipe de rédaction. On pourrait déjà distinguer les deux grandes périodes du journal: l'avant guerre et les années 1941-1944 (Et dans celles-ci, le tournant de 1943 qui voit le départ de Brasillach du journal; celui-ci devenant en plus en plus radical aux mains de Rebatet et de Cousteau). Pour un historique plus complet, le lecteur se reportera à l'émission consacrée par Méridien Zéro à JSP (Emission n°95).

    Je suis Partout était bien sûr avant tout un journal politique d'opinion, traitant de l'actualité nationale et internationale. Nationaliste français et maurrassien puis de plus en plus fasciste, voire national-socialiste en 1943-1944.

     

    Les ennemis sont tout désignés: la démocratie parlementaire, la république et ses serviteurs qui trahissent la France, toute la clique des ennemis intérieurs de la France -socialistes, communistes, antifascistes...-,

     

    les tièdes -bourgeois (pas au sens de classe sociale mais d'esprit bourgeois précise Rebatet) et réactionnaires-, les juifs etc.

     

    Avec la guerre, la liste s'allongera à différents "traîtres" tels les gaullistes ou ce "haut clergé oublieux, ingrat et infidèle au point de travailler pour l'étranger". Bref, JSP est "en guerre avec tout le monde" pour reprendre quelques mots de Philippe d'Hughes, préfacier de cette anthologie.

     

    Robert Brasillach fait quant à lui, en septembre 1942, la liste des "sept internationales contre la patrie": communiste, socialiste, juive, catholique, protestante, maçonnique et financière.

     

    L'éditeur, Auda Isarn, a eu d'ailleurs la bonne idée de reproduire plusieurs caricatures, notamment de Ralph Soupault, qui illustrent bien la manière dont on représentait tous ces ennemis... Parmi les textes les plus corrosifs, on trouvera évidemment ceux, extrêmement politiquement incorrects, du grand Rebatet (qui, pour certains d'entre eux, avaient déjà été édités il y a quelques années dans des recueils d'articles dont le tirage était resté assez limité). On mentionnera par exemple son fameux article de 1941 sur Marseille, "la vie la plus malhonnête de France" pour reprendre ses mots ou encore « Le fait juif » de 1944.

    Ne réduire le journal qu'à cela serait toutefois stupide et cette anthologie permet justement à tout un chacun de se faire une réelle idée du contenu du célèbre hebdomadaire: à côté des textes politiques, se trouvaient des articles aux visées plus idéologiques mais également nombre de papiers culturels (allant des chroniques littéraires aux considérations historiques en passant par toutes sortes d'articles traitant qui de patrimoine, qui de tourisme).

    Autre grand attrait du journal: ses reportages ou l'évocation d'épisodes de la guerre par des témoins directs. Les "choses vues" sont de premier intérêt, on suit ainsi les journalistes de JSP en Allemagne (1936, à l'occasion du congrès de Nuremberg; en 1941; en 1943), dans l'Espagne en guerre (1938), à Katyn en 1943 etc.

     

    Le journal, durant la guerre, se soucia toujours grandement du sort des prisonniers français et on trouvera notamment dans ce volume un bel article de Robert Brasillach contant ses souvenirs de captivité.

     

    JSP était aussi célèbre pour ses rubriques sur le cinéma et la musique et les romans publiés en feuilletons (par René Barjavel ou d'autres).

     

    Cette formule politique/culture assura le grand succès du journal qui tirait ainsi plus de 300.000 exemplaires en 1944, à l'aube de la "libération".

     

     

    Si les articles des années 30 ont toute leur place (on y voit l’intérêt du journal pour les différents fascismes européens), ceux datant des années 1941-1944 me semblent de premier intérêt car on y voit l'évolution du regard porté sur les évènements de cette époque vécue alors à JSP comme charnière. On retrouve l'atmosphère d'alors qui est décrite par l'un des rédacteurs du journal, fin 1941, comme une "sorte de cataclysme historique" car on a "l'impression d'assister à l'écroulement de tout un monde de valeurs et d'habitudes, et de voir s'édifier peu à peu sous nos yeux une société nouvelle, de nouvelles façons de vivre et de sentir".

     

    Le IIIe Reich, continue-t-il, lutte "pour le bien et le salut de l'Europe, contre la bestialité bolchevique". L'Allemagne nouvelle? C'est, pour François Dauture, "un motif d'espérer et un enseignement exaltant". Rebatet, en 1943, dans un article titré L'espérance est fasciste déclare quand à lui: "Si c'est justement à sa trop grande latinité qu'a tenu la faiblesse du fascisme italien, eh bien! disons:

     

    "l'espérance est national-socialiste" !!!!

     

    A partir de 1943-1944, la situation paraissant de plus en plus difficile pour l'Allemagne et pour l'Europe tant espérée, le journal se veut jusqu'au boutiste et ne fait que renforcer sa virulence à tous égards, les textes de Lucien Rebatet en témoignant mieux que n'importe quel discours.

     

    Pour l'auteur des Décombres, le national-socialisme, c'est "la révolution juste, nécessaire, la seule qui puisse sauver l'Europe et lui rendre son équilibre".

    Et sur la situation de la France? Que trouve-t-on? La défaite de 1940 est une expérience amère mais la politique de collaboration avec l'Allemagne laisse entrevoir des lendemains bien plus radieux que ceux qu’incarnait la république déchue qui a amené la France au désastre.

     

    En 1941, Robert Brasillach souligne bien un accord de principe sur la Révolution Nationale. Cela n'empêche pas Je suis Partout de dire ce qu'il pense réellement de celle-ci et de critiquer la mollesse et tous les (nombreux) travers d'icelle.

     

    Le même Brasillach, en octobre 1941, déclare ainsi, un an après Montoire:

     

    "Montoire n'était pas seulement le symbole de cette réconciliation, pas seulement l'espérance de la prochaine liberté.

     

     

    C'était aussi le symbole que beaucoup de choses allaient changer en France et que la justice, en particulier, serait faite".

     

    Déçu par un an de politique française, il déclare encore:

     

    "nous voulons seulement espérer- notre espérance, c'est de voir préciser les directives de l'an passé".

     

    La déception de l'équipe deJSP sur la situation politique française ne fera que se renforcer, celle-ci se positionnant nettement pour un fascisme à la française qu’on ne retrouvait pas à Vichy. Fin 1943, Pierre-Antoine Cousteau profite ainsi de ses articles pour fustiger très violemment le régime de Vichy auquel est reproché de ne pas être fasciste et de n'avoir pas collaboré avec les réels fascistes français qui, eux, voulaient vraiment utiliser le pouvoir pour faire quelque chose de grand, de neuf. La Révolution Nationale a été faite, dit-il, par une clique d'anciens notables de la IIIe république et non pas par les authentiques fascistes français.

     

    Cela explique: "Tous les balbutiements.

    Tous les ratages. Toutes les extravagances.

    Toutes les trahisons.".

     

    D'ailleurs, pour Pierre-Antoine Cousteau, il n'y a pas que Vichy qui est en faute mais également les français qui ne savent pas ce qu'ils veulent et qui agissent comme un troupeau hébété qui n'a que faire de ceux qui ont tenté de l'éveiller, à l'image de Céline ou de Rebatet.

     

    Cependant, ajoute PAC, "Le reproche que l'on pourrait faire à Céline et à Rebatet, ce serait d'avoir surestimé la France, d'avoir trop fait confiance aux facultés de ce malheureux pays. Tout ce que nous voyons chaque jour -il suffit d'ouvrir les yeux- dépasse les peintures les plus sombres des deux visionnaires. (...)

     

    neuf français sur dix se comportent quotidiennement comme si de jure, ils avaient droit à l'étoile".

     

    Avec les articles de la dernière période de JSP (1943/1944) on comprend justement "en direct" que toute l'espérance qui avait été mise dans le rêve d'un nouveau monde était peu à peu mise à mal au regard de la guerre qui ne prenait pas la direction voulue (notons cependant qu'à l'image de Rebatet, plusieurs journalistes de JSP crurent en la victoire finale de l'Allemagne jusqu'à l'exil à Sigmaringen).

     

    L'amertume se mêle alors à la réaffirmation totale du journal en ses idéaux et ce, malgré toutes les difficultés du moment, chaque jour plus nombreuses (situation intérieure en France, menaces de mort sur les rédacteurs...).

     

    La fidélité à leur engagement fasciste était, pour les journalistes de JSP, une réalité à toute épreuve. Ils pouvaient affirmer effectivement en 1944:

     

    "Nous ne sommes pas des dégonflés" !!

     

    Rüdiger / C.N.C

    Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

     

    SOURCES

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/archive/2012/07/05/chronique-de-livre-je-suis-partout-anthologie-1932-1944.htm

     

     

     

     

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    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, de vastes zones de l’Europe sous domination allemande furent dotées d’un système organisé de bordels à l’initiative de la Wehrmacht.

     

    À peine les Allemands avaient-ils fait leur entrée dans Paris, que le Haut Commandement de l’Armée de Terre (okh) donna l’ordre d’installer des bordels spéciaux pour les officiers et les soldats sur l’ensemble du territoire français occupé.

     

    Le bordel de la Wehrmacht entra dans le quotidien de l’occupation au même titre que la librairie du front et le foyer du soldat.

     

     

    Bordel militaire allemand à Brest en 1940. 

    Soldats allemands entrant dans unSoldatenbordell à Brest (France) (1940). Le bâtiment est une ancienne synagogue

     

    Il ne représentait que l’un des axes d’un catalogue exhaustif de mesures destinées à réglementer les relations sexuelles entre les troupes d’occupation et la population civile féminine.

     

    L’action de l’administration militaire à l’encontre des femmes des couches populaires soupçonnées de proposer des services sexuels ou d’entretenir des contacts non contrôlés avec des membres de la Wehrmacht fut au moins aussi importante.

     

    Les poursuites contre les prostituées et les Françaises soupçonnées de prostitution allèrent jusqu’à l’envoi en camp d’internement.

     

     

     

     

    Bordel militaire allemand à Brest en 1940. 

    Soldats allemands entrant dans unSoldatenbordell à Brest (France) (1940). Le bâtiment est une ancienne synagogue

     

    Repérées et poursuivies sur la seule base de leur fréquentation des soldats allemands, ces Françaises n’ont pas eu un rôle important dans le déroulement général de la Seconde Guerre Mondiale et elles n’ont pas eu non plus bonne réputation.

     

    Pourtant, elles furent soumises à des contraintes policières et médicales qui visaient exclusivement les femmes.

     

    La dimension spécifiquement sexuée de la conduite de guerre et de la politique d’occupation allemande n’est à ce point flagrant dans aucun autre domaine d’autant que l’administration militaire accordait une attention considérable au contrôle de la prostitution.

     

    Par ailleurs, une des particularités du système des bordels de la Wehrmacht était de permettre aux membres d’une armée qui menait une guerre d’anéantissement à l’Est, d’avoir accès à des femmes et de leur proposer des compensations sexuelles.

     

     

    Ceci est d’autant plus net dans le cas de la France occupée que le commandement militaire allemand voyait dans la France voisine une zone de détente pour les troupes du front de l’Est.

     

     

     

    Pour les allemands, en 1940, la France est la patrie des plaisirs sexuels.

     

    Les soldats, en particulier ceux qui partent sur le front de l'Est ou qui en reviennent, doivent y trouver le « repos du guerrier » ... sans les maladies vénériennes.

     

    Afficher l'image d'origine 

     

     

    L'un des premiers gestes de la Wehrmacht en France occupée sera donc de prendre le contrôle de la prostitution, de mettre en place un vaste système de maisons closes à destination exclusive des Allemands, de pousser les Françaises à y travailler, et d'interdire à ses troupes tout autre type de relations sexuelles.

     

    Chez Madame Coste 

     

    La réglementation de la prostitution et des relations sexuelles par les occupants

     

     

     

    Pendant la Seconde Guerre Mondiale, de vastes zones de l’Europe sous domination allemande furent dotées d’un système organisé de bordels à l’initiative de la Wehrmacht.

     

     

    À peine les Allemands avaient-ils fait leur entrée dans Paris, que le Haut Commandement de l’Armée de Terre (okh) donna l’ordre d’installer des bordels spéciaux pour les officiers et les soldats sur l’ensemble du territoire français occupé.

     

    Le bordel de la Wehrmacht entra dans le quotidien de l’occupation au même titre que la librairie du front et le foyer du soldat.

     

    Il ne représentait que l’un des axes d’un catalogue exhaustif de mesures destinées à réglementer les relations sexuelles entre les troupes d’occupation et la population civile féminine.

     

     

    L’action de l’administration militaire à l’encontre des femmes des couches populaires soupçonnées de proposer des services sexuels ou d’entretenir des contacts non contrôlés avec des membres de la Wehrmacht fut au moins aussi importante.

     

    Les poursuites contre les prostituées et les Françaises soupçonnées de prostitution allèrent jusqu’à l’envoi en camp d’internement.

     

    Repérées et poursuivies sur la seule base de leur fréquentation des soldats allemands, ces Françaises n’ont pas eu un rôle important dans le déroulement général de la Seconde Guerre Mondiale et elles n’ont pas eu non plus bonne réputation.

     

     

    Pourtant, elles furent soumises à des contraintes policières et médicales qui visaient exclusivement les femmes.

     

    La dimension spécifiquement sexuée de la conduite de guerre et de la politique d’occupation allemande n’est à ce point flagrant dans aucun autre domaine d’autant que l’administration militaire accordait une attention considérable au contrôle de la prostitution.

     

     

    Par ailleurs, une des particularités du système des bordels de la Wehrmacht était de permettre aux membres d’une armée qui menait une guerre d’anéantissement à l’Est, d’avoir accès à des femmes et de leur proposer des compensations sexuelles.

     

    Ceci est d’autant plus net dans le cas de la France occupée que le commandement militaire allemand voyait dans la France voisine une zone de détente pour les troupes du front de l’Est.

     

    Nous évoquerons d’abord la façon dont les autorités d’occupation ont réglementé la prostitution et procédé contre les Françaises qui tenaient compagnie de façon gratuite ou payante aux soldats allemands.

     

     

    Puis nous examinerons la question des raisons et des orientations en vertu desquelles la Wehrmacht s’est efforcée de contrôler les contacts de ses troupes avec les femmes dans la France occupée entre 1940 et 1944.

     

    Le thème "Wehrmacht et prostitution" n’ayant pratiquement fait l’objet d’aucune étude scientifique. 

     

     

    Il faut citer en premier lieu le traité de vulgarisation..., les développements qui suivent s’appuient sur des documents de la Wehrmacht et de l’administration de Vichy tirés des archives allemandes et françaises.

     

    Services compétents

     

    La surveillance de la prostitution relevait du service de santé de la Wehrmacht. Les instances supérieures des bureaux sanitaires de l’okhédictaient, de Berlin, les instructions générales relatives au système des bordels et aux poursuites contre les femmes suspectées de prostitution, en France et dans les autres pays d’Europe sous domination allemande.

     

    La responsabilité de leur mise en œuvre concrète revenait principalement aux unités sanitaires de l’administration d’occupation allemande, c’est-à-dire plus précisément aux officiers de santé affectés aux Feldkommandanturen.

     

    La Feldgendarmerie, c’est-à-dire la police militaire, avait des attributions complémentaires liées à la répression de la prostitution.

     

    A partir du début de l’été 1942, lorsque la SS reprit les attributions policières de l’administration militaire, les représentants de la Gestapo entrèrent eux aussi en action.

     

    Toutefois, les officiers de santé continuèrent à assurer le rôle dirigeant.

     

    Pour le contrôle des relations sexuelles comme pour les autres domaines de la politique d’occupation, l’administration militaire s’appuya sur la coopération avec les autorités de Vichy.

     

    Les institutions policières françaises et les inspecteurs départementaux de la santé assurèrent une part essentielle de l’exécution des mesures de contrôle imposées par la Wehrmacht.

     

    Les ordonnances berlinoises de juillet 1940

     

    En juillet 1940, dès le deuxième mois de l’occupation donc l’okhpromulga deux directives ordonnant la mise en place de bordels de la Wehrmacht et la poursuite des prostituées sur l’ensemble du territoire français sous occupation allemande.

     

    Ce fut le médecin militaire de l’okh qui, le 16 juillet 1940, sous l’intitulé "prostitution et bordels dans la zone occupée de la France" édicta des ordonnances générales et fixa la ligne directrice suivante :

     

    "Tous les moyens doivent être mis en œuvre […] pour empêcher tout rapport sexuel avec des personnes de sexe féminin non soumises à un contrôle sanitaire".

     

    Le principal instrument préconisé pour faire obstacle à ces contacts indésirables était le bordel. Le texte invitait à réquisitionner les bordels existants pour les soldats allemands.

     

    Cette volonté de réglementation des autorités sanitaires allemandes du commandement en chef de l’armée de terre se concrétisa ensuite par un vaste catalogue de dispositions détaillées sur la gestion des bordels militaires, où les prescriptions policières et médicales côtoyaient les mesures de politique raciale.

     

     

    On peut lire textuellement dans une instruction :

     

    "Les prostituées de race juive et d’autres races étrangères sont à écarter".

     

    Ces obligations détaillées n’étaient certes pas encore accompagnées de l’ordre express d’établir des bordels militaires dans l’ensemble de la zone d’occupation. Le même mois, le 29 juillet 1940, le quartier-maître général à l’état-major général de l’armée de terre signait une ordonnance imposant la sélection et la réquisition de bordels français pour la Wehrmacht. Elle prescrivait aussi la fixation de tarifs afin de soumettre la formation des prix au pouvoir discrétionnaire allemand.

     

    L’ordonnance contenait également des directives concernant la poursuite des femmes soupçonnées de prostitution qui prolongeaient et élargissaient la pratique déjà introduite à cette date par les autorités d’occupation en France.

     

     

    L’okh chargeait l’administration militaire en France de faire enregistrer immédiatement toutes les prostituées par les autorités sanitaires françaises et de coopérer dans ce but avec la police française.

     

    Afin d’imposer le bordel comme le lieu des rapports sexuels entre les femmes autochtones et les occupants, l’ordonnance stipulait en outre l’interdiction de toute prostitution de rue par des moyens de police.

     

    Dès la mi-juillet 1940, le service sanitaire de l’armée de terre posa ainsi les principes d’une réglementation uniforme de la prostitution par l’administration militaire sur la totalité du territoire occupé.

     

    Le commandement allemand ordonnait non seulement la sélection et la réquisition, la puissance occupante, de certains bordels partout en France et leur surveillance par les bureaux de l’armée, mais il intervenait aussi dans le détail de l’organisation des maisons, des conditions de travail, du contrôle et des gains des femmes employées dans les bordels.

     

     

    Si on cherchait ainsi à fixer dans quels lieux et dans quelles conditions les autochtones auraient des rapports sexuels avec les soldats allemands, l’instruction complémentaire de sélectionner le personnel selon des représentations raciales prescrivait aussi qui devait travailler dans les bordels réservés à la Wehrmacht.

     

    Le fait que, dès juillet 1940, l’okh entreprenne de peser sur le contrôle de la prostitution dans la France occupée a donc une double portée.

     

    D’une part, comme les ordonnances évoquées le montrent, la mise en place des bordels militaires reposait sur une planification centrale et des instructions du haut commandement militaire.

     

    D’autre part, Berlin prit des mesures qui débouchaient sur une sorte de "bordel-standard d’occupation".

     

    Cette centralisation et cette standardisation du système des bordels inauguré par la Wehrmacht se démarquent radicalement de la réglementation de la prostitution dans la France de l’avant-guerre.

     

    L’okh exporta ainsi vers la France la réglementation introduite en 1939 dans le Reich allemand lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

     

    Le point de départ était visiblement une ordonnance prise le 9 septembre 1939 par Reinhard Heydrich, le représentant d’Heinrich Himmler, et qui prévoyait l’organisation administrative d’un système de bordel, ainsi que, conséquemment, la limitation et la criminalisation de la prostitution hors bordel dans les régions où opérait l’armée allemande.

     

     

    Sur la répression, insuffisamment.... Ces dispositions furent étendues au territoire français occupé, assorties de quelques dispositions complémentaires, telles que, par exemple, l’interdiction faite aux Français de fréquenter les bordels de la Wehrmacht et la fixation des tarifs.

     

    Sur la base des directives de Berlin, les autorités de l’occupation allemande instituèrent, au cours des mois suivants, un système de bordels et de prostitution qui, dans ses traits principaux, était en place à la fin de l’été 1940 et qui allait se maintenir jusqu’à la libération de la France en 1944.

     

    Les poursuites contre les femmes soupçonnées de prostitution

     

    A quoi ressemblait concrètement cette surveillance ?

     

    Immédiatement après leur arrivée, les Allemands organisèrent une chasse en règle contre les femmes soupçonnées de prostitution.

     

    Les unités de la Feldgendarmerieentreprirent, avec la police des mœurs française, des rafles et des descentes dans les rues, les cafés et les hôtels. Dans le même temps, les officiers de santé se lancèrent dans la recherche de ce qui fut appelé les "foyers de contagion".

     

    Ce qui signifie que les soldats trouvés porteurs de maladies vénériennes furent invités à indiquer les femmes avec lesquelles ils avaient eu des rapports sexuels.

     

    Les personnes ainsi dénoncées furent immédiatement arrêtées par la police. De nombreuses Françaises qui avaient fréquenté des soldats allemands furent ainsi repérées.

     

    Ces poursuites concernèrent en partie des Françaises qui gagnaient leur vie en offrant leurs services sexuels. Mais elles frappaient aussi des femmes des couches populaires arrêtées dans des cafés suspects ou en compagnie d’Allemands, ou bien qui travaillaient dans des logements et des entreprises allemandes.

     

    Les femmes ainsi interpellées furent examinées de force et, le cas échéant, soignées de force et enregistrées dans les fichiers de la police. En cas de récidive, elles étaient enregistrées comme prostituées et soumises à une surveillance médicale et à des contrôles policiers rigoureux.

     

     

    Si elles enfreignaient les dispositions prises à leur encontre ou contractaient une maladie vénérienne en travaillant avec des membres de la Wehrmacht, les autorités allemandes les expulsaient vers des régions où aucune troupe allemande n’était stationnée, ou les faisaient emprisonner.

     

    Les mesures par lesquelles les médecins militaires allemands visaient conjointement à contrôler les relations sexuelles et à satisfaire les besoins des troupes allemandes avaient pour caractéristique commune l’emprisonnement des femmes qui, par la volonté des officiers de santé, ne devaient pas avoir de contact avec les soldats allemands.

     

    Sous l’occupation allemande, l’emprisonnement des prostituées, qui relevait depuis le XIXèmesiècle du contrôle administratif de la prostitution, prit une dimension quantitative et qualitative nouvelle.

     

     

    On le voit notamment dans l’enfermement par l’administration militaire des "filles soumises" et des Françaises soupçonnées de prostitution non seulement dans des prisons, des hôpitaux et des maisons de redressement.

     

    Mais, à compter de l’automne 1941, les Allemands ont également employé une forme d’enfermement qui caractérise aussi le régime de Vichy et qui est perçue comme la quintessence du pouvoir national-socialiste : le camp d’internement.

     

    Nous illustrerons les mesures d’internement prises dans le cadre de la surveillance de la prostitution par l’exemple de deux camps situés dans le centre de la France. Il s’agit du camp de Jargeau dans le département du Loiret, où furent envoyées, à partir d’octobre 1941, au moins trois cent-trois femmes soupçonnées de prostitution, et du camp de La Lande dans le département de l’Indre-et-Loire.

     

    Dans celui-ci, soixante-quatre prostituées furent détenues par les autorités allemandes entre novembre 1942 et décembre 1943.

     

    Les sources qui nous sont parvenues montrent que l’internement de ces femmes dans ces camps fut principalement réclamé par les officiers de santé allemands.

     

    Parmi les internées se trouvaient des femmes simplement soupçonnées de s’être livrées à la prostitution et d’autres qui avaient travaillé en tant que "filles soumises en carte", ou "pensionnaires" dans les bordels de la Wehrmacht et qui avaient enfreint les consignes des officiers de santé, s’étaient enfuies des hôpitaux ou avaient contracté une maladie vénérienne au contact des soldats allemands.

     

    Une des rares possibilités de ressortir du camp de Jargeau

    était d’entrer dans un bordel militaire.

     

    Les prostituées internées pouvaient se porter candidates à ce travail.

     

    Les occupants décidaient alors eux-mêmes des prisonnières qui pouvaient être transférées dans un bordel.

     

    Cette association entre camp d’internement et bordel révèle l’empreinte typiquement nazie du contrôle administratif de la prostitution.

     

    La contrainte liée au recrutement à l’intérieur du camp, la sélection et le placement par les Allemands des candidates au travail dans les bordels constituaient l’expression d’un proxénétisme administratif et d’une répression administrative de la prostitution sans équivalent dans l’histoire française.

     

     

    Dans le même temps, le principe de base de la gestion de la prostitution par la Wehrmacht ne s’exprime nulle part avec autant de clarté que dans l’association camp-bordel car, ce faisant, l’administration militaire imposait de façon radicale sa volonté de décider dans quelles conditions et quelles Françaises auraient des rapports sexuels avec des membres de la Wehrmacht.

     

    Les bordels de la Wehrmacht

     

    Le système de bordels de la Wehrmacht n’était pas comparable aux maisons closes françaises traditionnelles.

     

     

    Certes, les occupants pouvaient partiellement recourir aux bordels déjà existants que la Wehrmacht avait réquisitionnés à leur intention.

     

    Mais dans le même temps, les médecins militaires allemands, qui assuraient ainsi indéniablement des fonctions de proxénètes, créèrent un grand nombre de nouveaux bordels en réquisitionnant des immeubles et en engageant des tenancières.

     

     

    La nouveauté était surtout la planification et la surveillance, ordonnées par les autorités militaires de Berlin.

     

    La frénésie réglementaire allemande s’incarnait en outre dans la différenciation des clientèles.

     

    A côté des bordels spéciaux pour les soldats et pour les officiers, les occupants installèrent ainsi des bordels réservés respectivement aux sous-officiers, aux employés civils allemands et au personnel de l’organisation Todt.

     

    La dimension quantitative du système était tout sauf négligeable, comme le montreront quelques exemples chiffrés.

     

    En novembre 1941, la puissance occupante gérait ainsi à elle seule dans la zone d’administration militaire A – soit à peu près le tiers de la zone Nord sous occupation allemande, hormis Paris – cent-quarante-trois bordels où travaillaient mille cent-soixante-six femmes.

     

     

    À Paris, on peut identifier au total quarante bordels réquisitionnés par les Allemands pendant l’occupation, auxquels s’ajoutent au moins douze bordels militaires en banlieue. Deux autres exemples : dans le Loiret, on comptait au total, dix bordels allemands ; en Charente-Maritime, au moins trente.

     

     

    Des milliers de Françaises travaillaient dans ces bordels.

     

    Ainsi, au cours de l’année 1942, dans la seule ville de La Rochelle, au moins deux-cent soixante et une femmes travaillaient dans les maisons réservées aux occupants..

     

    Les soldats allemands fréquentaient massivement ces lieux. A Angers, par exemple, les autorités d’occupation qui tenaient une "statistique des bordels" enregistrèrent, de février 1941 à février 1942, par mois en moyenne plus de huit mille clients dans les cinq à six bordels militaires de la ville.  

     

    Calcul sur la base des statistiques disponibles,....

     

     

     

    Objectif, justification

     

    et arrière-plan

     

    de la démarche allemande

     

     

     

     

    Quelles intentions conduisirent la Wehrmacht à mettre en place des bordels et à poursuivre les Françaises suspectées de prostitution ?

     

    Quelles mentalités furent ici à l’œuvre ?

     

    Au cœur de l’esquisse qui va suivre, trois aspects : premièrement, la politique démographique et sanitaire de surveillance de la prostitution par les Allemands, deuxièmement, le contrôle des relations sexuelles entre soldats allemands et femmes françaises, et troisièmement, la participation des soldats allemands aux fruits de la victoire. Un autre aspect important que nous ne pourrons qu’évoquer rapidement ici sera l’image de la France et des femmes chez les occupants.

     

    Maladies sexuelles et politique démographique

     

    Un aspect central pour la compréhension du système de bordels de la Wehrmacht qui est en même temps le plus déconcertant, est son caractère de politique sanitaire.

     

    Il s’exprime, par exemple, dans le fait que l’administration militaire allemande, dans ses rapports officiels, traite du contrôle de la prostitution sous la rubrique "épidémies" et que les médecins-chefs militaires désignaient explicitement les bordels de la Wehrmacht comme des "institutions de prévention des épidémies", et définissaient dans le même temps les femmes comme des "agents d’infection" potentiels.

     

     

    Il nous faut donc nous demander pour quelle raison la Wehrmacht traitait les relations sexuelles des soldats Allemands avec des Françaises d’abord comme un problème d’hygiène épidémiologique et renvoyait l’organisation des relations sexuelles dans le territoire occupé à la "lutte contre les maladies sexuelles".

     

     

    Il est tout aussi nécessaire d’expliquer pour quelle raison la Wehrmacht percevait les affections des organes génitaux comme une menace particulièrement sérieuse pour les capacités individuelles, comparativement à d’autres maladies, au point de prendre des mesures préventives en ce domaine et d’en faire un des thèmes principaux d’intervention de ses officiers de santé.

     

    L’attention extrême portée à la prévention des maladies sexuelles par l’administration militaire allemande s’explique par le lien entre objectifs militaires à court terme et objectifs de politique démographique à long terme.

     

     

    Il s’agissait bien évidemment pour la Wehrmacht de limiter les maladies chez ses soldats afin de les maintenir bons pour le service.

     

    Mais en même temps, elle considérait les cas de gonorrhée et de syphilis chez ses soldats comme une menace pour "le corps de la nation".

     

    Le service de santé des armées s’inscrivait ainsi dans une conception des maladies vénériennes comme élément de la politique de population qui s’était largement répandue au niveau international avant la Seconde Guerre Mondiale.

     

     

    Comme nous le savons depuis les recherches pionnières d’Alain Corbin, dès la fin du XIXème siècle, sous l’influence du darwinisme, la recherche médicale avait lié les maladies vénériennes aux pronostics de dépopulation et à la théorie de la dégénérescence, et mis ainsi en évidence son importance supposée aussi bien pour la quantité que pour la prétendue "qualité" de la population.

     

    Au premier plan se trouvait la théorie erronée de l’hérédité de la syphilis qui rendait cette maladie responsable de bon nombre de maladies et de phénomènes de déviance sociale.

     

    Il était extrêmement courant, dans l’Allemagne des premières décennies du XXème siècle, d’évoquer les dangers supposés des maladies vénériennes pour le développement de la population.

     

    Le gouvernement national-socialiste élu en 1933 fit (comme on le sait) de l’eugénisme un axe de sa politique.

     

    La conception démographique des maladies vénériennes se concrétisa ainsi de façon exemplaire dans le droit matrimonial nazi et dans la pratique des stérilisations forcées.

     

    Pendant la seconde guerre mondiale, elle modela aussi les mesures de prévention médicale de la Wehrmacht.

     

    Le service de santé allemand ne faisait pas seulement de la lutte contre la syphilis et la gonorrhée un objectif destiné à conserver la troupe en état de poursuivre des objectifs militaires.

     

     

    Les médecins militaires concevaient bien plus les cas de maladies vénériennes chez les soldats allemands comme un danger pour la nation allemande. Ils se référaient ainsi à un concept de maladie tourné vers le futur, où les maladies vénériennes tenaient une place spécifique et primordiale.

     

    La phobie de la contagion des occupants était renforcée par l’image négative de la France chez les Allemands et par les représentations stéréotypées qu’ils avaient des Françaises.

     

     

    Pour les Allemands, la France n’était pas seulement le pays de l’amour et des jeux sexuels, mais aussi, précisément, la terre de la contagion, de la prostitution incontrôlée et du risque de contamination, où d’innombrables Françaises vérolées menaçaient la santé des soldats allemands.

     

    Comme le montrent les documents allemands qui nous sont parvenus, l’okh considérait que la plus grande partie de la population civile française était porteuse de maladies vénériennes et les médecins militaires allemands étaient effectivement d’avis qu’occuper la France c’était mettre les pieds dans un territoire "infesté" par ces maladies.

     

     

    Les officiers de santé développèrent, dans le cadre de l’instruction des troupes, une image effrayante des Françaises, image destinée à réveiller chez les hommes la peur de la femme castratrice et qui se concrétisa dans un mode de pensée hygiéniste.

     

     

    La crainte de la Wehrmacht de voir l’armée allemande victorieuse vaincue par des rapports sexuels avec des Françaises atteintes des maladies vénériennes prit des proportions proprement fantasmatiques.

     

     

    Ainsi, le bruit se répandit dans les milieux de l’administration militaire que la Résistance incitait délibérément des prostituées infectées à entretenir des relations avec des soldats allemands pour affaiblir les troupes d’occupation.

     

    Le contrôle des relations sexuelles

     

    Malgré tout, les stratégies préventives et eugénistes, radicalisées par le ressentiment anti-français, ne suffisent pas à expliquer à elles seules la décision de développer une gestion organisée des bordels.

     

     

    Les motifs qui conduisirent le Haut Commandement de l’armée de terre à développer ce système dépassaient largement la volonté de réglementer la prostitution et d’empêcher les contacts entre soldats allemands et prostituées professionnelles en dehors des bordels.

     

    Car le commandement militaire allemand s’efforçait d’infléchir l’ensemble de relations sexuelles entre soldats occupants et femmes françaises, et dans cette entreprise, la prévention des maladies vénériennes était certes un élément moteur mais sûrement pas le seul.

     

    Il faut d’abord évoquer les considérations de politique raciale : les soldats allemands se virent interdire de fréquenter des "représentants de races étrangères", tandis que l’okh ordonnait la sélection raciale des pensionnaires de bordels.

     

     

    Tandis que la réglementation à base raciale des relations sexuelles était exportée hors du Reich (les "lois de Nuremberg" de septembre 1935 rendaient passibles de poursuites

    les relations sexuelles entre juifs et non-juifs),

     

     

    l’administration militaire développait sur les relations avec les femmes françaises des directives plus larges qui répondaient plus spécifiquement à la situation d’occupation et au quotidien de l’occupation.

     

     

    Son but était de dresser une barrière entre les soldats de la Wehrmacht et l’ensemble de la population française et elle martelait, dans d’innombrables notes de service destinées à la troupe, l’injonction de se tenir à distance de la population civile française.. De fait, il s’agissait bien des relations personnelles avec les Françaises. A chaque fois, le détail des mesures se référait explicitement aux contacts des occupants avec les Françaises.

     

    Le nombre et la fréquence des instructions détaillées des autorités d’occupation, à propos de la fréquentation des Françaises, est à peine concevable aujourd’hui.

     

    Les relations sexuelles des soldats allemands dans la France occupée étaient réglées dans le moindre détail par une quantité invraisemblable de dispositions.

     

    La Wehrmacht interdisait ainsi à ses membres de donner le bras aux Françaises, de s’asseoir avec elles sur les bancs des jardins publics ou de fréquenter les cafés et les manifestations publiques.

     

    De même, la troupe n’avait pas le droit de faire monter des Françaises dans des chambres d’hôtel ou des logements de la Wehrmacht, ou d’entretenir des relations de nature maritale dans la zone occupée.

     

    L’exploitation systématique des documents relatifs à la question permet quelques suppositions sur les motifs liés à cette limitation des contacts.

     

    Il s’agissait, sans aucun doute, de contribuer au maintien de la discipline militaire, c’est-à-dire d’éviter de donner l’impression que les soldats et officiers allemands stationnés en France et donc loin du front, pouvaient se consacrer à leurs plaisirs personnels ;

     

    le contact incontrôlé avec des femmes était considéré comme le symbole par excellence. Les autorités d’occupation étaient également soucieuses, face à la société française, de faire preuve de maîtrise de soi et d’autodiscipline jusque sur le terrain sexuel et de ne pas compromettre par le comportement personnel quotidien le mythe développé par la propagande d’une Wehrmacht toute puissante.

     

    En outre, l’administration militaire allemande attribuait une dimension nationale aux relations sexuelles en territoire occupé.

     

    Du moment que la propagande mensongère énonçait que la France avait imposé la guerre à l’Allemagne et provoqué ainsi d’innombrables morts dans les rangs allemands, le contact intime des troupes avec les femmes de l’ennemi vaincu prenait aux yeux des occupants des allures de trahison de l’honneur national.

     

     

     

     Afficher l'image d'origine

     

     

    A la discipline, à l’image de la puissance occupante, à la proclamation de la France comme ennemi national s’ajoutèrent, au fil du temps et de plus en plus, des éléments de sécurité policière et de contre-espionnage.

     

     

    Si les relations sexuelles en dehors des bordels avaient été initialement dénoncées comme une menace pour les forces allemandes (essentiellement pour des raisons d’hygiène épidémiologique), à partir de l’été 1941, les considérations militaires de sécurité et de contre-espionnage au sens large se développèrent.

     

     

     

    Les autorités allemandes ayant cru pouvoir constater que les groupes de résistance attaquaient de préférence les soldats accompagnés de femmes, elles multiplièrent les interdictions de contacts avec les femmes françaises   

     

    Militärbefehlshaber in Frankreich, Kommando Stab IIa,....

     

     

    Parallèlement, la surveillance des relations sexuelles prit une place importante dans les activités de contre-espionnage militaire, la Wehrmacht considérant que les contacts privés avec la population civile (particulièrement les femmes), pouvaient entraîner la divulgation d’informations militaires ou une influence politique sur des membres de la Wehrmacht.

     

    Enfin, les autorités d’occupation savaient que, dans le cadre du "travail allemand", la résistance communiste envoyait délibérément des femmes françaises vers des soldats allemands pour jauger le moral des occupants grâce à ces contacts personnels, pour essayer de les démoraliser et d’établir des liaisons avec les rares soldats allemands critiques à l’égard de la conduite de guerre nazie.

     

     

     

     

    Outre les considérations de politique sanitaire et raciale, divers facteurs directement liés à l’occupation vinrent donc peser de façon décisive sur le contrôle des relations sexuelles entre membres de la Wehrmacht et habitantes du territoire français. Les impératifs liés à la politique d’occupation conduisirent le contrôle de la prostitution par les Allemands bien au-delà de la régulation d’un marché du travail sexuel stricto sensu.

     

    Dans la pratique, l’interdiction des contacts ne s’exerça que partiellement sur les soldats et les sanctions furent majoritairement prononcées non pas contre les hommes allemands, mais contre les Françaises. Si la Wehrmacht accorda dans les faits quelques marges de liberté à ses hommes, tenir les troupes d’occupation à l’écart de la population civile resta la ligne de conduite dans l’organisation du quotidien de l’occupation.

     

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    La volonté d’éviter toute relation personnelle entre occupants et habitantes du pays occupé était la première motivation directe de la mise en place du système des bordels. Les états-majors allemands concevaient la fréquentation des bordels comme une alternative aux relations privées entre sexes.

     

    C’était donc souvent les mêmes notes de service, les mêmes instructions, qui invitaient à s’abstenir de contacts avec la population civile et qui fournissaient aux troupes les dernières informations sur le fonctionnement des bordels.

     

    Les bordels comme méthode d’encadrement :

     

    La participation des troupes aux fruits de la victoire

     

    La volonté des autorités militaires allemandes de limiter les relations incontrôlées avec la population civile ne débouchait pas fatalement sur la mise en place d’un système organisé de bordels.

     

     

    On aurait pu imposer aux soldats, par la menace de sanctions rigoureuses, l’abstinence sexuelle en territoire occupé.

     

    De fait, un certain nombre d’officiers allemands, favorables à une telle orientation, restaient sceptiques quant à l’organisation de bordels militaires dans la France occupée.

     

     

    L’okh rejeta cependant résolument les prises de position en ce sens okh, GenStdh., GenQu, Heeresarzt, Sammelverfügung Nr9,....

     

    Car la création des bordels propres à la Wehrmacht ne devait pas seulement empêcher les relations incontrôlées de soldats avec les femmes. Elle reposait aussi sur la volonté du commandement allemand de donner à la troupe la possibilité de rencontrer des femmes et d’offrir des distractions sexuelles aux soldats allemands.

     

    Le système de bordels de la Wehrmacht était en fait également un service offert par l’okh, en récompense de la participation loyale à la guerre de pillage et d’anéantissement qui déferlait sur l’ensemble du continent européen.

     

     

    Considéré comme un élément de la conduite des troupes, il était le pendant aux exécutions de masse par lesquels les dirigeants militaires allemands réagissaient aux désertions.

     

     

    Il montrait en effet aux soldats allemands, qu’en tant que membres de la Wehrmacht, ils bénéficiaient de satisfactions sexuelles et qu’on ne reculait devant aucun effort pour leur permettre de rencontrer des femmes françaises sans risque ni désagrément personnel, puisque la protection militaire et médicale était

    assurée au même titre qu’une tarification homogène.

     

    Réserver des bordels à la Wehrmacht signalait aussi aux soldats allemands qu’ils pouvaient participer à la victoire sur la France et que l’appartenance à la Wehrmacht était assortie d’avantages d’ordre privé.

     

     

    La fréquentation du bordel était l’une des attractions que le séjour en France procurait aux soldats de rang inférieur.

     

    La supériorité militaire allemande ouvrait les bordels français également aux membres des couches inférieures de la population allemande sous l’uniforme pour lesquels un voyage dans le pays voisin était impensable avant la guerre.

     

    La surveillance des bordels et de la prostitution imposée en France en 1940 devint un modèle pour les services sanitaires de l’okh lorsque, ultérieurement, ils introduisirent, dans de vastes zones de l’Europe sous domination allemande, des mesures destinées à poursuivre les femmes soupçonnées de prostitution et qu’ils mirent en place des bordels réservés aux troupes allemandes.

     

     

     

    En pratique, en dépit de la quasi-absence de recherches sur le sujet, il semble qu’on puisse affirmer qu’aucun autre pays ne fut couvert, comme la France, par un tel réseau de bordels.

     

    En outre, ni le caractère de modèle du système mis en place dans la France occupée, ni la planification décidée à Berlin, n’empêchèrent l’existence de différences importantes dans l’action effective de la Wehrmacht dans les divers pays occupés.

     

    Cela vaut en particulier pour la violence exercée contre les femmes.

     

    En Europe de l’Est, où les occupants allemands traînaient jeunes filles et femmes dans leurs bordels en les menaçant de mort ; dans ces lieux, il s’agissait davantage de viols organisés dans une atmosphère de terreur, que de prostitution.

     

    La surveillance de la prostitution par la Wehrmacht en France ne relève guère de l’histoire de la violence sexuelle contre les femmes pendant la guerre.

     

    L’administration militaire ne pourchassait pas les Françaises pour les contraindre à se prostituer avec les membres de la Wehrmacht.

     

    Au contraire, la répression la plus rigoureuse était dirigée contre les femmes des couches populaires qui fréquentaient des soldats allemands contre la volonté de la puissance occupante.

     

    En persécutant les Françaises soupçonnées de prostitution et en mettant en place le système des bordels, les autorités allemandes cherchaient d’abord à déterminer quelles femmes seraient en contact avec leurs soldats et dans quelles conditions.

     

    Leur objectif était de réglementer les relations sexuelles entre les troupes d’occupation et la population civile féminine.

     

    Leur réglementation, fondée sur des mesures de contrainte et de répression contre les Françaises concernées, faisait des hommes allemands les profiteurs de la conduite de guerre et de l’occupation.

     

     

     

    Bordel allemand dans

    une synagogue de

    Brest

     

     

     

    PHOTO © BArch, Bild 101II-MW-1019-07. DIETRICH

     

    Ce n’est pas exactement une synagogue, mais un mikvé (bain rituel juif).

     

    La scène se passe en 1940 à Brest.

     

    On voit deux soldats allemands s’apprêtant à entrer dans un bordel. Un troisième, hilare, regarde le photographe en levant le pouce, comme pour dire :

     

    «Super !»

     

    Sur la façade, on voit quatre étoiles de David en mosaïque. Dans la signalétique urbaine de l’occupant, la maison close se reconnaît au numéro de rue indiqué par un très gros chiffre, ici un «3».

     

    A gauche de la porte, une inscription en allemand :

     

    «Ouvert de 10 à 21 h. Chaque soldat allemand doit quitter cette maison à 21 h.

     

    Signé : le commandant.»

     

    A droite, une autre inscription :

     

    «Par ordre du commandant, cet établissement est fermé aux civils.»

     

    Cette photo fait d’une pierre trois coups :

     

    elle est la profanation d’un lieu rituel juif, elle informe de la disparition des Juifs de la ville, et elle montre le contrôle des relations sexuelles vénales entre occupants et occupés.

     

    Dans un premier temps, situons cette rue.

     

    La topographie de la ville de Brest d'avant-guerre était bien différente de celle de nos jours. La rue Guyot était le lien entre les deux rues principales de l’époque, la rue de Siam et la rue Louis pasteur, notamment par un grand escalier appelé "l'escalier du commandant".
    Quelques photographies de l'époque, extraites de la Bundesarchiv

     

     

     

      Après quelques recherches et quelques échanges, nous pourrions vous révéler directement nos conclusions, mais il nous semble intéressant de vous présenter l'approche dans les détails. Nous commencerons donc par le courriel du Conservateur des Archives Consistorials :

     

      Dans l’étude que nous effectuons sur les traces d’une communauté israélite à Brest, nous n’avons pas encore trouvé des éléments d’autant plus qu’en 1940, il apparaît qu’il n’y a pas de communauté affilée au Consistoire central.

     

    Je me pose la question s’il n’y a pas eu erreur sur les lieux (c’est fréquent). D’après vous, l’endroit correspond-il plus ou moins à ce que vous connaissez ?

     

    Sur ce premier point, nous pouvons affirmer que cette photographie, extrait des archives allemandes, concerne bien la ville de Brest dans le Finistère et non pas Brest-Litovsk en Biélorussie (dont la synagogue fut incendiée et détruite durant la guerre).

     

    En effet, les photographies allemandes et celles des ruines de Brest sont comparables, notamment le célèbre « escalier du Commandant » reliant (avant la guerre) la rue de Siam et la rue Pasteur et débouchait sur la rue Guyot.

     

    Mais si ces photographies ont bien été prises à Brest, de quel lieu s’agit-il ?

     

     Il est parmi mes connaissances un homme qui fut pompier durant la guerre, il avait environ 18 ans à cette époque.

     

    Hors, Monsieur A. G. m’a affirmé que la rue Guyot était connue comme un endroit malfamé où la prostitution régnait et que à sa connaissance, il n’avait jamais eu de synagogue ni autre lieu de culte israélite à Brest.

     

    A ce stade, nous avons la certitude du lieu, de la date mais toujours pas de trace de mikvé…

     

     

     

    Photographie de la rue prise de l'escalier

     

     

     

     

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